Les agriculteurs néerlandais dans le fumier « jusqu’au cou »
Aux Pays-Bas, les éleveurs sont confrontés à « une crise du fumier ». Pour respecter les normes environnementales, l’épandage est limité et les stocks s’accumulent.
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« On est littéralement dans le caca, jusqu’ici », lâche en montrant son menton Jos Verstraten, bientôt 60 ans, dans l’étable où ruminent tranquillement ses 145 vaches dans le sud des Pays-Bas, qui sont confrontés à une « crise du fumier ». « On ne sait pas où aller avec notre fumier », soupire M. Verstraten, en montrant un énorme réservoir en forme de chapiteau de cirque où il stocke le lisier de ses vaches.
« Il faut réduire le cheptel »
« Nous en produisons plus que nous ne pouvons en épandre sur nos champs », poursuit l’agriculteur, qui voit l’avenir de sa ferme en aussi gris que le ciel néerlandais en cette journée d’octobre à Westerbeek, près d’Eindhoven. Aux Pays-Bas, les nuages s’amoncellent dans la campagne. Le secteur agricole est déjà pointé du doigt pour être l’un des plus gros responsables de la crise dite de l’azote, un casse-tête politique et juridique sur la pollution de l’air dans l’un des pays les plus densément peuplés d’Europe.
À cela s’ajoute donc la crise du fumier. Trop de fumier sur les champs entraîne une pollution des eaux et de l’air dans ce petit pays de près de 18 millions d’habitants, et pourtant l’un des plus importants exportateurs de produits alimentaires au monde. Même la plupart des agriculteurs ont fini par l’accepter, affirme Jos Verstraten, pour qui le tabou est levé : pour pouvoir respecter les normes environnementales, il faut réduire le cheptel, il y a trop de vaches aux Pays-Bas. Presque 4 millions.
20 000 et 30 000 euros pour transporter l’excédent de lisier
Les agriculteurs néerlandais sont autorisés à épandre le fumier sur leurs terres entre février et septembre, lorsque l’herbe pousse. Pendant des années, les Pays-Bas disposaient d’une dérogation de Bruxelles pour épandre plus de fumier que d’autres pays de l’Union européenne. Cela était dû en partie à une période de végétation plus longue aux Pays-Bas, où les cultures absorbaient donc davantage d’azote provenant des effluents d’élevage.
Les agriculteurs néerlandais étaient autorisés à épandre entre 230 et 250 kg d’azote par hectare et par an, contre 170 kg dans la plupart des pays de l’Union européenne. Mais la qualité des eaux aux Pays-Bas s’est détériorée et après plusieurs avertissements, Bruxelles a décidé de mettre fin à la dérogation. En 2026, les agriculteurs néerlandais devront se conformer à la norme européenne.
« Nous ne pouvons plus épandre autant de fumier sur nos champs que nous le faisions ces trente dernières années », explique Jos Verstraten, qui consacre déjà entre 20 000 et 30 000 euros au transport de son excédent de lisier. Son troupeau produit chaque année 5 000 mètres cubes d’effluents. Pour le moment, il peut épandre quelque 1 700 mètres cubes sur ses 55 hectares, mais ce chiffre va diminuer dans les prochaines années à environ 1 500. Pour pouvoir se débarrasser de son lisier, ça sera à qui pourra payer le plus, soulève l’éleveur.
« Qui arrêtera le premier ? »
La ministre de l’Agriculture, Femke Wiersma, du parti pro-agriculteurs BBB, membre de la coalition gouvernementale menée par l’extrême droite, plaide à Bruxelles pour un maintien de la dérogation. Mais selon les experts, il y a peu de chance que cela aboutisse. Le gouvernement veut par ailleurs miser sur la compensation financière des agriculteurs qui stoppent volontairement leurs activités. Jos Verstraten concède que le secteur « doit changer », « parce qu'[ils savent] que le système actuel pollue trop l’environnement ». « Il n’y a qu’une seule solution pour l’instant, c’est de réduire le cheptel », dit-il, ce qui signifie envoyer « plus d’animaux à l’abattoir et produire moins de lait ».
Ce qui exaspère le plus le secteur, c’est l’incertitude quant à la politique menée à La Haye. « On perd confiance en l’avenir, confie l’éleveur. Si mon fils n’avait pas voulu reprendre la ferme, j’aurais probablement déjà arrêté. » [...] « Tout est très incertain, nous attendons que le gouvernement prenne des mesures. Mais en attendant, la crise est là et les agriculteurs perdent patience, poursuit-il. On se regarde entre voisins. Qui arrêtera le premier ? C’est une situation très triste. »
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