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Convention citoyenne sur le climat 150 propositions et beaucoup d’incertitudes

Le travail de la Convention citoyenne pour le climat a abouti au rendu de 150 propositions. Mais cette nouvelle forme de dialogue environnemental est fortement critiquée, y compris dans les milieux écologistes.

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Après huit mois de travail, la Convention citoyenne pour le climat finalisait ce week-end ses propositions. Les 150 citoyens tirés au sort, représentatifs de la diversité de la société française, ont couché sur papier autant de propositions censées permettre à la France d’atteindre ses objectifs climatiques. À savoir : une réduction de 40 % de ses émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Un objectif qui pourrait d’ailleurs être augmenté dans le cadre du Green Deal, afin de remettre les États européens dans la bonne trajectoire (1).

 

La convention devait voter ce week-end son rapport pour le rendre au gouvernement le 21 juin 2020. Parmi les cinq thématiques abordées, l’une, intitulée « Se nourrir », concerne plus particulièrement le secteur agricole. Dans ce domaine comme dans les autres, les propositions de ces citoyens sont parfois qualifiées d’ambitieuses (pour ne pas dire irréalistes). Ce travail est-il pour autant applaudi des deux mains par les mouvements écologistes ? Pas exactement.

Un dialogue en chasse un autre

Ainsi, France Nature Environnement salue « l’engagement des 150 citoyens, qui se sont impliqués de façon courageuse et admirable », mais fustige la méthode. La fédération critique l’« impréparation, entraînant au fil de l’eau improvisations, revirements soudains et relative opacité sur les processus décisionnels ». Surtout, elle voit dans cette convention une façon de tenir à l’écart les syndicats et les associations, qui sont les interlocuteurs habituels de l’État dans le dialogue environnemental.

 

FNE propose donc d’articuler les différents modes de concertation en intégrant les citoyens aux débats qui se tiennent dans les instances de dialogue officielles. Se pose aussi la question de la suite qui sera donnée à ces travaux. « Emmanuel Macron tiendra-t-il sa promesse de mettre en œuvre ces propositions sans filtre, soit par un projet de loi, soit en prenant directement des décrets selon la nature des propositions ? » interroge la fédération d’associations environnementales.

 

Autre danger : « Entre une idée et sa traduction sous forme de règle de droit, il y a bien souvent un monde : une proposition peut toujours être interprétée et son sens tout à fait modifié lorsqu’elle est couchée sur le papier de la loi », critique de son côté l’avocat Arnaud Gossement.

Le concept flou d’« agroécologie »

Ce spécialiste en droit de l’environnement partage les critiques de FNE et les abonde. Sur le fond, il qualifie les propositions « d’adaptations souvent assez tièdes de mesures déjà existantes ou déjà discutées ». Et de citer le symbole de cette tiédeur : la question de la taxe carbone, hautement sensible, a été éludée… Le choix de termes volontairement flous concourt aussi, selon l’avocat, à affaiblir l’ambition des mesures.

 

C’est le cas des objectifs visant à favoriser « l’agroécologie », dont aucune définition précise ne peut être donnée. Autre faiblesse majeure du travail de la Convention : la question des moyens n’est pas abordée. Or « oublier la question des moyens c’est prendre le risque de se contenter de symboles », craint Arnaud Gossement.

Aucune garantie d’être suivie d’effet

Quant à la suite légale qui sera donnée à ces travaux, il la juge très incertaine. « Prévue par aucun texte […], cette convention n’a bénéficié d’aucune des exigences et garanties du principe de participation du public pourtant inscrit dans notre Constitution. Les membres de cette Convention ne disposent d’aucun recours si leurs propositions ne sont pas suivies d’effet ».

 

Dernier « oubli » de la convention : le rôle de l’Europe, alors que « 80 % de notre droit de l’environnement est en réalité du droit européen de l’environnement », souligne l’avocat. Qui conclut qu’« Emmanuel Macron ne pourra bien sûr pas “reprendre sans filtre” des propositions qui ne relèvent pas de sa compétence mais de celle de l’Europe ou des collectivités territoriales par exemple ».

(1) Un nouvel objectif de –50, voire –55 % de GES en Europe devrait être proposé en septembre par la Commission européenne, afin de remettre l’Europe dans une trajectoire permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050.

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