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Piloter la fertilisation au plus près des besoins du blé

Avec l’outil CHN, les préconisations de fertilisation sont ajustées au contexte de l’année selon le stock d’azote dans le sol et le potentiel de croissance de la plante.

L’outil CHN d’Arvalis ajuste les apports azotés aux caractéristiques de la parcelle et aux besoins du blé. Avec une promesse : améliorer l’efficience de l’engrais apporté.

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Arvalis teste depuis 2021 chez des agriculteurs son outil CHN de pilotage intégral de la fertilisation azotée couplé avec des images satellitaires Sentinelle 2. Quel est le principe ? L’outil simule en temps réel tout ce qui se passe dans la parcelle (minéralisation de l’humus, résidus du précédent, Cipan, apport de matière organique, biomasse, teneur en chlorophylle…). Cela permet de suivre l’état de nutrition azotée de la plante tout au long du cycle et de pronostiquer ses besoins futurs en fonction des stocks à disposition.

Les conditions pédoclimatiques, comme la pluviométrie, sont prises en compte pour maximiser l’efficience des apports. « Les images satellitaires confortent le modèle ou le recale s’il y a une maladie, une inondation… », explique Thierry Denis, ingénieur régional chez Arvalis dans les Hauts-de-France. « L’avantage de l’outil est de pouvoir s’adapter au plus près aux conditions de l’année », insiste François Taulemesse, spécialiste de la fertilisation chez Arvalis. L’idée n’est pas de chercher à faire beaucoup plus de rendement et de protéines mais d’être plus efficient dans les apports d’azote et d’éviter les pertes. Le tout, en s’affranchissant du calcul de la dose bilan qui se heurtait à la difficulté d’estimer le potentiel de rendement.

Flexibilité

Pour piloter sa parcelle, l’agriculteur doit entrer différentes informations : variété de blé, date de semis, type de sol, date de récolte du précédent et son rendement… Il définit par ailleurs le nombre d’apports qu’il entend réaliser et les dates approximatives des interventions prévues. L’outil formule alors un conseil de dose à chaque apport programmé. Cette dose doit permettre de satisfaire le blé jusqu’à la prochaine échéance choisie. Le conseil est valable 20 jours, soit une dizaine de jours avant et une dizaine de jours après la date fixée.

« Au départ, CHN a été conçu avec une simulation journalière, pouvant déclencher des apports dès que la plante en a vraiment besoin. Mais en pratique, si la date n’est pas la même pour les différentes parcelles de l’exploitation, le céréalier peut avoir du mal à suivre, parfois occupé sur d’autres travaux comme la plantation de pommes de terre », observe Thierry Denis.

Une variante de l’outil, plus flexible aux contraintes de calendrier, a donc été proposée afin que l’utilisateur soit maître de son fractionnement. En cours de campagne, le producteur indique les informations relatives à chaque apport d’azote réalisé (date, dose, forme d’engrais) pour mettre à jour le modèle.

Exemple de conseil formulé par le module CHN en 2024 pour un quatrième apport sur blé, sous forme de carte de modulation. « Non seulement, l’agriculteur reçoit une dose adaptée à sa parcelle mais il peut la moduler s’il est équipé », explique Thierry Denis, d’Arvalis. (©  Arvalis)

Résultats prometteurs

Les résultats des quatre années d’essais (100 essais en 2024 sur toute la France) sont prometteurs. Dans chaque parcelle, une bande pilotée à l’aide de CHN est comparée à la pratique classique de l’agriculteur. À l’échelle du réseau, l’année 2023 a été la plus intéressante puisque CHN a permis de diminuer la dose totale de 12 kg d’azote à l'hectare en moyenne. Le gain de rendement moyen atteint 2,5 q/ha comparativement à la pratique de l'agriculteur. Un tiers des parcelles du dispositif CHN présentait une hausse de rendement de 4 à 14 q/ha.

Les gains de marge « azote » oscillent entre +77 et +109 €/ha, selon les scénarios de prix d’achat des engrais et de vente du grain. Dans les Hauts-de-France, l’économie d’azote a atteint 40 unités, avec un gain de rendement de 4,7 q/ha. « En 2021, il fallait mettre plus d’azote pour un rendement supérieur, car l’azote était moins efficient. Et cette année, seulement 15 unités ont été économisées pour le même rendement », indique Thierry Denis.

Arvalis a testé l’outil en 2024 dans différents types de situation : classiques ou semis tardifs, blés inondés, parcelles en agriculture de conservation des sols (ACS), avec du digestat (lire l'encadré). « L’outil fonctionne bien dans tous les milieux à part en craies de Champagne où il a des difficultés à assimiler les stocks d’azote disponibles dans le sol et accessibles par la plante », remarque François Taulemesse. Autre limite : les parcelles en ACS avec précédent en maïs. « Les résidus sont présents longtemps, si bien que l’azote appliqué sur le blé est d’abord capté pour dégrader les résidus ce qui pose ensuite des problèmes de pilotage », développe Thierry Denis.

Commercialisation en 2025

Depuis deux ans, des tests ont été réalisés par Arvalis et Airbus sur des parcelles entières pour intégrer CHN dans une variante de l’outil Farmstar. L’outil est prêt pour une commercialisation en 2025 sur blé. « Quelques milliers d’hectares devraient être concernés dans un premier temps, notamment dans la partie nord de la France », informe Airbus, qui va vendre ce service via des distributeurs. « C’est un outil qu’il faut accompagner, insiste Thierry Denis. Il sort un peu des sentiers battus puisqu’il préconise des apports basés sur le suivi de la croissance. »

Se pose aussi la question de son acceptation par le céréalier : l’utilisation de CHN amène en effet à des apports d’azote plus tardifs et un fractionnement un peu plus important (un passage supplémentaire en moyenne). Ces décalages d’apports précoces peuvent conduire à un jaunissement de la parcelle, voire à une légère réduction de la croissance en biomasse, non préjudiciables au rendement. « Des agriculteurs ont parfois peur de mettre de l’azote dans le sec, relate Thierry Denis. Mais des travaux menés en parallèle montrent qu’il n’y a pas que la pluie qui compte. C’est d’abord la vitesse de croissance, puis le niveau d’azote dans le sol. »

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