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Aricle La prévention des TMS n’est pas un luxe

Handicapants pour ceux qui les subissent, enjeu majeur pour les entreprises : s’atteler à la prévention des troubles musculo-squelettiques rapporte souvent plus qu’il ne coûte.

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«Les répercussions sociales, financières et humaines des troubles musculo-squelettiques sont très lourdes. » Elles « mettent en péril le fonctionnement de nombreuses exploitations agricoles. » Dans son dernier plan d’action Santé sécurité au travail 2016-2020, la MSA met en exergue les conséquences des TMS sur la santé des travailleurs, mais également les entreprises et la société civile.

Absentéisme, perte de compétences, désorganisation, inaptitude… Les TMS ont vu leur nombre augmenter de 5,5 % entre 2015 et 2016 : elles représentent 93,3 % des maladies professionnelles dans le milieu agricole, contre 87 % pour le régime général, selon les dernières statistiques de la MSA de 2016.

Un lourd tribut

Le prix à payer va aussi en s’accroissant. Pour les seuls salariés agricoles, les TMS ont généré un coût moyen de 24 100 euros en 2012. Quatre ans plus tard, ce coût, déjà très élevé, a augmenté de 4,8 %. L’explosion est encore plus remarquable chez les non-salariés agricoles, avec une hausse des dépenses par TMS de 27 % entre 2012 et 2016.

La difficulté physique du métier explique en partie ce lourd tribut, mais pas seulement. Comme une fatalité liée à la profession, « les agriculteurs ont intégré la notion de la contrainte », explique l’ergonome Dora Candido, du cabinet Technologia (lire ci-contre). Par ailleurs, plus le travailleur est flexible, plus il s’expose aux risques de troubles musculo-squelettiques. Le métier étant par essence pluriel, le danger est renforcé. Chez les non-salariés, 1 229 TMS ont ainsi été reconnus en maladie professionnelle en 2016. Pour les salariés, il faut compter le triple. Les femmes arrivent en tête, avec un indice de fréquence de 3,7 TMS pour 1 000 affiliées, contre 2,3 ‰ pour les hommes.

 

« La recherche de solutions doit s’appuyer sur les spécificités de l’entreprise », souligne le docteur Florent Masson. © DR

 

À la force du poignet

Le canal carpien (au niveau du poignet) concentre le plus grand nombre de pathologies. Les épaules qui engendrent les dépenses les plus élevées (lire p. 42) arrivent ensuite (32,8 %), puis le coude (17 %). Contre toute attente, les affections du rachis lombaire ne concernent qu’une personne sur dix et viennent en quatrième position, au même rang que celles des mains. Dans une très grande majorité (87,5 %), les mouvements répétitifs sont à l’origine du plus grand nombre de troubles musculo-squelettiques, tandis que 8 % sont causés par le port de charges et 1,9 % par les vibrations.

Aucun secteur en agriculture n’est épargné par les TMS. Certains sont plus concernés. Pour les exploitants, les éleveurs laitiers comptent le plus grand nombre de personnes touchées, devant les agriculteurs en cultures spécialisées et les éleveurs allaitants. Pour les salariés, les employés dédiés à la découpe de la viande sont de loin les plus affectés.

Les derniers chiffres de la MSA montrent, par ailleurs, que le fléau touche surtout l’ouest de la France, avec un indice de fréquence élevé en Aquitaine (5,1 TMS pour 1 000 actifs) et en Bretagne (4,4 ‰). L’autre coût, et non des moindres, est qu’un TMS génère en moyenne 45 jours d’arrêt de travail.

Des aides à solliciter

C’est dire, en quelques chiffres, l’ampleur du phénomène. Pourtant, face à l’« épidémie » galopante ainsi qualifiée par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), les médecins du travail se voient souvent objecter le manque de temps et de moyens pour envisager une démarche de prévention. Si des adaptations techniques sont parfois nécessaires, les gestes les plus simples peuvent aussi améliorer la situation.

Le docteur Florent Masson s’intéresse à l’activité physique au travail. Ce médecin généraliste, médecin du travail à la MSA et médecin du sport, est l’auteur d’un mémoire publié en janvier 2020 sur les TMS. Il est parvenu à instaurer, dans une entreprise d’espaces verts, un programme d’activités physiques de type échauffements et étirements à réaliser au quotidien et de manière autonome par les salariés, sur les heures et le lieu de travail. En quelques mois, les résultats montrent jusqu’à deux fois moins de survenues de TMS.

Une étude menée en 2015 par le Comité national olympique et sportif français estime que la pratique du sport en entreprise générerait une baisse de 5 à 7 % des dépenses de santé annuelle, une augmentation de productivité de 6 à 9 % et de 7 à 9 % d’économies de dépenses de santé pour la société civile. Florent Masson relativise : « La prévention des TMS est plurielle. Il n’existe pas une porte d’entrée, mais plusieurs démarches complémentaires et des solutions à co-construire avec l’entreprise. Il est certain cependant qu’un corps mieux préparé à l’effort concourt à prévenir les blessures. » Des aides financières de la MSA sont dédiées à cette problématique de santé. Mais elles sont peu sollicitées, note dans son mémoire Florent Masson. En 2018, par exemple, seule la moitié du budget de l’allocation Action santé au travail a été utilisée, et seulement dans une dizaine de caisses sur les trente-cinq existantes.

Rosanne Aries

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