« L’autonomie alimentaire est une opportunité pour l’élevage »
Jérôme Pavie rappelle les vertus économiques et environnementales de l’autonomie alimentaire en élevage. Responsable du service des fourrage et pastoralisme de l’Institut de l’élevage, il bat aussi en brèche quelques idées reçues sur les dépendances de l’élevage français.
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Quel enjeu représente l’autonomie en élevage en France ?
L’autonomie alimentaire est une originalité de l’élevage français, y compris dans le paysage européen. Le cheptel français est ainsi dépendant à 7 % seulement des importations. Les tourteaux de soja représentent eux-mêmes moins de 3 % de l’approvisionnement. L’équilibre entre besoins et ressources est une préoccupation ancestrale de l’élevage. L’autonomie constitue un gage de sécurité et de sérénité.
Comment maintenir l’autonomie face au changement climatique ?
Au-delà du réchauffement de 4,5°C annoncé par le Giec, le changement climatique va accroître la fréquence et l’intensité des aléas. Face à ceux-ci, la première piste est de valoriser au maximum le potentiel existant, notamment en allongeant les temps de pâturage. Selon les simulations Climalait (1), la production des prairies devrait être équivalente en volume, mais avec une répartition différente. Nous aurons probablement deux « hivers », c’est-à-dire deux périodes sans pousse respectivement en hiver et en été.
Les disponibilités plus précoces ou plus tardives d’herbe pourraient toutefois être difficiles à valoriser du fait de la portance des sols. Les haies bocagères peuvent aussi être considérées comme des ressources potentielles. Elles fournissent jusqu’à 10 % de la ration des bovins qui y ont accès.
La diversité fourragère est le deuxième levier majeur de gestion des risques en multipliant les périodes de récolte. La culture de luzerne profitera du réchauffement, tant que le stress hydrique ne sera pas trop fort. Le maïs pourrait également tirer son épingle du jeu, mais avec un cycle raccourci.
Enfin, certains systèmes de production devront être profondément repensés. Je m’interroge sur la concurrence que peuvent représenter les méthaniseurs sur la disponibilité des fourrages.
Pourquoi et comment développer l’autonomie protéique ?
La demande mondiale en protéines est en croissance, qu’elles soient d’origine animale ou végétale. L’augmentation des prix du soja est une répercussion des tensions sur ce marché. De plus, avec 80 % du soja produit en Amérique et 48 % de la consommation en Chine, l’Europe est un petit poucet avec 14 % des importations mondiales.
Si l’autonomie protéique de l’élevage français est assurée à 81 % (2), il lui manque des aliments à plus de 15 % de protéines : les matières riches en protéines (MRP). Pour améliorer cette situation, je recommande d’abord d’optimiser l’équilibre énergie-PDI dans les rations. Des coupes plus précoces et plus de légumineuses fournissent également des fourrages plus riches en matière azotée. Les prairies sont une mine en la matière et peuvent être complétées de cultures de légumineuses pures ou en mélange.
L’autonomie alimentaire et protéique va-t-elle de pair avec efficacité environnementale et économique ?
En bovins laitiers, nos études sur 650 exploitations de 2009 à 2017 ont inclus tous les systèmes d’élevage. Quel que soit le niveau d’autonomie initial de ceux-ci, ces travaux font apparaître une corrélation favorable entre autonomie protéique et empreinte carbone. L’EBE sur produit s’accroît également quand cette autonomie progresse.
(1) financé par le Cniel de 2015 et 2019 partenariats Arvalis, BTPL, Chambres d’agriculture, Cniel, Inrae, Institut de l’élevage, Météo-France. (2) toutes filières confondues.
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