Consommation Le lait bio boudé à cause de l’inflation
Dans un contexte de tension sur le pouvoir d’achat des ménages français, la demande en produits laitiers bio s’étiole.
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Après plusieurs années de forte croissance, la consommation de produits laitiers bio s’est retournée en 2021. Et elle continue de reculer dans toutes les familles de produits. « En 2022, les ventes […] en grandes et moyennes surfaces sont revenues à leur niveau de 2018, alors que la collecte a entre-temps augmenté de 50 %, souligne Corentin Puvilland, économiste au sein de l’interprofession laitière (Cniel), dans une vidéo publiée le 2 mai 2023. Sur les trois premiers mois de 2023, la consommation continue de diminuer au même rythme. »
Cette divergence entre l’évolution de la consommation et celle de la collecte se traduit par une forte augmentation des déclassements de lait bio. « D’après nos estimations au moins 35 % du lait bio collecté en 2022 aurait été déclassé, estime l’économiste. Ce chiffre exprimé en équivalent lait occulte le fort déséquilibre matière qui caractérise la filière bio avec une plus forte demande pour la matière grasse biologique. »
Des conséquences sur les revenus
Comme les éleveurs conventionnels, les producteurs de lait bio ont vu leurs coûts de production flamber dans un contexte de canicule et de sécheresse particulièrement pénalisant pour les systèmes herbagers. D’après les estimations de l’Institut de l’élevage, leurs coûts de production auraient augmenté de près de 10 % en 2022. S’y ajoute, à cause du déséquilibre de marché, une stagnation du prix du lait bio moyen sur 2022, alors que celui du lait conventionnel augmentait de 23 %.
« Par conséquent, d’après l’institut Delage, le revenu courant par unité de main-d’œuvre aurait baissé de 7000 € dans les fermes bio de plaine en un an, et de 18 000 € depuis 2018, détaille Corentin Puvilland. D’après l’observatoire des coûts de production publiés par le Cniel, la situation s’est même davantage dégradée dans les fermes bio de montagne qui ont subi des hausses de coûts de production plus forte ces dernières années. » Un contexte tendu, qui contribue au ralentissement de la collecte bio.
Des signes d’espoir
« Depuis l’automne, le prix du lait bio progresse plus significativement avec une forte hétérogénéité entre les Iaiteries, selon l’économiste. En février, il se situait 7 % au-dessus de son niveau de 2022. » Et du côté de la consommation, la perspective d’une baisse de l’inflation en fin d’année apparaît comme un signe potentiellement positif pour les produits laitiers bio.
« Le ralentissement de la consommation de produits bio comporte certes des causes structurelles, mais les ventes en grandes et moyennes surfaces avaient commencé à ralentir avant l’apparition de l’inflation à la fin de 2021, décrit Corentin Puvilland. Et des études réalisées auprès des consommateurs ont montré une certaine altération de la perception des bénéfices des produits bio sur la santé et l’environnement. »
Mais cette « déconsommation » pourrait surtout être liée à des facteurs conjoncturels et donc transitoires. L’inflation se traduit par une descente en gamme pénalisante pour les produits bio. « L’accélération de la déconsommation des produits laitiers bio coïncide parfaitement avec les prémices de l’inflation à la fin de 2021, et son explosion à la suite de la guerre en Ukraine en 2022. Le ralentissement de l’inflation attendu au second semestre de 2023 pourrait donc permettre une reprise partielle de la consommation de produits laitiers bio. »
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