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« On peut évoluer sans se renier »

Philippe Zilberzahn est professeur à l’EM Lyon Business school et auteur de nombreux ouvrages portant sur la gestion de l’incertitude.

Philippe Zilberzahn est professeur à l’EM Lyon Business school et auteur de nombreux ouvrages portant sur la gestion de l’incertitude. Ce fils de vétérinaire chercheur s’intéresse à la façon dont les organisations et les collectifs répondent au changement. Parfois angoissants, ces derniers peuvent être sources d’opportunité, à condition de rester ferme sur ses valeurs et son identité.

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Pourquoi est-ce difficile de s’adapter au changement ?

« Qu’ils soient brutaux (Covid, inflation, guerre…) ou progressifs (comportement des consommateurs, changement climatique, nouvelles technologies…), les changements peuvent être anxiogènes. Ils obligent à repenser les repères et les modèles qui ont été les bases de notre fonctionnement et de notre développement. Ce qui a été vrai longtemps ne l’est plus. On peut regretter ces évolutions mais on ne peut les ignorer, surtout quand elles sont hostiles. »

« Perturbants, les changements peuvent aussi être sources d’opportunité, à condition de rester ferme sur son identité. Dans un monde instable, celle-ci est en effet la ressource humaine la plus importante. Elle offre un ancrage sur lequel on peut s’appuyer pour avancer et innover. Les personnes les plus à l’aise avec l’incertitude sont celles qui sont les plus confiantes dans ce qu’elles sont. C’est vrai pour les individus comme les organisations. »

Comment faire face aux injonctions contradictoires telles que « Produire sans traiter ni arroser, être compétitif sur le marché international tout en restant petit » ?

« Répondre aux injonctions contradictoires de la société est une impasse. Les injonctions imposent des choses sans s’intéresser à leurs conséquences. Au lieu de faire de la RSE (responsabilité sociale et environnementale) pour montrer qu’on n’est pas « les méchants », mieux vaut assumer pleinement ses valeurs (nourrir le monde par exemple). Alors que les minorités agissantes imposent leurs vues, les agriculteurs ne sont pas obligés de s’aligner sur le modèle de pensée que les autres voudraient leur voir adopter. En cédant sur tout et en se conformant aux visions des autres, les agriculteurs risquent de se laisser dicter un modèle qui n’est pas le leur. Dans un monde qui bouge, il faut rechercher sa flamme intérieure et tracer sa propre voie. »

« Pour ce faire, les agriculteurs ne peuvent compter que partiellement sur l’état, devenu lui-même un facteur d’incertitudes, ni sur l’Union européenne, qui somme les agriculteurs d’être concurrentiels tout en les empêchant de l’être par un empilement de contraintes que leurs concurrents n’ont pas. »

Concrètement, comment réagir ?

« Les agriculteurs, qui ont encore un poids politique, doivent occuper le terrain du débat, là ou se font les nouvelles croyances, celles qui structurent la société. Si l’on ne veut plus d’odeurs en agriculture, alors il n’y aura plus d’élevage, on fera venir de la viande du Mercosur. Est-ce ce modèle-là que nous voulons ? C’est à Bruxelles, où les minorités agissantes et les lobbyistes sont très présents, que se décide votre avenir. Il faut y être présent. Il faut occuper le terrain du débat, ne pas le laisser à ceux qui cultivent la peur. Revendiquez vos valeurs, soyez-en fiers, mettez-les en avant ! »

(1) À l’issue de l’assemblée générale de la coopérative Terre comtoise

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