Déforestation : un rapport calcule le poids des importations agricoles françaises
Pour la première fois, l’association Envol Vert a quantifié les surfaces déforestées à l’étranger à cause des importations de matières premières pour la consommation française. Sans surprise, le soja utilisé dans l’alimentation animale est pointé du doigt.
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« L’empreinte Forêt » de la France s’établit à 137 848 hectares par an, soit l’équivalent de la superficie d’un terrain de football décimé toutes les trois minutes. C’est ce que conclut un rapport de l’organisation non gouvernementale Envol Vert, publié le 14 octobre 2025. En cause, l’importation de sept matières premières, principalement agricoles, le soja, le cacao, le café, le caoutchouc, l’huile de palme et le cuir, toutes cultivées à l’étranger sur des zones où la forêt est rasée au profit des cultures.
Selon le document, la responsabilité du soja sur la déforestation est la plus grande parmi les importations françaises, depuis le Brésil d’abord, mais aussi d’Argentine, aux États-Unis et en Inde. Ce produit à lui seul compte pour 44,4 % de l’empreinte forêt nationale. « 87 % du soja importé en France est destiné à l’alimentation animale des bovins, et c’est donc la consommation de viande et de produits d’origine animale par les Français qui explique cette première position », estime l’ONG.
Dans l’ordre de responsabilité, l’association a aussi calculé l’impact des importations françaises de cacao qui représente 31,1 % de l’empreinte forêt française, suivi du caoutchouc (7 %), du café (6 %), de l’huile de palme (2,4 %) et du cuir (2,4 %).
Une réglementation européenne bloquée
Fondée en 2011, l’association Envol Vert a fait de la protection des forêts et de la biodiversité son cheval de bataille. Afin de calculer l’empreinte forêt de la France, elle utilise une méthodologie développée par le Comité scientifique et technique Forêt qui regroupe des acteurs publics et des experts depuis 2019 autour des enjeux de gestion et de protection des forêts tropicales. Pour chaque matière première, l’ONG a multiplié la surface nécessaire à sa production par le taux de dégradation associé de la forêt dans les pays producteurs.
Et si ces chiffres doivent « réveiller les consciences » moins d’un mois avant la Cop 30 au Brésil, ils tombent aussi à un moment où la politique européenne en la matière patine. Le règlement européen contre la déforestation et la dégradation des forêts (RDUE) qui devait entrer en vigueur à la fin de l’année 2024 a été reporté à deux reprises.
Jugé trop contraignant par ses détracteurs, et « très ambitieux » par Klervi Le Guenic, chargée de campagne forêts tropicales pour l’association Canopée, le règlement européen contre la déforestation prévoit l’interdiction de la mise sur le marché européen de produits issus de terres déboisées après le 31 décembre 2020. « L'Union européenne est liée à 10 % de la déforestation mondiale, et avec cette législation, nous pouvons lancer une dynamique très vertueuse dans laquelle d’autres pays pourraient nous suivre », renchérit-elle.
Une stratégie française à l’arrêt
À l’échelle française, Baptiste Vicard, chargé de plaidoyer au sein d’Envol Vert, rappelle que le pays est le premier au monde à s’être doté d’une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI) en 2018. La France s’est fixée l’objectif ambitieux de mettre fin d’ici 2030 à l’importation de produits contribuant à la déforestation dans ces filières. Mais malgré « quelques avancées sur l’huile de palme, elle est aujourd’hui à l’arrêt et mérite une nouvelle dynamique politique », estime-t-il.
Les données sur l’état des forêts tropicales dans le monde sont d’ailleurs sans appel : 8,1 milliards d’hectares ont été déforestés en 2024, selon la dernière édition de l’Évaluation de la déclaration pour les forêts, publiée le 14 octobre par une coalition d’organismes de recherche, de groupes de réflexion et d’ONG. La baisse est faible comparée aux chiffres de la période 2018-2020 où la déforestation mondiale annuelle moyenne s’élevait à 8,3 millions d’hectares.
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