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« Les agriculteurs doivent davantage intégrer la possibilité de doubles cultures »

Les tests ont principalement porté sur des doubles cultures de soja et tournesol, sur des précédents de blé, orge, colza semences et pois (photo d'illustration).

Avec le changement climatique et la nécessité de couverture des sols, les doubles cultures peuvent devenir plus avantageuses. À condition de lever certaines contraintes.

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Et si voir double était bon pour la santé économique des fermes ? En effet, « les agriculteurs doivent davantage intégrer la possibilité de doubles cultures, assure Philippe Debaeke, directeur de recherche à l’Inrae (1), membre de l’UMR Agir à Auzeville. Elles pourraient apporter davantage d’opportunités que par le passé. »

Réchauffement climatique oblige, « les zones accessibles sans risque à la double culture vont s’étendre ». Selon deux projets Casdar qui ont associé l’Inrae, les chambres d’agriculture d’Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine et le Geves (2), cette zone concerne principalement le Lauragais et l’Adour, dans le sud-ouest de la France. En 2050, elle devrait s’étendre « sur un grand sud-ouest, de la Rochelle à Perpignan », indique-t-il.

Le dérèglement climatique implique en effet « une augmentation du temps offert à l’échelle de la saison des cultures », pour reprendre les termes de Philippe Debaeke. Question, donc, qui a orienté ces recherches : « Peut-on remplacer les cultures intermédiaires par des doubles cultures ? Celles-ci pourraient avoir des fonctions environnementales comparables et apporter un revenu complémentaire ». Mais des freins persistent.

Stress hydrique en vue !

À commencer par l’eau. « Même si on ne vise pas des rendements comparables à la culture principale, on peut difficilement se passer d’irrigation. » Et, sur un tournesol et un soja dérobés (les principales espèces étudiées), le besoin va même augmenter entre aujourd’hui et 2050 : « On passe de 150 mm à 220 mm », résume le chercheur. Soit une augmentation de 50 % !

Avec un point notable pour l’avenir, comme l’ont montré les modèles : « alors qu’aujourd’hui, semer une double culture tardivement est moins favorable, ce serait sans doute plus intéressant à l’avenir, tant en termes de rendements qu’en termes de besoin d’eau, anticipe Philippe Debaeke. On ne s’explique pas vraiment cela, mais il faut être prudent sur ce résultat vu l’incertitude des modèles de prévision de la pluviométrie en 2050. »

Face au stress hydrique, les recherches ont porté sur les réactions de plusieurs variétés de soja et tournesol en double culture. « Nous avons relevé certaines variétés qui répondent bien en situation de grosse sécheresse, d’autres aux petits stress hydriques répétés, déclare le chercheur. Et nous avons partagé ces résultats avec les instituts de recherche, les semenciers… »

Deuxième frein : la nécessaire précocité des semis. « Il faut aussi pouvoir rapidement implanter après la moisson pour profiter de l’humidité du sol. Il y a une course contre le temps », synthétise-t-il. Sans oublier les échecs possibles, tant en culture en relais qu’en dérobée : 52 % des cultures non irriguées et 21 % des cultures irriguées n’ont pas été récoltées en moyenne sur quatre années d’essai (2019-2022).

Bref, reprend le directeur de recherches, « les doubles cultures vont rester des cultures d’opportunité, en fonction des récoltes précoces, des conditions d’humidité… » Les études vont désormais tenter d’aller plus loin : « Nous avons montré que les doubles cultures sont possibles. Maintenant, nous voulons modéliser les rendements en fonction des espèces, des dates de semis, ou encore de l’irrigation. » L’idée étant d’aider les agriculteurs à se lancer ou non, notamment au vu des prix des semences et des tarifs de vente des cultures.

(1) Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement.

(2) Groupe d’étude et de contrôle des variétés et des semences.

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