Phytos Des scientifiques prennent le ministre au mot
Le ministre de l’Agriculture souhaite que les chercheurs fassent « la preuve ou non qu’il y a des conséquences à l’usage des pesticides » ? Un collectif lui répond dans le Monde du 29 octobre 2018 et s’engage à « updater » les informations mensuellement.
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En réponse au nouveau ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, appelant les scientifiques à « faire la preuve » des conséquences de l’usage des produits phytosanitaires, un collectif de médecins et de chercheurs (1) propose, dans une tribune parue dans sur le site internet du Monde le 29 octobre 2018, de lui adresser un rapport mensuel.
« Nous prenons acte des récents propos de la ministre de la Santé mais nous nous étonnons des délais considérables existant entre les alertes aux services concernés et les investigations, les signalements dans l’Ain datant de 2010 ! Ces alertes et les investigations qui en résultent devraient être portées à la connaissance du public sans attendre plusieurs années, le temps finissant par effacer les possibles éléments de preuve ! » s’insurge le collectif.
Principe de prévention
Pour le collectif, les études prouvent les effets toxiques des produits phytosanitaires depuis des années, « à tel point qu’il n’est plus nécessaire d’invoquer le principe de précaution mais celui de prévention ». Les scientifiques alertent sur le lien entre l’exposition à ces produits et l’apparition de cancers d’une part, et de troubles du développement chez l’enfant d’autre part lorsque la mère y est exposée pendant sa grossesse, notamment car ce sont des perturbateurs endocriniens. Ils font aussi référence au déclin des insectes et des oiseaux tout comme « la disparition de la biodiversité ».
La France, mauvais élève
« Les industriels, quant à eux, se sont rendus indispensables : il est devenu impossible d’imaginer un autre modèle agricole sans leurs produits. Et ils se sont aussi imposés dans les comités internationaux chargés d’édicter les grandes règles d’évaluation de leurs propres produits… Et les agences européennes et nationales fondent largement leur expertise sur les tests effectués par ces mêmes industriels », soulève le collectif.
Et d’ajouter que « la France reste en tête des pays utilisateurs de pesticides ». Les scientifiques déplorent qu’« aucune norme ni réglementation ne concernent les pesticides présents dans l’air que l’on respire alors qu’ils y sont régulièrement détectables notamment en période de traitements et ce même à plusieurs centaines de kilomètres du lieu d’épandage ».
Rendez-vous le mois prochain
Et de conclure : « Monsieur le ministre, puisque vous semblez douter des nombreuses études ayant démontré la responsabilité des pesticides dans de nombreux cancers, de maladies neurodégénératives et neurodéveloppementales, allergiques, ainsi que malformatives, nous nous engageons à vous aider en vous envoyant une étude scientifique par mois jusqu’à la fin de votre mandat. Nous vous demanderons également – au nom des menaces qui pèsent tant sur l’environnement que sur la santé humaine – de respecter le principe de précaution et de placer l’intérêt public – la recherche mais aussi la santé – avant celui des industriels. »
I. L. avec Le Monde
(1) Isabella Annesi-Maesano, directrice de recherche (DR1) à l’Inserm et directrice de l’équipe EPAR : épidémiologie des maladies allergiques et respiratoires ; Jean-Marc Bonmatin, chercheur (CNRS) au Centre de biophysique moléculaire d’Orléans ; Thomas Bourdrel, médecin, membre du collectif Strasbourg Respire ; Laurent Chevallier, médecin nutritionniste attaché au CHRU de Montpellier ; Barbara Demeneix, biologiste au Muséum national d’histoire naturelle ; Eric Ferraille, médecin, président de la fédération des associations de protection de l’environnement dans le Rhône-Alpes ; Pierre-Michel Périnaud, médecin et président de l’AMLP (Alerte des médecins sur les pesticides) ; Philippe Ricordeau, médecin spécialiste en santé publique, épidémiologiste ; Pierre Souvet, médecin, président de l’Association santé environnement France ; Charles Sultan, professeur d’endocrinologie pédiatrique, à l’université de Montpellier.
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