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Marché des céréales et des oléagineux Le blé et l’orge à fleur de peau

© Claudius Thiriet

Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.

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Le blé et l’orge rebondissent, le colza aussi. Le maïs, en revanche, est comprimé par une forte récolte mondiale et des importations qui s’annoncent en hausse dans l’UE.

Le blé repart à la hausse

Une nouvelle fois, les prix du blé sont repartis à la hausse cette semaine gagnant 2 €/t à Rouen (199,75 €/t) et La Pallice (198,25 €/t) en base juillet. L’échéance de décembre d’Euronext gagne, quant à elle, 3 €/t, à 203 €/t, le 5 octobre. Cette hausse va de pair avec un léger renchérissement des blés américains alors que les valeurs de la mer Noire restent assez stables sur les échéances rapprochées.

Cette orientation des prix européens peut s’expliquer d’une part par le net retrait de l’euro face au dollar. D’autre part, elle s’explique aussi par la vague d’inquiétude qui a de nouveau touché le marché mondial cette semaine quand l’organisme de contrôle sanitaire en Russie a laissé entendre qu’il allait fermer de nombreux centres de chargements dans le sud de la Russie. Cette information n’a pas été confirmée par la suite. Néanmoins, comme l’ensemble des opérateurs est sur le qui-vive quant au comportement de la Russie, la moindre alerte en provenance de ce pays impacte rapidement les prix.

Un indicateur cette semaine de la hausse des prix : l’Egypte vient d’acheter 180 000 tonnes de blé russe à un prix qui dépasse de 8 $/t le niveau payé lors du dernier achat. Il est intéressant de noter que le blé français a fait partie des offres faites à l’Egypte, sans avoir été retenu puisqu’il était proposé à plus de 14 $/t au dessus des blés russes les moins chers.

Ce redémarrage des prix est plutôt conforme à la situation tendue des bilans de blé, que ce soit à l’échelle mondiale ou européenne.

La Russie souffle le chaud et le froid

Néanmoins, il convient aussi de porter attention cette semaine à la visite récente de professionnels algériens en Russie. La Russie doit envoyer à l’Algérie des lots de blé à l’essai afin d’étudier s’il lui est possible de travailler avec ces blés (malgré la présence de « bug damage », c’est-à-dire de grains endommagés par les punaises). L’Algérie n’a pas encore ouvert son marché à la Russie et cela pourra prendre encore du temps. Néanmoins, les évolutions sur ce point seront à suivre de très près tant ses conséquences seront importantes pour le marché français.

Nette réaction haussière de l’orge

Les prix de l’orge ont grimpé cette semaine, plus fortement que ceux du blé, de 4 €/t à Rouen (à 201,25 €/t) et de 5 €/t en Moselle à 18,25 €/t.

Ils ont été poussés par la chute de l’euro, par de nouvelles révisions en baisse de la récolte russe et une activité non négligeable sur le marché mondial. Étant donné les grands dégâts attendus en Australie (sécheresse) et les déboires liés à l’excès de pluie récent au Canada, ces deux exportateurs ne pourront guère compenser la chute des disponibilités de la mer Noire. L’Europe va devoir répondre à une forte demande sur le marché mondial. Cette tension s’illustre bien cette semaine par le comportement de la Turquie qui n’a acheté que la moitié du volume qu’elle recherchait à cause d’un prix jugé trop élevé.

Les prix brassicoles, quant à eux, ne sont pas sensibles à ce mouvement de hausse ; ils perdent au contraire 1 €/t pour les orges d’hiver (à 208 €/t Fob Creil) et 4 €/t pour les variétés de printemps (à 226 €/t). Cela est dû à une absence d’activité sur le marché, les malteurs préférant actuellement observer la qualité des récoltes avant de poursuivre leurs achats.

Le maïs confirme sa différence

Les maïs français chutent de nouveau de 7 €/t sur le Rhin (à 155 €/t en base juillet) et de 1 €/t sur la façade atlantique (à 168,75 €/t).

Ils ont suivi une tendance baissière enclenchée à la fin de la semaine dernière à la suite de la publication par l’USDA de stocks importants au 1er septembre. Par ailleurs, les bons rendements engrangés en Ukraine et aux USA continent de peser sur les prix même si les récoltes sont retardées par les pluies sur le Midwest américain.

Toutefois, au début de la semaine, la conclusion d’un nouvel accord entre les USA, le Mexique et le Canada a été perçue comme un facteur plutôt haussier (car favorable aux importations de maïs US de la part du Mexique notamment).

Avec une offre pléthorique aux USA et en Ukraine, les importations s’annoncent très élevées en Europe. Il reste à savoir comment les maïs des pays tiers seront accueillis en France où ils apparaissent déjà très attractifs.

Le temps sec continue de faire grimper le colza

Les pluies se font toujours attendre sur de nombreuses régions en France, en Allemagne, et en Europe centrale. En conséquence, la part des champs de colza qui devront être retournés pour être semés avec d’autres cultures devient de plus en plus importante. En France, si un large retour des pluies ne se fait pas rapidement, la moitié des surfaces pourraient devoir être re-semées. La production de colza attendue dans l’UE en 2019 est déjà en partie compromise. Les prix remontent ainsi de 5 €/t en moyenne sur le marché français cette semaine (à 366,5 €/t rendu Rouen).

Au Canada, au contraire, c’est le temps humide qui a posé un problème : il a retardé toujours les travaux de mise en andains et de ramassage. Dans le Saskatchewan, au début d’octobre, 52 % des champs avaient été moissonnés. La récolte était en retard de 5 points par rapport à la moyenne quinquennale ; dans le Manitoba, la récolte était bien avancée (87 %). Enfin dans l’Alberta, au 25 septembre, seulement 16 % des champs étaient moissonnés. Toutefois, depuis quelques jours, le temps est redevenu plus sec et a permis aux agriculteurs de rentrer à nouveau dans les parcelles. Ainsi, le cours du canola reste stable sur le marché de Winnipeg (en dollar canadien, alors qu’il augmente de 6,5 dollars US/t sous l’effet de l’évolution de la parité entre ces deux monnaies).

Le colza UE peu affecté par la décision de ne pas taxer les importations de biodiesel argentin

Les prix européens n’ont pas été impactés à la baisse par l’annonce de l’UE, la semaine dernière, de repousser au mois de février 2019 la remise en place d’une taxe anti-dumping sur le biodiesel argentin (alors que le marché attendait le retour de cette taxe dès le mois de septembre). Les importations argentines pourraient donc continuer encore quelques mois avant d’être stoppées par cette taxe éventuelle. Toutefois, nous ne prévoyons pas d’arrivée massive de marchandises argentines durant ces prochains mois contrairement à ce qui s’était passé l’an dernier. En effet, la tension des bilans de soja et d’huile de soja en Argentine comprime les marges des producteurs de biodiesel sud-américains. En août, ils ont nettement baissé leur production et celle-ci devrait rester basse jusqu’à l’arrivée de la nouvelle récolte de soja en avril.

Cela limitera fortement les disponibilités à l’exportation. Les chargements de biodiesel au départ de l’Argentine sont d’ailleurs en net recul depuis le mois d’août (30 à 40 kt par mois seulement contre 250 kt en juillet) et cela devrait rester le cas dans les prochains mois. Par ailleurs, les industriels européens travaillant à partir de l’huile de colza profitent actuellement de très bonnes marges de production. Cela explique pourquoi les cours n’ont pas marqué le pas à cette annonce durant les derniers jours.

Stabilisation du prix du tournesol

Après cinq semaines consécutives de baisse, le prix du tournesol reste stable au niveau de 302,50 €/t à Saint-Nazaire, les bons niveaux de production dans les pays de l’est de l’UE, ainsi qu’en Russie et en Ukraine, étant finalement intégrés dans les prix. Toutefois, la moisson n’est pas encore terminée et des ajustements des volumes produits et des mouvements des cours sont encore possibles.

Le soja tiraillé entre demande dynamique et disponibilités pléthoriques

Les prix du soja US remontent une nouvelle fois cette semaine, mais ce rebond reste encore très timide (+1,5, à 2 $/t, selon les échéances). Cette semaine la demande à l’exportation adressée aux USA a été très forte, pour des ventes de 1,5 million de tonnes, avec une présence active du Mexique et des triturateurs argentins qui manquent de soja localement pour faire tourner leurs usines. De plus, aux USA, les pluies des derniers jours dans le Midwest ont temporairement freiné la récolte (cette dernière était faite à 23 % au 30 septembre, en avance de 3 points par rapport à la moyenne quinquennale). Ces éléments haussiers sont contrebalancés par l’absence remarquée de la Chine aux achats sur le marché US, celle-ci se concentrant sur les origines alternatives telles que le Brésil et par la récolte record US en cours de moisson. Par ailleurs, les semis de soja au Brésil se déroulent dans de très bonnes conditions, avec un démarrage précoce et des précipitations régulières.

Les tourteaux de soja sont plutôt stables cette semaine à Chicago tandis qu’ils voient leur prix monter de 6 €/t sur la semaine en France (Montoir), à la faveur de la baisse de l’euro par rapport au dollar (de presque 2 %). Les pois fourragers voient leurs prix reconduits.

À SUIVRE : exportations de la Russie, imports de maïs dans l’UE, demande mondiale d’orge, pluies dans l’UE pour les levées de colza, rythme des exportations US de soja, avancée des semis de soja au Brésil, avancée de la récolte de tournesol en mer Noire.

Tallage

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