Login

Marché des céréales La bombe à retardement russe

© Pixabay

Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des grains et des oléagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Les marchés sont restés sous pression cette semaine avec, pour le blé, un regain d’agressivité russe et, en maïs, la perspective d’une bonne récolte aux États-Unis et en Ukraine. Mais les rumeurs sur de possibles restrictions à l’exportation en Russie ont stoppé la baisse du prix du blé.

Vers une restriction des exportations russes de blé ?

Excitation excessive ? Pure spéculation ? La tenue de la rencontre entre les représentants des grands groupes exportateurs opérant en Russie et le gouvernement russe au milieu de la semaine a ravivé les craintes de la mise en place possible de restrictions à l’exportation. Rien de bien nouveau n’est sorti de cette réunion, le gouvernement russe souhaitant rencontrer les grands exportateurs régulièrement afin de suivre de près la progression des exportations.

Dans un contexte de bilan mondial très fragile, la position du curseur pour les exportations russes sera déterminante pour les prix du blé, toutes origines confondues. Résultat, ce nouvel épisode a mis la pression sur les prix rapprochés du blé russe. Ces derniers continuent à se replier à 218 $/t Fob le 31 août pour l’échéance de septembre, soit 10 $/t plus bas que la semaine dernière. Ce qui ne les empêche pas de creuser l’écart avec les échéances suivantes : il faut payer 10 $/t de plus pour un chargement en octobre par rapport à septembre, et 10 $/t de plus encore entre novembre et octobre !

Cette structure des prix reflète la volonté des opérateurs d’accélérer les ventes russes avant que les exportations ne soient potentiellement bridées, ce qui fait pression sur les prix rapprochés tout en générant une prime de risque sur les cotations plus éloignées.

Disponibilités limitées en Europe et en Australie

Pour les autres origines, un frein politique aux exportations russes signifierait une part de marché accrue. Or, les disponibilités seront limitées en Europe comme en Australie. Cela a donc mis fin à la séquence baissière dans laquelle étaient rentrés les prix du blé français depuis deux semaines. Le rendu Rouen en profite pour reprendre tout le terrain perdu au début de la semaine, repassant au-dessus des 200 €/t. La nervosité devrait perdurer, et maintenir un niveau de volatilité conséquent dans les semaines qui viennent.

Les prix de l’orge remontent ces derniers jours

Les prix de l’orge fourragère se retrouvent inférieurs au niveau de la semaine dernière : à Rouen, ils ont perdu 3 €/t pour se situer entre 202 et 203 €/t en base juillet. En fait, cette évolution résulte de la poursuite de l’affaissement décrit la semaine dernière à la suite du blé, qui a duré jusqu’à mardi dernier, le 28 août.

Depuis, au contraire, les prix sont repartis à la hausse pour trois raisons :

Cet organisme place la récolte d’orge canadienne à 7,9 millions de tonnes, un niveau très proche de celui de l’an dernier alors que l’on attendait une remontée à plus de 8 millions de tonnes. Même si, comme pour le colza, l’estimation de StatCan est à prendre avec prudence, elle vient rajouter de l’huile sur le feu dans un contexte déjà explosif.

Les achats récents de la Tunisie, 50 000 tonnes, de la Jordanie, 60 000 tonnes, et du Japon, 40 000 tonnes, ont contribué aussi à faire repartir les cours.

Sur le créneau brassicole, les prix ont légèrement diminué également : de 4 €/t en brasserie d’hiver, à 215 €/t, et de 3 €/t, à 244 €/t, en brasserie de printemps Fob Creil. Les prix brassicoles suivent les évolutions des prix fourragers et maintiennent une prime élevée proche de 50 €/t pour les orges de printemps, avec une situation qui s’annonce déficitaire, et de 20 €/t pour les orges d’hiver.

La récolte américaine à venir savonne la planche du maïs

Les champs américains de maïs vont sortir de la phase critique de la floraison sans coup férir, ce qui renforce les perspectives de bonne récolte. Le marché mondial du maïs s’assure ainsi une offre confortable du fait des excellents potentiels de rendement en Ukraine et des stocks conséquents dont disposeront les opérateurs en début de campagne.

Tandis que les maïs américains, brésiliens, ukrainiens et argentins poursuivent de concert leur glissade baissière cette semaine, perdant entre 3 et 10 $/t sur sept jours, le maïs français fait de la résistance. Le prix de ce dernier est en effet supporté par les assauts du temps chaud et sec qui hypothèquent fortement les rendements en France, tout comme en Allemagne, avec en outre une perte de surfaces pour le maïs grain, en raison d’une part accrue affectée à l’ensilage dans ces deux pays.

Le Fob Bordeaux, bien que déjà beaucoup plus cher que ses concurrents, limite ses pertes à 2 €/t seulement, à 177 €/t le 31 août. Pendant ce temps, l’Union européenne reste un aimant pour les maïs extracommunautaires, avec des importations qui se poursuivent en provenance de l’Ukraine et du Canada.

Les prix du soja toujours sous forte pression

Les cours du soja ont encore cédé du terrain cette semaine sur la Bourse de Chicago, avec une baisse de 8 $/t sur le rapproché. Les cotations de la fève pour la nouvelle récolte ont subi un repli de même amplitude. Les bonnes perspectives de la moisson dans les plaines américaines continuent de faire pression sur les prix.

Étant donné les bonnes conditions météorologiques localement, nous avons revu en hausse de 0,2 t/ha le rendement américain ce mois-ci, portant à un niveau record de 125 millions de tonnes la récolte prévue en 2018. La production mondiale de soja pourrait ainsi atteindre 360 millions de tonnes.

En outre, les prix pâtissent également de la mollesse de la demande du secteur porcin et de l’apparition récente de foyers de peste porcine africaine dans plusieurs provinces en Chine. D’autre part, les tensions commerciales persistantes entre la Chine et les États-Unis ne sont pas non plus de nature à soutenir les cours.

Le colza recule plus modérément dans l’Union européenne

Le rendu Rouen affiche une baisse de 2 €/t cette semaine tandis que le fob Moselle cède 4 €/t. L’affaissement des prix est plus discret sur la plateforme d’Euronext avec un recul de seulement 1,5 €/t. L’influence baissière du soja a pesé sur la graine de colza mais cette dernière s’est un peu revalorisée en fin de semaine en réponse à la hausse combinée du blé, du pétrole et de l’huile de palme, liée à des révisions en baisse des stocks de ces différentes matières.

Les perspectives de production décevantes de l’Union européenne, empêchent également les prix de trop baisser. Nous avons révisé en baisse notre chiffre de récolte de 2018, les dernières prévisions laissant présager d’une chute de 2,6 Mt de la production européenne par rapport à 2017.

Par ailleurs, le temps frais et humide dans certaines régions du Canada inquiète les opérateurs, raison pour laquelle les cotations à Winnipeg n’ont presque pas suivi la tendance baissière de la graine européenne et affichent une hausse de 2 $/t sur la semaine. Aujourd’hui, le 31 août, Statcan, l’office statistique canadien, vient de publier une première estimation de la récolte de canola. Cette estimation, à 19,2 millions de tonnes, est extrêmement faible.

Nous tablons de notre côté sur 20,5 millions de tonnes, ce qui représente déjà une chute de plus de 1 million de tonnes par rapport à 2017. L’estimation StatCan nous apparaît trop faible mais, même si une correction est à prévoir dans les mois à venir. Cette estimation vient toutefois confirmer que la production canadienne de colza sera en nette baisse cette année, ce qui renforce la tension du bilan mondial.

En tournesol, les prix reculent légèrement à Saint-Nazaire sous la pression de la récolte, à 320 €/t. À l’échelle de l’Union européenne, la situation est fort encourageante, particulièrement en Europe de l’est où une récolte record est attendue en Roumanie. Les premières récoltes en France sont un peu décevantes selon les retours de terrain, mais la moisson ne faisant que débuter, les estimations peuvent encore fluctuer.

Les tourteaux continuent de faiblir

Les tourteaux de soja se sont nettement repliés dans le sillage de la fève. Ils reculent ainsi de 14 $/t sur le rapproché à Chicago et s’affaissent de 15 €/t à Montoir, dans le sillage de la fève et des pertes enregistrées par le real brésilien et le peso argentin. Les cotations sont pratiquement inchangées en pois. Dans un contexte de raréfaction de l’offre en blé, les besoins soutenus en aliments composés semblent empêcher les prix du pois de reculer dans le sillage du tourteau.

Tallage

A suivre : potentiel de rendement en maïs aux États-Unis et en Europe, éventuelles restrictions à l’exportation pour le blé russe, situation des céréales à paille au Canada et en Australie, récolte américaine de soja, demande en soja du secteur porcin et peste porcine africaine en Chine, moisson de canola au Canada, prix du pétrole et des huiles, valeurs du peso, du real et de l’euro par rapport au dollar.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement