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Couverts végétaux Des moutons dans les céréales, un pari gagnant-gagnant

Quel intérêt un céréalier aurait-il à laisser un troupeau pâturer ses Cipan par des moutons ? Une association francilienne mène des expériences pour mieux comprendre dans quelles conditions ce type de partenariat se révèle favorable pour tous les producteurs.

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Depuis l’été 2017, Agrof’Ile a lancé un programme d’expérimentation, avec un espoir : remettre des moutons dans les plaines céréalières. Deux troupeaux ovins itinérants ont ainsi été mis à pâturer dans les couverts de deux céréaliers.

La ferme de Montaquoy, à Soisy-sur-Ecole, cultive 254 ha en semis direct, et celle de Chalmont, à Fleury-en-Bière, sème près 480 ha de SAU en agriculture biologique. À elles deux, ces exploitations offrent une surface de couverts végétaux de 160 hectares. Une aubaine pour les 250 brebis d’Alexandre Faucher, et les 300 autres de Bernard Girard.

Composition et maturité des couverts : trouver le bon dosage

« On a fait un planning de pâturage, et on a aidé les céréaliers à adapter leurs couverts végétaux », raconte Valentin Verret, chef du projet au sein d’Agrof’Ile. À Montaquoy, pour la campagne 2017-2018, l’association a aidé à créer un mélange diversifié, contenant de l’avoine, de la moutarde jaune, du radis fourrager, du trèfle d’Alexandrie et de la vesce commune.

Valentin Ferret, chef de projet chez Agrof’Île ©I.L/GFA

« On aurait pu faire des économies sur ce couvert, note Valentin, en utilisant les repousses de céréales ». Le pâturage s’est fait ensuite en paddock en filet, avec un hectare à disposition des troupeaux, jusqu’à épuisement de l’herbe. Et la production s’est d’ailleurs révélée largement suffisante pour les besoins des bêtes sur les exploitations, puisque près de 3 tonnes de matière sèche par hectare ont été laissées en refus sur les dernières parcelles pâturées.

« Il s’agissait essentiellement des cannes de crucifères, qui ne sont pas appétentes », souligne Valentin. C’est d’ailleurs là l’une des préconisations issues de cette expérience : rien ne sert d’attendre un développement trop important des couverts avant d’y lâcher les bêtes. Pour un troupeau de 300 bêtes, 60 hectares de couverts à 3 t de matière sèche par hectare suffiraient largement à assurer l’ensemble des besoins hivernaux.

Côté mouton, buffet à volonté

D’après l’Idele, ce type de pâturage ne nécessite pas de transition alimentaire, et serait adapté à toutes les races. Autre avantage majeur pour des bergers : le pâturage de couverts permet de sécuriser une alimentation à moindre coût. C’est d’ailleurs grâce à l’élevage de plein air qu’Alexandre a pu se lancer avec un investissement très faible. « J’ai dû sortir 10 000 € au début, raconte Alexandre, pour l’achat des bêtes, des parcs, et de la camionnette. Mais c’est tout. »

Durant cet hiver 2017-2018 passé à Montaquoy, chacune des brebis d’Alexandre aurait pâturé près de 2,8 kg de fourrage par jour. Une estimation qui explique un autre résultat intéressant de l’équipe d’Agrof’Ile. Noté en entrée au pâturage et en mars par l’éleveur, l’état corporel des animaux semble s’être amélioré. Les bêtes en bon état sont passées de 40 à 76 % de l’effectif, quand la proportion d’animaux mal notés est passée de 14 % à 4 %.

Faible présence de parasite, diminution des boîteries, peu de maladies : sur le plan sanitaire aussi, le pâturage des couverts aurait tout pour plaire. Concernant ce résultat, Alexandre, l’éleveur, tempère. « Cette année, avec des couverts très bas suite à la sécheresse, on soupçonne un problème de listeria dû à une végétation basse, qui est facilement souillée et piétinée. ».

Côté champs : broyage gratuit, broyage réussi ?

Parmi les plus grands bénéfices de ce type de partenariat : la destruction gratuite des couverts. Agrof’Ile estime que le coût du broyage des couverts sur les fermes étudiées s’élèverait à 20 € par hectare, soit un gain de 1 200 € pour la ferme de Chalmont par exemple. « Les céréaliers ont considéré que le travail des moutons était meilleur que celui du broyeur, sans tassement de sol, avec une végétation plus rase », précise Valentin.

Concernant la fertilité, sur une première parcelle pâturée fin novembre, la présence des moutons aurait entraîné une diminution de la quantité d’azote minéral de 15 kg par hectare. « Mais plus on fait un pâturage tardif, plus cet effet s’inverse », explique Valentin. Une parcelle pâturée en février montre ainsi un gain de 19 kg d’azote et par hectare par rapport au témoin.

Des baisses de rendement de l’ordre de 12,5 quintaux par ha ont par ailleurs été observées sur les orges de printemps semées en suivant dans les parcelles pâturées. Une baisse qui s’expliquerait par la mobilisation d’azote pour la destruction des cannes ligneuses des refus. Afin de mutualiser les bénéfices chez tous les producteurs, l’expérience menée par Agrof’Ile tendrait donc à privilégier des pâturages précoces, et un deuxième passage du troupeau avant le retour du printemps.

Le projet devrait se poursuivre jusqu’en 2021. Et la campagne 2018-2019, marquée par la sécheresse durant l’implantation des couverts, permettra bientôt de mieux connaître la résilience de ce type d’initiative dans des conditions difficiles.

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