« Pain, gluten et troubles intestinaux : ne pas se tromper d’ennemi ! »
Geoffrey Rolland est directeur commercial de « Pains etTradition » qui fournit pains et viennoiseries à des hôtels et à des restaurants, fabriqués selon des méthodes traditionnelles. Il s’est beaucoup documenté sur l’impact de certaines méthodes en boulangerie sur les maux de ventre. Pour lui, il ne faut pas incriminer le gluten mais les sucres complexes et les cocktails enzymatiques.
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Pourquoi le gluten est-il dans le viseur des médecins, des nutritionnistes ?
Les maux de ventre parmi les adultes sont apparus il y a une vingtaine d’années, avec leurs cortèges de ballonnements, douleurs, problèmes de transit. Il y a effectivement des personnes qui souffrent de la maladie auto-immune cœliaque, complètement intolérantes au gluten. Mais celui-ci est un constituant naturel du blé, donc de la farine. Il n’est pas une colle mais s’organise du point de vue physico-chimique comme un filet, permettant de retenir la production gazeuse de la pâte en fermentation afin d’obtenir du volume. Durant la cuisson, le gluten et l’amidon se transforment en mie et en croûte. Si la fermentation est correcte, l’amidon et le gluten deviennent des aliments digestes, aromatiques et goûteux. Et finalement inoffensifs pour le métabolisme digestif. Mais l’industrialisation de la boulangerie, en accélérant les étapes, a réduit, voire supprimé les temps de fermentation indispensables pour avoir une pâte et donc des pains bien tolérés par nos intestins.
Que reprochez-vous aux méthodes actuelles en boulangerie ?
Le métier a mal évolué, avec une mécanisation importante des différentes étapes. L’utilisation de mix, prémix, prêts-à-l’emploi, améliorants, additifs s’est beaucoup développée. Avec, à la clé, une perte de compétence du boulanger qui devient un mélangeur-cuiseur. Certains d’entre eux ne connaissent même pas la composition de la farine qu’ils utilisent… Il y a également un surdosage des levures et des levains secs ou liquides, non issus d’une fermentation naturelle. La question de la fermentation est absolument fondamentale car c’est pendant cette étape que les sucres sont transformés et deviennent digestes. Des études australiennes ont ainsi mis en évidence le rôle des Fodmaps (1). Ces sucres naturellement présents dans certains aliments seraient très indigestes de par leur fermentation à l’arrivée dans le côlon. Ce qui provoquerait le syndrome de l’intestin irritable. Les chercheurs australiens ont montré que, si la pâte a fermenté une heure, la teneur en Fodmaps reste très élevée. Après au moins cinq heures, ces sucres complexes sont « digérés » et leur teneur faible. Mais la boulangerie n’est pas seule en cause, l’industrie agroalimentaire et tous les produits ultra-transformés sont aussi largement fautifs.
Existent-ils d’autres ingrédients néfastes pour nos intestins ?
L’autre problème est l’usage des correcteurs enzymatiques qui participent aussi à l’explosion des allergies. Ils sont utilisés pour plus d’efficacité, donc de rentabilité. Les fabricants y ont recours pour obtenir une mie moelleuse, une croûte croustillante, donner de la couleur au pain, éviter que les pâtes collent en machine. Chez nous, la pâte est collante, vivante ! La meunerie et la boulangerie autorisent 400 ingrédients chimiques ou de synthèse pour la fabrication des farines et des pains. Autant de correcteurs enzymatiques qui ne sont pas soumis à déclaration. L’explosion des problèmes est certainement liée à ces enzymes hyperactives que le corps humain ne connaît pas et ne sait pas transformer. Il faut revenir aux fondamentaux, de la farine sans additifs, de la levure naturelle, du sel, de l’eau, du temps. Certaines personnes nous disent : « Je peux remanger du pain grâce à vous. » L’alimentation, c’est le socle de notre santé.
(1) L’acronyme anglais Fodmap signifie « Fermentable by colonic bacteria Oligosaccharides, Disaccharides, Monosaccharides And Polyols », soit en français « oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles par la flore intestinale ». Selon leur type, les Fodmaps ne sont pas du tout ou partiellement digérés et absorbés au niveau de l’intestin grêle. L’intolérance à l’un de ces sucres, le lactose, est le syndrome le plus connu.
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