Chute libre pour les exportations françaises de blé tendre vers les pays tiers en vue pour la campagne de commercialisation de 2024-2025. C’est ce débouché qui fera les frais du recul de la production tricolore, la plus faible depuis 1983, amputée de près de 10 millions de tonnes par rapport à 2023 et estimée à 25,17 millions de tonnes. Le 29 août 2024 lors de sa conférence de presse, Argus Media tablait ainsi sur la vente de 4,1 millions de tonnes aux pays tiers, 60 % en dessous de son niveau des dernières années. Le 11 juillet, FranceAgriMer évoquait le chiffre de 7,5 millions de tonnes.

Un recul de 1,4 milliard d’euros

En se basant sur une moyenne des prix du blé tendre Fob Rouen constatés entre le 1er juillet et le 27 août, ces 4,1 millions de tonnes porteraient le chiffre d’affaires du segment export extracommunautaire à moins de 1 milliard d’euros. Cela représente une baisse de 1,4 milliard d’euros sur un an.

En revanche, les exportations vers l’Union européenne et l’utilisation nationale (alimentation animale, humaine, industrie) seraient, en volume, en légère baisse mais globalement préservées. Inquiétudes limitées également sur la qualité qui, bien que très hétérogène et souvent décevante, devrait globalement satisfaire les exigences d’une majorité d’acheteurs après travail des organismes stockeurs, selon Maxence Devillers, analyste chez Argus Media.

Perte progressive de parts de marché

Vers les pays tiers, les ventes devraient baisser chez tous les clients habituels de la France. « On prévoit environ trois millions de tonnes vers l’Algérie, le Maroc et l’Afrique subsaharienne. Des exportations ont déjà été réalisées depuis le 1er juillet avec les stocks de début de campagne qui étaient importants », rapporte Maxence Devillers.

L’Égypte, client historique de la France, achèterait sur la campagne 200 000 tonnes. « On y perd des parts de marché depuis plusieurs années, au profit des origines mer Noire », constate l’analyste. Tout comme dans un certain nombre d’autres pays africains.

Marges plombées

Conséquence des prix bas et du manque de volumes, les marges des exploitations françaises fondent comme neige au soleil. « Une des certitudes que l’on peut avoir, c’est que sur ces niveaux de prix, même dans le cas d’une légère hausse, les pertes dans les exploitations ne seront pas compensées », souligne Maxence Devillers.

Argus Media estime le déficit moyen à l’hectare à 800 euros en cumulé pour le blé tendre, l’orge fourragère et le colza. Le manque à gagner sera aussi supporté par les autres maillons de la filière, de la collecte jusqu’au transport.

Car à l’échelle mondiale, force est de constater que les disponibilités à l’exportation sont aujourd’hui plutôt correctes. Elles sont certes plus faibles dans l’Union européenne, mais partiellement compensées par le reste des principaux exportateurs : les États-Unis retrouvent des niveaux « confortables », productions russe et ukrainienne sont meilleures qu’imaginées il y a quelques mois, et la situation dans l’hémisphère Sud laisse présager de bonnes disponibilités, même si la récolte est encore loin.

Demande internationale incertaine

Depuis le début de campagne, la Turquie, le Pakistan et le Bangladesh, trois des principaux clients de la Russie, disposent de bonnes disponibilités et se font timides sur les marchés. Le cabinet Argus Media prévoit un repli de leurs achats de 5 millions de tonnes sur la campagne.

« Ce n’est pas négligeable sur un commerce mondial évalué entre 200 et 210 millions de tonnes », signale Maxence Devillers. Pénalisé par ce manque de demande, le prix du blé russe a reculé dès le début de la récolte, participant au repli des cours mondiaux. Les importations de l’Afrique du Nord, dont les besoins restent majeurs, ne compenseront pas le repli de la demande de ces trois pays.

Si à ce jour, le marché mondial est « plutôt équilibré », la demande indienne et chinoise sera à surveiller, prévient Maxence Devillers. Dans ces pays, Argus Media anticipe des importations de 3 et 11 millions de tonnes sur 2024-2025. « Les acheteurs ne sont toutefois pas encore présents sur le marché, ce qui entretient le flou sur le niveau de leurs besoins », souligne-t-il.

Le marché du maïs est, quant à lui, partagé entre des disponibilités attendues records aux États-Unis, l’absence, jusqu’ici, des importations chinoises, et des pertes marquées sur le pourtour de la mer Noire.