Blé tendre équitable : les opérateurs doivent « être prêt à gagner ou à perdre »
Comment cette démarche de commerce équitable, avec un prix calculé sur le coût de production, se transpose-t-elle au marché du blé tendre en France, particulièrement volatile ces dernières années ? Interview croisée entre le directeur général du label Agri-Éthique et la directrice générale de la Minoterie Forest, engagée dans la démarche.
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Ludovic Brindejonc, directeur général du label Agri-Éthique, et Karine Forest, directrice générale de la Minoterie Forest, nous expliquent le fonctionnement de la démarche de commerce équitable du blé tendre en France. 15 % des blés achetés par cette entreprise sont labellisés Agri-Éthique.
Ludovic Brindejonc : « Il faut des personnes convaincues avec des fortes valeurs, qui ont conscience que si on ne soutient pas les agriculteurs dans un contexte de marché bas, comme on peut le vivre en ce moment, ça va être compliqué de continuer à produire du blé en France. On est à ce niveau-là de préoccupation, il faut en avoir conscience. »
Karine Forest : « Il y a vraiment la conviction de se dire qu’on achète nos blés en circuits courts, et que l’on se base non pas sur un marché financier, mais sur le coût de production. Il est parfois au-dessus des cours, comme actuellement, et parfois en dessous. Historiquement, les prix Agri-éthiques étaient fixes mais depuis l’Ukraine, le label s’est précisé avec une révision annuelle, basé sur les indices Ipampa (1). »
Ludovic Brindejonc : « Dans ce contexte géopolitique, les agriculteurs, les meuniers, les boulangers, les industriels ont besoin de stabilité. Plus il y a de chaos, plus il faut des garanties et une vision moyen-long terme alors qu’on aurait tendance à revenir sur une vision court terme. »
Karine Forest : « Le métier de meunier n’est pas très rentable, on ne peut pas se permettre de prendre en charge l’intégralité du coût que cela [une démarche équitable] peut représenter. Le premier travail est celui de la communication : quand on explique tout le travail de la filière, les problématiques de chacun, et que tout cela a un prix, on arrive à toucher des clients boulangers et des consommateurs. Actuellement, la différence de prix entre une baguette classique et une baguette Agriéthique, ce sont quelques centimes. On sent un peu plus de tension avec la baisse du pouvoir d’achat, mais ça vient, il ne faut pas lâcher. C’est un travail de long terme, une démarche de fond. Nous travaillons avec AgriEthique depuis 2018 : parfois on gagne et parfois on perd, mais globalement le constat est assez équilibré si on se compare au Matif. »
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Ludovic Brindejonc : « Au moment de la guerre en Ukraine, nous avons eu peur du désengagement de la part des collectifs de producteurs. Quelques uns nous ont lâchés, et ont tapé à la porte pour revenir dans le dispositif quelques mois plus tard. Mais c’était trop tard. Les agriculteurs qui sont engagés depuis de nombreuses années sont plus à même de respecter leurs engagements. »
Karine Forest : « Cette période a permis de faire un tri entre les personnes engagées par conviction dans la démarche, et celles qui l’ont fait par opportunisme. Aujourd’hui quand on s’engage chez nous, c’est parce qu’on estime que rémunérer les agriculteurs à son juste prix est important. Cela signifie qu’on est prêt à gagner ou à perdre, parce que ce n’est pas ça qui est important. »
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(1) Indice des prix d'achat des moyens de production agricole
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