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Les prix du blé et colza en sens inverse en fin de campagne

Sous la pression d'un euro plus fort, les prix des céréales européennes reculent malgré une demande internationale active, tandis que ceux du colza et du canola grimpent, portés par la faiblesse des stocks.

Tandis que les prix du blé reculent sous la pression de l’euro fort, ceux du colza s’envolent, soutenus par des stocks limités.

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Face au regain de fermeté de la parité eurodollar, les prix des céréales européennes cèdent encore un peu plus de terrain. Le prix du blé meunier rendu Rouen se rapproche de ses plus bas de campagne. Paradoxalement, la demande internationale n’est pourtant pas aux abonnés absents avec cette semaine deux nouveaux appels d’offres de la Tunisie et l’Algérie, et de nouveaux achats marocains. À l’inverse, les prix du colza en Europe et du canola au Canada reviennent sur leurs plus hauts niveaux de campagne, bien soutenus par la faiblesse des stocks encore disponibles.

Un blé français toujours pénalisé par le manque de demande

La pression baissière prend le dessus sur les cours du blé en cette fin de campagne. En baisse hebdomadaire de 6 €/t, le marché revient proche de la zone psychologique de 200 €/t, à 203 €/t en base juillet rendu Rouen. À la suite du revirement de Donald Trump la semaine dernière, l’actualité géopolitique a été moins dense cette semaine mais la parité eurodollar se stabilise toujours sur les plus hauts depuis trois ans, aux portes des 1,1400.

Ce regain de fermeté de l’euro dollar a fortement pénalisé le blé français, d’autant plus que la demande portuaire reste limitée en cette fin de campagne. Si quelques navires de blé ont été recensés dernièrement à destination du Maroc, le ton est encore monté d’un cran dans les discussions entre la France et l’Algérie. Les flux sont désormais réduits à néant entre les deux pays, alors que l’Algérie a pu représenter plus de 50 % des chargements français de blé vers les pays tiers entre 2017 et 2019.

Dans cette impasse, FranceAgriMer n’a d’autre choix que de réduire ses perspectives d’exports en ancienne campagne, passant de 3,2 millions de tonnes à 3,1 millions de tonnes en 2024-2025, bien loin des 10 millions de tonnes en moyenne sur les cinq dernières années. Les regards se tournent également du côté de la nouvelle campagne. Agreste a publié cette semaine les perspectives de surfaces françaises en 2025. En blé, la sole ressort à 4,63 millions d’hectares, en hausse par rapport aux 4,21 millions d’hectares de l’an passé et aux 4,58 millions d’hectares en moyenne sur cinq ans.

Les conditions de culture se stabilisent pour le moment à 75 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions mais la situation reste sous surveillance. Le sec persiste et les pluies attendues cette semaine devront tôt ou tard se matérialiser pour ne pas dégrader les potentiels de rendement. Ailleurs dans le monde, les conditions rassurantes en mer Noire n’incitent pour le moment pas les fonds à racheter les positions vendeuses accumulées ces derniers mois.

L’orge ne résiste pas à la pression baissière

Fortement pénalisé par la plus forte parité eurodollar de ces trois dernières années, l’ensemble du complexe céréalier européen est mis sous pression. L’orge fourragère hexagonale cède même 10 €/t sur les deux dernières semaines, revenant à 187 €/t rendu Rouen, un niveau de prix abandonné depuis la mi-novembre. L’ampleur du repli est toutefois limitée par les bons exports de ces derniers mois, lesquels permettent de maintenir la prime portuaire à -15 €/t, près de ses plus hauts de campagne.

D’ailleurs, FranceAgriMer relève pour la troisième fois en trois mois l’objectif export de la France en 2024-2025, de 1,9 million de tonnes à 2,25 millions de tonnes. Il conviendra aussi de surveiller le rythme de la demande sur les prochains mois. En effet, l’offre d’orges exportables au départ de la mer Noire s’est quasiment tarie ces dernières semaines, tant en Ukraine qu’en Roumanie ou en Bulgarie. Cela signifie que les importateurs méditerranéens n’ont que peu d’options sur le Vieux continent en dehors de l’origine France, s’ils souhaitent acheter avant l’arrivée de la récolte 2025.

Celle-ci pourrait d’ailleurs être plus sollicitée qu’à son habitude pendant les mois d’été, au vu du manque actuel de maïs. La compétitivité de l’orge vis-à-vis du blé et du maïs sur les six prochains mois sera donc essentielle à surveiller. Toutefois, ces perspectives sont contrebalancées par le ralentissement de la demande mondiale, malgré la hausse des importations de + 0,4 à 3 millions de tonnes en Arabie saoudite. En effet, les importations chinoises sont quant à elles de nouveau réduites par le ministère américain de l’Agriculture (USDA) de -0,5 millions de tonnes à 9 millions de tonnes, bien loin des 15,9 millions de tonnes de l’an passé.

Face à ce marché tiraillé sur le plan commercial, les opérateurs suivent de près l’état des cultures et le retour annoncé des précipitations. Il faut dire qu’Agreste estime les surfaces en 2025 à 1,22 million d’hectares en orges d’hiver et 0,52 million d’hectares en orges de printemps, soit une baisse respective de 2,6 % et 10,7 % par rapport aux cinq dernières années. Les orges de printemps sont les plus impactées en raison de la demande en berne. En particulier, FranceAgriMer a baissé de 320 000 à 270 000 tonnes l’utilisation d’orges en malterie. Le prix de l’orge Planet cède également 3 €/t, à 212 €/t à Creil.

L’écart en colza se creuse avec la nouvelle récolte

Les annonces politiques et les facteurs macroéconomiques laissent enfin un peu de répit aux matières premières agricoles. Le Canada reste pour le moment dispensé des droits de douane souhaités par Donald Trump depuis son investiture en janvier dernier. Les flux de graines et d’huile de canola peuvent donc continuer mais le contexte reste fragile à court terme. Du côté du colza européen, la volatilité ne faiblit pas.

La graine de colza Fob Moselle gagne au cours de la semaine 33 €/t sur la récolte 2024 pour retrouver ses plus hauts de campagne et atteindre 546 €/t. La clôture des options le 15 avril et la sortie de l’échéance mai sur Euronext dans 10 jours ont été des facteurs d’influence majeurs de la hausse connue cette semaine. La tension sur la fin de campagne 2024-2025 se retranscrit aussi dans l’écart de prix de 58 €/t qui la sépare de la prochaine.

Il faut dire que la future récolte présente pour le moment des éléments plus rassurants. L’est de l’Europe constate une hausse des surfaces semées, ce qui tendra à augmenter l’offre européenne. À l’inverse, Agreste actualisait ce lundi son estimation de la sole française.

Celle-ci est attendue en baisse de 2,9 % par rapport à l’an passé, à 1,29 million d’hectares. Les conditions de culture au moment des semis couplées à un contexte économique nettement moins favorable en août dernier ont dissuadé certains producteurs de reconduire autant de surfaces dans leur rotation. Toutefois, la majorité des colzas est actuellement en floraison dans l’hexagone et le ressenti est positif bien que la route soit encore longue jusqu’à la récolte.

Une trituration européenne et américaine de soja à deux vitesses

Le récent renforcement de la parité eurodollar sur ses niveaux les plus hauts depuis plus de trois ans fait pression sur le prix des tourteaux. À cela s’ajoute depuis le début du mois d’avril le sursis de 90 jours qui concerne la mise en place des droits de douane de la part des États-Unis auxquels l’Europe se tenait prête à répondre. L’actualité politique et économique pousse donc le tourteau de soja délivré Montoir sur son contrat Spot sur son niveau le plus bas depuis septembre 2020, à 354 €/t.

Outre ces facteurs extérieurs, la demande se réjouit également de la fin de la récolte de soja au Brésil et donc de sa mise à disposition dans le commerce mondial. Cette dernière est attendue sans grande surprise depuis plusieurs mois sur des niveaux records à plus de 169 millions de tonnes.

Du côté de l’Argentine, des incertitudes persistent sur le volume final produit en raison des aléas rencontrés au cours du mois de janvier. Selon la Bourse de Buenos Aires, moins de 5 % des surfaces ont été récoltées à date. Pour clore ce tour d’horizon de la production, le début des semis aux États-Unis est suivi de près par les opérateurs dans un contexte d’excès d’humidité et de précipitations toujours abondantes dans certaines régions.

Outre ce bon approvisionnement du marché du côté de la graine, la dynamique de trituration sera un facteur clé pour le marché des tourteaux. Aux États-Unis une nouvelle fois, l’Association nationale des transformateurs d’oléagineux (NOPA) crée la bonne surprise de la semaine en publiant un rebond de la trituration au cours du mois de mars proche des records historiques à 195 millions de boisseaux. À cela s’ajoutent également des discussions du côté de l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) sur une augmentation des mandats américains en huile. La trituration européenne à l’inverse, déchante depuis deux mois.

Le mois de mars confirme le ralentissement de l’activité déjà observé en février. La production d’huile atteint donc 1,07 million de tonnes sur ce dernier mois selon les chiffres de la Fediol contre plus de 1,15 million de tonnes en moyenne ces 5 dernières années.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

À suivre : Négociations avec les États-Unis au sujet des droits de douane ; Hausse de la parité euro-dollar ; Faiblesse des prix du pétrole ; Rythme des ventes à l’export américaines ; Rythme des importations européennes (maïs, colza/canola) ; Amélioration des conditions de culture en Russie ; Retour des précipitations en Europe de l’Ouest ; Conditions de culture du maïs safrinha au Brésil ; Début des semis de maïs et soja aux États-Unis.

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