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Un équilibre entre offre et demande suivi à la loupe

Les données des douanes font partie des sources utilisées par les cabinets d'analyste pour suivre les flux mondiaux.

Les cabinets d’analyses s’appuient sur une multitude de sources pour estimer la production et la consommation mondiales.

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Les conditions de cultures du maïs sont optimales au Brésil et les prix de la graine jaune reculent. La Chine en importe massivement et les cours remontent… Les marchés sont quotidiennement influencés par les fondamentaux ou autrement dit, par l’équilibre entre l’offre (la production) et la demande (la consommation). Plusieurs cabinets d’analyses, publics (comme l’USDA) ou privés, suivent tous les facteurs susceptibles de faire évoluer cet équilibre et surtout, l’estiment pour la campagne de commercialisation en cours et la suivante.

Parmi les cabinets les plus réputés du marché, on trouve quelques spécialistes. Dans le vaste domaine des oléagineux et leurs dérivés, l’Allemand ISTA Mielke GmbH, plus connu sous le nom de « Oil World » est de ceux-là. Lorsque l’on ouvre une analyse quotidienne, hebdomadaire ou le rapport mensuel complet, difficile d’imaginer que seulement 13 personnes en sont à l’origine. « Tout le monde est un peu surpris lorsqu’ils apprennent le nombre de gens qui travaillent à son élaboration », raconte David Mielke, directeur et analyste.

« Croiser les informations »

Chez Stratégie grains, les troupes ne sont pas beaucoup plus nombreuses. L’entreprise, rachetée en 2023 par Expana, publie notamment des analyses mensuelles sur les céréales et les oléagineux aux échelles européenne et mondiale.

« La clé de la réussite, c’est de croiser les informations », résume Benoît Fayaud, responsable analyses du marché des grains chez Expana. Données météo, satellitaires, rendements historiques, données des douanes, des industriels, des ventes de semences, marges par culture, activité portuaire, géopolitique, évolution des cheptels, cours des grains, publications d’autres organisations… Rien ou presque n’échappe aux analystes. « En fonction de leur niveau [d’exactitude] sur les années passées, on accorde plus ou moins d’importance aux données collectées », explique Benoît Fayaud.

Cette collecte de données repose grandement sur le réseau de contacts terrain tentaculaire que les entreprises ont tissé au fil des années dans différents pays. Courtiers, traders, directeurs d’usine, agriculteurs… Tous sont des informateurs potentiels. « Nous produisons nos propres données et nous ne sommes pas partie prenante au marché. Cela nous a permis de développer des liens étroits avec les opérateurs », souligne David Mielke. Cette indépendance, Stratégie grain la revendique elle aussi. Notamment dans certains pays comme la Russie, la Chine ou au Moyen-Orient où il est difficile d’obtenir des informations, « surtout sur le niveau des récoltes et de la demande, constate Benoît Fayaud. Celles des échanges internationaux sont en revanche plus accessibles avec les données de douanes qui font foi ». Autre source, les marchés à terme locaux : « en Chine, des prix en hausse peuvent être annonciateurs d’un besoin d’importer ».

Chez Oil Word comme chez Stratégie grains, les tours de plaine ne sont pas ou très peu réalisés en interne. « Nous n’avons pas les effectifs pour envoyer 30 personnes sur le terrain », justifie David Mielke. Les analystes comptent donc sur leur réseau d’opérateurs, les données météo et les images satellites pour inspecter l’état du couvert, mais ont aussi un œil sur le suivi de l’état des cultures que publient certains pays. C’est le cas notamment de la France, avec son bulletin Céré’Obs (FranceAgriMer) sur les blés tendre et dur, orges d’hiver et de printemps et maïs. « Les relevés de terrain [hebdomadaires] sont réalisés à l’échelle de 80 départements et des territoires agricoles avec 177 référents départements et 52 régionaux », explique Julie Garet, cheffe de l’unité Grains et sucre de FranceAgriMer.

Certains pays, comme la France, publient un suivi régulier de l'état des cultures, sur lequel peuvent s'appuyer les cabinets d'analyses. (© Watier-Visuel)

Des sources importantes pour décider

Est-ce que l’intelligence artificielle (IA) pourrait demain faire les analyses de toutes ces informations amassées ? David Mielke a son avis sur la question. « Sur l’analyse météo ou pour de l’imagerie satellite de cultures, voire pour illustrer des données collectées, ça peut être très efficace. Mais je suis plus sceptique si c’est pour que l’IA lise des rapports d’offres et demande et en tire des conclusions ».

Vendeurs en coopératives et négoces, triturateurs, meuniers, traders, institutions, responsables politiques… Ces rapports arrivent dans les mains d’une large palette de professionnels. Ils génèrent souvent des discussions et les deux spécialistes d’Expana et d’Oil World s’accordent : l’analyse n’est pas une science exacte. Les écarts entre les chiffres des différents cabinets sont d’ailleurs parfois significatifs.

« Chaque cabinet ou service d’analyse possède ses forces et ses faiblesses », confirme Pierre-Antoine Allard, directeur productions végétales à la coopérative Océalia. Si les rapports sont des sources importantes pour prendre ses décisions de marché, il a appris à les pondérer. « Il y a des niveaux de spécialité et des tendances en fonction des organismes. Un cabinet privé prendra par exemple plus de risque dans ses estimations et se mouillera davantage qu’un organisme d’État ». Pas question donc de se fier à un seul intervenant. « Avec l’expérience, on apprend à recroiser les données et à les hiérarchiser. Les analystes météo peuvent aussi fournir des données intéressantes », complète-t-il.

Avoir une activité développée à l’export peut aussi aider à affiner ses propres analyses. « Il y a certaines informations que nous pouvons remonter en échangeant avec des opérateurs qui travaillent en Ukraine, en Russie ou en Roumanie par exemple ». Mais sur certains points, rien ne remplace le terrain. « Nous avons une activité importante en tournesol avec entre 5 et 8 % de la collecte française. Sur un produit comme celui-là, nous aurons donc tendance à mieux connaître le marché que d’autres ».

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