Le rapport USDA pèse de tout son poids sur les marchés
Le tant attendu rapport mensuel du département américain à l’Agriculture reste un repère majeur pour les marchés.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Une fois par mois à midi pile heure de Washington, des milliers de traders, courtiers, analystes… se ruent sur le site de l’USDA, pour consulter son fameux rapport prospectif. Blé, maïs, coton, soja et bien plus encore, les chiffres qu’il révèle sont pronostiqués, anticipés, décortiqués mais aussi critiqués par les opérateurs partout dans le monde. Mark Jekanowski est le président du bureau de prospective agricole mondiale « WAOB » et garant de la publication de ce rapport, le fameux « WASDE ».
Comme il l’explique à la France Agricole, l’histoire de ce rapport nous replonge en pleine guerre froide. « Le premier rapport a été publié le 7 septembre 1973. Ce qui en est à l’origine, c’est ce que nous appelons ici le « grand pillage de grains » de 1972, relate-t-il. À cause d’une sécheresse sévère, l’Union soviétique avait un grand besoin de céréales et un accord avait eu lieu pour qu’ils viennent s’approvisionner aux États-Unis. Ils ont acheté sans que personne ne suive les volumes et avec les telles quantités exportées, les prix ont bondi. »
Des exportations en plus subventionnées à l’époque pour plusieurs centaines de milliards de dollars. L’USDA produisant déjà des données d’offre et demande, il a donc été décidé un an plus tard de publier ces informations mensuellement. « L’idée était de rendre le marché plus transparent et plus efficace », complète Mark Jekanowski.
« Nous utilisons tout ce que nous pouvons »
La montée en puissance s’est ensuite faite au fil des années, suivant les grands changements agricoles de l’époque. « Nous étions d’abord focalisés sur le marché intérieur mais avec le temps, les échanges mondiaux ont progressé et des zones comme la mer Noire ou le Brésil ont pris de l’importance, explique Mark Jekanowski. En 1980, nous avons donc inclus les estimations de l’étranger au rapport, avec l’offre et la demande mondiale ».
Au niveau américain, les données viennent des différentes agences officielles de l’USDA. Celles des autres pays sont collectées avec plus ou moins de difficultés. « Nous n’avons personne sur place en Russie et ils ne publient plus de données officielles, ça rend les choses plus difficiles. En Ukraine aussi, le contexte de guerre est compliqué avec des stations météo perdues et des questions sur la manière dont la production est estimée, notamment dans les zones contestées, concède-t-il. Pour la Chine, nous publions surtout les données qu’ils fournissent mais il nous reste beaucoup d’incertitudes, comme sur les stocks ».
Comme pour les cabinets privés, l’analyse se fait à grand renfort de statistiques et d’études de cartes satellites. « Pour le Brésil, nous allons tout surveiller dès le début de la campagne : précipitations, température, sol et des modèles complexes d’informations qui vont permettre des prévisions. Ensuite, nous utilisons des données de l’imagerie satellite, notamment pour suivre le développement végétatif. Nous utilisons tout ce que nous pouvons, mais il y a toujours de l’incertitude », insiste Mark Jekanowski.
Une indépendance revendiquée
À l’issue de ce travail les résultats finaux se dessinent, mais il reste une dernière étape. « Au bureau du WASDE que je dirige, des experts issus des différentes agences viennent chaque mois avec leurs chiffres et leurs analyses. Nous nous asseyons autour d’une table pour discuter des données et parvenir ensemble à un consensus », précise-t-il. Une formalité ? Pas forcément. « Il y a des discussions et des désaccords tous les mois, mais c’est notre rôle au bureau de les gérer. Mais si les désaccords restent trop importants, alors en tant que président, il me revient d’avoir le dernier mot ».
Dès la sortie du rapport, le marché de Chicago puis les autres places subissent en général quelques secousses de plus ou moins grande amplitude, selon ce qui était attendu par certains ou espéré par d’autres. « Nous avons un retour constant sur nos chiffres avec des gens qui twittent ou des journalistes qui discutent nos résultats. Nous recevons aussi des appels directement après la publication pour parler de la logique derrière ces chiffres, évoque Mark Jekanowski. Nous avons aussi une réunion deux fois par an pour répondre aux questions sur nos estimations. Ce sont des choses sur lesquelles nous restons ouverts. Nous n’avons aucune position sur le marché ni objectif politique. Peu importe l’administration ou le secrétaire à l’Agriculture, notre mission de change pas ».
Pour accéder à l'ensembles nos offres :