Les prix du blé et du colza secoués par les guerres commerciales de Trump
Le président américain Donald Trump rebat une fois de plus les cartes du commerce international, augmentant la pression sur les marchés européens.
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Après les annonces de nouveaux droits de douane du président Donald Trump, les opérateurs américains saluent un commerce encore possible avec les voisins canadiens et mexicains, si importants pour les importations d’huile de canola et les exportations de blé et maïs. Toutefois, les autres débouchés sont eux à risque. La réponse des partenaires commerciaux actuels à cette hausse tarifaire est attendue très prochainement. Le marché des devises n’est pas non plus épargné, et l’euro par rapport au dollar bondit à son plus haut niveau des six derniers mois, accentuant la pression sur les céréales et oléagineux européens, et ce malgré l’arrivée prochaine de la période de « weather market ».
Un blé français toujours pénalisé par la remontée de l’euro/dollar
Les marchés céréaliers sont toujours pénalisés par l’environnement macroéconomique actuel. Depuis l’investiture du président américain au début de l’année, les incertitudes se sont multipliées concernant l’évolution du commerce mondial et surtout la redistribution des flux de céréales. Ce 2 avril 2025, Donald Trump a clarifié de nouvelles séries de taxes à l’encontre de nombreux pays, chahutant une nouvelle fois l’ensemble des marchés. Ainsi, la parité de l'euro par rapport au dollar revient rapidement tester la zone de résistance de 1,100, ajoutant de la pression sur les marchés européens. Si le blé français à Rouen affiche une hausse hebdomadaire de 11 $/t, la parité de l'euro par rapport au dollar limite largement ce rebond en euro, avec un blé passant seulement de 208,5 €/t à 212,5 €/t en base juillet rendu Rouen.
Du côté des fondamentaux propres au blé, l’office américain de l’agriculture (USDA) a apporté son lot de surprise en début de semaine en revoyant une nouvelle fois en baisse la sole de blé en 2025, au profit du maïs. Les surfaces de blé américain sont désormais estimées à 18,3 millions d’hectares, soit 500 000 ha en dessous des attentes et en baisse de 2 % par rapport à l’an passé. La sole de blé aux États-Unis ne cesse de se réduire et le retour des conditions de cultures nationales sera à suivre en tout début de semaine prochaine.
Toujours en nouvelle campagne, l’entrée dans la période de risques climatiques nous oblige à rester attentifs à l’évolution des modèles météo. Le retour des pluies en mer Noire rassure les analystes locaux, du Sud Russie jusqu’à la Roumanie. Ces précipitations sont bénéfiques et permettent de préserver des potentiels de rendement importants pour l’équilibre des bilans mondiaux. Enfin, du côté de la France, les conditions de cultures s’affichent actuellement à 76 % de surfaces en bonnes ou excellentes conditions, contre 65 % l’an passé à cette date. Le retour du soleil en mars a profité au développement des cultures mais l’absence de pluies dans les prévisions météo des prochaines semaines pose déjà quelques questions.
Les blés et orges d’hiver prennent du retard (31/03/2025)
La géopolitique pèse sur le complexe céréalier
Le complexe céréalier reste sous pression. L’incertitude géopolitique est le premier facteur expliquant la morosité des marchés agricoles. Le président américain a décidé de relever de nombreuses taxes à l’importation, à l’encontre de nombreux partenaires commerciaux. Toutefois, il faut souligner que le Mexique a été exempté de nouvelles hausses tarifaires. Cette nouvelle est saluée par les opérateurs américains car le Mexique est un important débouché tant pour le maïs que pour le blé américain. Bien que les partenaires asiatiques et européens ne soient pas exemptés, c’est ainsi que la déprime des céréales est limitée outre-Atlantique.
Par contre, ces multiples « guerres commerciales » remettent en question la croissance économique des États-Unis. Le dollar plonge et l’euro se redresse pénalisant la compétitivité des céréales de la zone euro. L’orge fourragère n’est pas épargnée, et se maintient donc depuis la fin de mars sous le seuil des 200 €/t rendu Rouen, un niveau de prix en place depuis la mi-décembre. Pourtant, l’orge française avait su restimuler la demande à l’exportation ces derniers mois, après un début de campagne particulièrement atone. Dans le même temps, les opérateurs français surveillent le temps sec, qui commence à s’installer. Et ce d’autant plus que l’implantation des orges d’hiver n’a pas été rassurante, au contraire de celle de printemps. D’ailleurs, Céré’Obs estime que 86 % des orges de printemps sont en bon ou excellent état, ce qui est bien plus que les 61 % de l’an passé à cette date.
Paradoxalement, l’aval de la filière brassicole attend avec impatience le retour durable d’un temps sec, pour un produit aussi météo-dépendant. Les volumes de bières achetés en grande distribution en France en 2024 ont chuté de 3,3 % par rapport à 2023. Le constat est similaire à l’échelon européen. Ce ralentissement a ainsi pesé sur le marché brassicole, qui cette année se retrouve en surplus sur la fin de campagne. Le prix de l’orge de printemps récolte de 2025 cède ainsi 3 €/t sur les quinze derniers jours en tombant à 215 €/t Fob Creil.
Donald Trump efface une partie des gains réalisés en colza
Les marchés financiers sont bouleversés par la politique de Donald Trump. Le 2 avril marquait l’annonce officielle du président américain sur la mise en place de droits de douane aux États-Unis contre une liste élargie de pays. Avant même de parler des matières premières, le dollar chute lourdement face aux changements d’ampleurs pour les flux internationaux entre les États-Unis et les pays concernés. Ainsi, la parité de l'euro par rapport au dollar évolue sur son niveau le plus haut depuis six mois à plus de 1,100. Le soja américain marque de son côté un repli significatif en raison des menaces que ces décisions provoqueront sur les débouchés américains.
En Europe, le colza efface une majeure partie de ses gains réalisés au cours de la semaine en réponse à l’évolution des devises. Pour autant, le contexte de fond présente toujours de nombreux soutiens pour la graine européenne. Pour commencer, la tension sur le marché du palme reste d’actualité. La fin de la baisse saisonnière de production approche. Cependant, la demande asiatique pourrait s’intensifier face à la perte de compétitivité des huiles de soja américaines. Les huiles européennes profitent de ce soutien. L’huile de colza à Rotterdam se stabilise à plus de 1 100 €/t, à proximité de ses niveaux les plus élevés depuis le début de l’année 2025.
Le potentiel de hausse est toutefois limité par le repli des cours de l’or noir, pénalisés par l’environnement macroéconomique mais également par la volonté des pays de l’Opep + d’augmenter plus que prévu leur production dès le mois de mai. C’est donc dans ce contexte paradoxal de menaces sur le commerce mondial en provenance des États-Unis et de tension sur le marché des huiles végétales que la graine de colza Fob Moselle évolue à 518 €/t, après une baisse hebdomadaire de 4 €/t.
Des répercussions encore difficilement lisibles à long terme sur le soja
Les annonces de Donald Trump sur la liste des pays concernés par les droits de douane américains font chavirer les marchés financiers. Les tourteaux européens ne seront pas épargnés par ces effets d’annonce. D’une part, le renforcement de la parité de l'euro par rapport au dollar favorisera les importations sur le continent dont les tourteaux de soja. D’autre part, la carte du commerce mondial des matières premières pourrait être redessinée. En effet, les débouchés américains maintenant menacés pourraient être substitués en ce qui concerne les tourteaux par les offres sud-américaines. Les acheteurs se concentreront sur deux principales sources d’approvisionnement en l’occurrence le Brésil et l’Argentine.
Pour l’instant entraîné par le repli de la graine de soja américaine, le tourteau de soja délivré Montoir se replie juste sous les 360 €/t, revenant sur son plus bas de campagne, après avoir cédé 4 €/t sur la semaine. À plus long terme, les importations européennes se retrouveront confrontées à la mise en application le 1er janvier 2026 de la loi anti-déforestation qui pourrait être un frein supplémentaire aux approvisionnements. Le soja brésilien est particulièrement ciblé par cette mesure, ce qui limiterait les possibilités pour les acheteurs.
Avant cela, la fermeté actuelle du marché des huiles végétales améliore les marges de trituration des industriels. Cette situation les incite donc à accélérer la dynamique comme le témoigne l’activité au Brésil ou en Europe. Ainsi, la production de tourteaux valorisée comme coproduit augmente significativement.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : réponses à la hausse des taxes à l’importation aux États-Unis ; fermeté de la parité euro/dollar ; ventes à l’exportation hebdomadaires aux États-Unis ; rythme des importations européennes (maïs, colza/canola) ; retour des précipitations en Russie ; un début de temps sec sur l’Europe du Nord ; rythme des exportations du blé français ; conditions de culture du maïs safrinha au Brésil ; rapport de l'USDA du 10 avril.
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