Une baisse annoncée des surfaces de luzerne
Dans l’attente d’un retour de meilleures capacités de rémunération des planteurs, Luzerne de France prévoit une diminution des assolements pour 2025 et 2026.
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« Le manque de rémunération de la luzerne déshydratée va forcément amener certains planteurs à réduire la voilure sur les hectares, a fait savoir mardi 11 mars 2025 Pierre Begoc, directeur général de Désialis (1) - France Luzerne au cours de la conférence de presse annuelle de la Coopération Agricole - Luzerne de France. Nous partons sur un cycle de deux ans qui risque d’être chahuté en termes de surfaces. Pour 2025, 5 % des emblavements sont déjà perdus. Et nous nous attendons probablement à –10 % en 2026. C’est une volatilité des surfaces qu’on n’avait plus connue depuis la fin du découplage en 2012 », ajoute-t-il.
Ainsi, en fonction des rendements, il risque donc d’y avoir en 2025 une production égale, voire inférieure à 2021 et 2022. En 2026, elle pourrait revenir sur le niveau de 2020, soit la pire récolte historique. « Notre combat sera de garder suffisamment de surface pour la pérennité de nos outils industriels », signale Pierre Begoc.
Des rendements plus « normés »
Et de préciser : « Depuis deux ans, nous avons retrouvé des conditions un peu plus poussantes sur tout le continent européen. Les États-Unis, qui sont actuellement le « market maker » sur les produits à base de luzerne, ont aussi connu une phase plutôt favorable à la pousse des fourrages. »
Le directeur général de Désialis - France Luzerne estime que le principal concurrent sur le marché, c’est la capacité des éleveurs à avoir accès à un auto-affourragement maximisé. « Or selon Agreste, la pousse de l’herbe en 2024 a été exceptionnelle. Ce qui veut dire que les niveaux de stocks en grange ont été conséquents. Cela se traduit pour nous, par une capacité à aller chercher plus de luzerne notamment en 4e coupe. »
Une campagne de 2024 proche de celle de 2023
Olivier Morant, président de Luzerne de France et agriculteur dans la Marne, a de plus indiqué qu’après un cycle de 2018-2022 touché, en particulier par la météo sèche, la campagne de 2024 a été proche de 2023. Il y a toutefois eu une baisse de production de 6,3 % à 775 000 tonnes, qui s’explique en partie par des surfaces noyées non récoltées.
L’estimation de la production européenne pour 2024 date quant à elle de juin et mise sur une croissance de 10 % à 3,4 millions de tonnes (production de fourrages séchés). Pour rappel, les trois principaux producteurs sont l’Espagne, avec en moyenne 1,2 à 1,3 million de tonnes, l’Italie (800 000 t) et la France (800 000 t).
Chute des exportations américaines vers la Chine
Toutefois, les Américains faisaient du produit « séché soleil » pour alimenter l’industrie laitière chinoise. Mais en Chine, les prix se sont dégradés et la rentabilité n’a plus été au rendez-vous. Cela s’est traduit par un recul de 47 % de flux américains vers la Chine en 2023, par rapport à 2022.
« Dès la fin de l’année 2023, nous savions que par effet domino les produits américains qui ne trouvaient pas de place en Chine seraient disponibles pour d’autres marchés, fait savoir Pierre Begoc. Or les autres marchés au grand export ne sont pas si nombreux que cela. Il y a le Moyen-Orient ou le nord de l’Afrique. Globalement, ce sont des zones où, nous Désialis, sommes acteurs à petite échelle et où les Espagnols sont très présents. Donc, mécaniquement, les flux américains arrivant, et la compétition se renforçant, il y a eu d’abord un effet d’érosion sur les prix. Puis, nous avons observé une réallocation des flux notamment espagnols vers plus de proximité, jusqu’à nos territoires très intérieurs en France. »
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Les cotations chutent de 40 %
En conséquence, l’évolution des cotations de l'USDA sur les prix du foin montre depuis le début de 2023, une perte de plus de 100 $/t. La production américaine, habituellement entre 50 et 55 millions de tonnes, a bondi 12,5 % entre 2022 et 2024. « Factuellement, les –40 % observées sur les cotations américaines sont arrivées par symétrie sur le marché espagnol en pellet et en balles avec –35 à 40 % en un an sur les produits déshydratés », rapporte-t-il.
« Dans ce contexte concurrentiel exacerbé avec une pousse de fourrage en Europe plutôt bonne, chez Désialis, nous avons eu de la chance d’avoir une compétence à l’exportation maritime. Nous nous sommes en effet organisés pour continuer à alimenter nos clients historiques : Japon, Moyen-Orient, Afrique du Nord dont notamment le Maroc », souligne Pierre Begoc.
Toutefois, les produits ont vécu une année 2024 très compliquée avec également un recul de 40 % observé sur les cotations entre octobre 2023 et octobre 2024, passant ainsi de 308 €/t à 185 €/t sur le pellet départ Marne.
L’environnement concurrentiel des autres matières premières (blé et protéine de soja vraiment peu cherss) a aussi beaucoup freiné toute velléité haussière sur les prix de la luzerne déshydratée. « Le marché est donc globalement déprimé alors que nous devons d’être compétitif par rapport aux autres matières premières », juge Pierre Begoc.
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