Marché des grains : l’avancée des récoltes mondiales limite la hausse des prix
La pression sur les prix se retrouve limitée par l’avancée rapide des récoltes et des volumes d’exportations importants aux États-Unis.
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La hausse des céréales et des oléagineux a longtemps été canalisée par la récolte de maïs, attendue abondante, ainsi que par celle de soja, annoncée record en 2024. À l’heure où ces récoltes progressent à un bon rythme, les États-Unis vendent semaine après semaine des volumes colossaux, ce qui limite le ressenti sur les prix de la pression récolte.
Le blé en manque de soutien à court terme
Semaine morose sur le cours du blé, qui peine à trouver le chemin de la hausse sur le marché physique malgré les risques qui pourraient planer à plus long terme. Ainsi, le cours du blé en rendu Rouen perd 7 €/t en une semaine, en passant à 221,25 €/t, pénalisé par son manque de compétitivité à l’exportation. L’écart entre le blé français et le blé russe s’est pourtant nettement réduit : quand il était encore à près de 30 $/t au début d'octobre, il est maintenant inférieur à 10 $/t. Ce rapprochement de prix augmente ainsi progressivement les chances que le blé français puisse regagner des parts de marché à l’exportation.
Après un début de saison très dynamique sur les exportations d’origine mer Noire, les opérateurs se montrent maintenant inquiets quant à une possible réduction de cette capacité, avec d’éventuels quotas à l’exportation en Russie. De plus, le risque géopolitique en Ukraine reste présent, avec une tension palpable après les nouvelles attaques du mois d’octobre. Du côté de la plaine, les récentes pluies en Russie ont pu soulager en partie les cultures d’hiver après les nombreux mois de sécheresse, même si ces précipitations restent encore insuffisantes. En effet, les surfaces de blés d’hiver dans les régions Centre et Volga pourraient être en baisse année, réduisant ainsi le potentiel de production russe.
Enfin en France, le retard des semis se confirme une fois de plus, avec seulement 21 % des surfaces de blé d’hiver emblavées, selon FranceAgriMer, à comparer aux 47 % en moyenne quinquennale. Les prochaines semaines seront décisives quant à l’avancée des travaux des champs, avec une amélioration attendue en France.
Pendant ce temps, les grands importateurs attendent avec impatience l’arrivée des récoltes argentines et australiennes. La moisson débute en Australie et devrait s’accélérer dans les prochaines semaines, à l’heure où le chiffre de production du pays ne fait pas l’unanimité.
Une production mondiale de céréales toujours record (22/10/2024)
Inquiétudes sur les semis d’orges occultées par le manque de demande
Après s’être rapprochée de la zone clé des 200 €/t au début du mois d’octobre, au plus haut depuis la première quinzaine de juin, l’orge fourragère a cédé 5 €/t sur les deux dernières semaines, tombant à 193 €/t rendu Rouen.
Pourtant, les perspectives de la nouvelle campagne sont déjà à risque en France. Les semis avancent difficilement, avec seulement 38 % des surfaces emblavées au 21 octobre, contre 64 % en moyenne ces cinq dernières années, selon FranceAgriMer. Malgré le retour d’un temps sec cette semaine, les conditions d’implantation ne sont pas pour autant optimales. De plus, l’orge fourragère retrouve un peu d’intérêt auprès des fabricants d’aliments du bétail, bénéficiant de la récolte tardive de maïs sur l’Hexagone.
Toutefois, ces éléments ne sont pour l’instant pas suffisants pour compenser le manque de demande à l'exportation. Avec un objectif à l'exportation de 2,2 millions de tonnes à destination des pays tiers, la compétitivité de l’orge française sera à surveiller tout au long de la campagne. Et ce d’autant plus, que la Chine a ralenti ses importations en ce début de campagne.
Dans le même temps, les regards se portent sur l’hémisphère Sud. En Australie, la moisson débute à peine, mais devrait s’accélérer au cours des prochaines semaines au vu du temps sec annoncé sur les prochains jours. Les retours du terrain permettront d’ajuster l’estimation de production du pays, après la sécheresse du mois de septembre et quelques dégâts de gel. Cette semaine déjà, l’attaché de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) en Australie abaissait son chiffre de récolte à 11 millions de tonnes, contre 12,2 millions de tonnes précédemment.
De leur côté, les orges brassicoles parviennent à s’affranchir de la pression baissière du reste du complexe céréalier. L’orge de printemps s’échange désormais à 248 €/t Fob Creil, en légère hausse de 4 €/t sur les deux dernières semaines. Il faut dire que les prix des orges brassicoles n’avaient pas suivi avec la même ampleur le rebond des prix du blé au mois de septembre.
De nouveaux plus hauts pour la graine de colza et son huile
La graine de colza réalise un nouveau plus haut de campagne au cours de la semaine. Le 8 juillet dernier, à l’aube de la moisson en France, celle-ci avait atteint 508 €/t Fob Moselle avant de se replier fortement en direction des 450 €/t à la fin du mois d’août. Au cours du mois de septembre, un début de changement de tendance s’est opéré et c’est ainsi qu’après un mois et demi de hausse, la graine renoue avec ses plus hauts afin d’atteindre 512 €/t ce 25 octobre 2024.
Sa capacité de continuer à progresser au-delà de ce seuil psychologique important dépendra principalement de facteurs extérieurs à l’Europe et même de facteurs extérieurs à la graine de colza elle-même. Pour commencer, il n’est pas inutile de rappeler que le bilan européen dépend, en raison de l’accident de production rencontré cette année localement, des importations étrangères. Les flux en provenance du Canada sont encore insuffisants pour rassurer les industriels européens.
Ces derniers comptent également fortement sur la future récolte de canola en Australie toujours incertaine. Incertaine de par son volume mais également de par ses débouchés au regard de l’intérêt que pourrait porter la Chine aux graines australiennes. Enfin, au sujet des facteurs extérieurs, la hausse des huiles végétales et notamment du palme agit comme le principal moteur de l’envolée des prix du colza en Europe. La tension sur les bilans indonésiens et malaisiens, couplée aux perspectives de consommation élevées, pousse le palme à plus de 4 500 MYR/t à Kuala Lumpur. L’huile de colza Fob Rotterdam atteint elle son niveau le plus haut depuis février 2023, à 1 062 €/t.
Avancée rapide de la récolte de soja aux États-Unis
Le marché des tourteaux fait bande à part avec le reste du complexe oléagineux. Si la hausse des graines de colza, tournesol et de leurs huiles est principalement liée à celle initiée par le palme, les tourteaux subissent la lourdeur du bilan notamment américain de soja. Aux États-Unis, l’avancée rapide de la récolte prive la graine d’un potentiel rebond. Au début de la semaine, l’USDA estimait l’avancée de celle-ci à 81 %, soit 14 points de plus qu’une semaine auparavant et nettement au-dessus des 67 % atteints en moyenne ces cinq dernières années à la même période. Quantitativement, ce sont plusieurs dizaines de millions de tonnes de graines qui viennent inonder le marché américain chaque semaine.
Du point de vue de la consommation, les débouchés vont bon train, à l’image de nouvelles ventes à l’exportation de plus de 2 millions de tonnes cette semaine. Les débouchés locaux sont également très dynamiques. Avec 177 millions de boisseaux, les États-Unis réalisent un nouveau record de trituration pour un mois de septembre, selon les chiffres de la Nopa (Association nationale des transformateurs d’oléagineux). Mécaniquement, les bonnes performances dans ce secteur entraînent la production massive de tourteaux. C’est donc pour l’ensemble de ces raisons que le tourteau de soja délivré Montoir évolue sur son niveau le plus bas depuis le 27 août, à 398 €/t.
Les opérateurs seront vigilants à court terme quant à l’avancée des semis et à l’évolution des conditions de cultures en Amérique du Sud qui apporteront selon les attentes actuelles encore un peu plus de lourdeur au bilan mondial de graine de soja.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : fin de la récolte de maïs et de soja aux États-Unis ; suivi des ventes à l'exportation hebdomadaires aux États-Unis ; avancée des semis de maïs et soja en Amérique latine ; avancée des semis de blé en hémisphère Nord ; début de la moisson en hémisphère Sud ; rythme des exportations de blé mer Noire ; évolution des stocks de palme en Malaisie et Indonésie.
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