La sécheresse et les tensions géopolitiques enflamment les marchés des grains
Entre tensions géopolitiques et risques climatiques, les marchés des matières premières agricoles ont gagné en fermeté cette semaine.
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Blé, maïs, orge et colza reviennent au plus haut depuis plusieurs mois. Les semis sont compliqués en Europe de l’Ouest et en Russie pour le blé, en Argentine et au Brésil pour le maïs et le soja. L’avancée des récoltes de maïs dans l'hémisphère Nord est attendue pour détendre le bilan céréalier.
Hausse des tensions climatiques et géopolitiques sur le blé
La hausse des prix du blé des dernières semaines s’est accélérée, avec une hausse hebdomadaire de 11,5 €/t permettant au blé meunier rendu Rouen de revenir à 230 €/t, un niveau de prix abandonné depuis la mi-juin.
Aux tensions géopolitiques ravivées au Moyen-Orient s’ajoute un renouvellement des craintes climatiques. En France, même s’il est encore tôt, une météo encore pluvieuse au début d'octobre ralentit les semis des blés d’hiver, à l’heure où FranceAgriMer estime leur avancement à seulement 1 %. Mais c’est en Russie que les travaux des champs attirent le plus l’attention. Plusieurs régions ont déclaré l’état d’urgence pour cause de sécheresse. La fenêtre des semis se referme dans certaines régions et les retours des premières levées sont très hétérogènes.
Dans ce contexte, il faut noter que la hausse des prix du blé en France est accompagnée par celle des blés les plus compétitifs, à savoir les blés ukrainiens et russes. En particulier, le prix du blé russe franchit clairement le seuil des 220 $/t Fob Novorossiysk, revenant lui aussi au plus haut depuis la fin de juin. Ses exportations restent dynamiques sur ce début de campagne, avec près de 5,5 millions de tonnes exportées en septembre, soit l’équivalent de l’an passé. Face à ce rythme soutenu, l’association des exportateurs de grains russes appelle le gouvernement à mettre en place des quotas à l’exportation. La pérennité de cette cadence sera à surveiller au cours des prochains mois, à l’heure où un manque de clarté entoure encore la reprise des importations turques à partir de la mi-octobre. De plus, l’Égypte aurait finalisé cette semaine l’achat historique de plus de 3 millions de tonnes de blé d’origine mer Noire à livrer entre novembre 2024 à avril 2025. D’autres grands importateurs se manifestent également, à l’instar de l’Arabie Saoudite avec un appel d’offres pour 295 000 de tonnes de blé meunier.
La dégradation des conditions de culture dans l'hémisphère Sud soutient également ce regain de fermeté. Face au manque de précipitations, la Bourse de Buenos Aires abaisse d’un point à 67 %, la part des blés argentins en bonnes ou excellentes conditions. Le sec et des épisodes de gel contribuent également à dégrader le potentiel des blés australiens.
Toutefois, toute hausse des tensions sur le marché du blé pourra être freinée par l’arrivée des maïs de l’hémisphère Nord.
« Le marché des grains est entré en effervescence » (03/10/2024)
Regain de fermeté du maïs en pleine avancée des moissons de l’hémisphère Nord
Le regain de fermeté du complexe céréalier s’est accentué cette semaine. En revenant à 210 €/t après une hausse hebdomadaire de 9 €/t, le maïs rendu Bordeaux est au plus haut depuis la fin de juillet dernier. Entre tensions géopolitiques, assouplissements monétaires et risques climatiques, les opérateurs financiers réduisent leur exposition au risque de hausse en rachetant une partie de leurs positions vendeuses.
Dans l'hémisphère Sud, la sécheresse retarde le début des semis, à l’heure où un peu plus de 10 % des surfaces sont emblavés, selon la Bourse de Buenos Aires. Il faut dire que les intentions de semis sont déjà en repli cette année, après la déroute causée l’an passé par la pression virale du spiroplasme.
Dans le même temps, les récoltes commencent à travers l’hémisphère Nord et les retours des producteurs seront sous surveillance dans les prochaines semaines. En Ukraine, les premiers retours montrent des rendements autour de 5,1 t/ha, en dessous de ceux des dernières années à cette date en raison du temps caniculaire de l’été. En Europe de l’Ouest, la météo encore pluvieuse retarde la moisson.
Enfin aux États-Unis, des rendements records sont toujours attendus malgré une fin de cycle dans le sec, au moment où plus de 20 % des surfaces du pays ont été battues. La progression de la récolte devrait se poursuivre dans de bonnes conditions, un temps chaud et sec étant attendu sur les prochains jours sur la Corn Belt américaine. Outre-Atlantique, l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) surprenait une majorité d’opérateurs en abaissant les stocks du début de la campagne de 2024-2025 à 44,7 millions de tonnes, soit largement sous les attentes situées à plus de 46,8 millions de tonnes. La bonne dynamique à l'exportation de ces derniers mois et la demande soutenue de l’industrie de l’éthanol ont contribué à la performance de ces débouchés. À noter que ces stocks reviennent toutefois au plus haut depuis quatre ans.
Retour du colza sur les plus hauts niveaux depuis plusieurs mois
L’actualité s’emballe autour des marchés agricoles, permettant au marché du colza de revenir tout proche du seuil psychologique de 480 €/t Fob Moselle, soit un plus haut niveau depuis le 26 juillet 2024. Tout d’abord, le contexte géopolitique reste instable à l’échelle mondiale, entre la poursuite des conflits armés dans la région de la mer Noire, d’un côté, et la multiplication des offensives au Moyen-Orient, de l’autre. Ces craintes permettent au marché du pétrole de rebondir et apportent du soutien à l’ensemble du complexe oléagineux. Le complexe colza profite également de la fermeté de l’huile de palme. Les bilans sous tension en Malaisie et en Indonésie et l’accélération de la demande mondiale entraînent l’huile de palme à Kuala Lumpur sur des niveaux plus hauts depuis le mois d’avril.
Du côté des fondamentaux propres au colza, la tension fondamentale est toujours d’actualité en Europe, entre des récoltes moyennes en 2024 et une activité de trituration record depuis le début de la campagne. La hausse des prix de la graine devra tout de même être suivie par celle des tourteaux de colza, au risque de dégrader les marges de trituration et de créer un rationnement de la demande chez les industriels. Quoi qu’il en soit, les besoins d’importations seront importants tout au long de la campagne, notamment en provenance du Canada.
Les récoltes progressent tandis que la demande reste importante, aussi bien à l’échelle locale pour la trituration que sur la scène des exportations. Grâce au rebond du canola canadien, l’écart de prix entre le colza européen et l’origine canadienne se resserre, passant de plus de 90 €/t à 70 €/t. À plus long terme, les regards se tourneront du côté de l’Australie, où les conditions sèches dans l’ouest du pays commencent à inquiéter les opérateurs du marché.
Regards tournés vers le soja du Brésil
Comme l’ensemble des marchés agricoles, les prix des tourteaux de soja retrouvent du soutien depuis plusieurs semaines. Après avoir rebondi en août sur le seuil psychologique de 400 €/t, les prix des tourteaux de soja se sont une nouvelle fois raffermi cette semaine, en hausse hebdomadaire de 19 €/t pour revenir à 430 €/t en spot délivré Montoir.
Le complexe soja est entraîné par l’élan haussier de l’ensemble du complexe oléagineux, porté par le rebond du pétrole et l’envolée de l’huile de palme.
L’actualité de la semaine a été marquée par le rapport trimestriel de l’USDA sur les stocks de soja US au 1er septembre, synonyme de la fin de la campagne de 2023-2024. Ces derniers sont ressortis à 9,3 millions de tonnes, en hausse logique par rapport aux 7,2 millions de tonnes de l’an passé mais en dessous des attentes au-dessus de 9,5 millions de tonnes. Si les bilans américains s’annoncent confortables, la progression des récoltes sera à surveiller et les rendements records attendus devront être confirmés. Dans le même temps, le soja US est toujours compétitif et les ventes à l’exportation restent dynamiques, notamment à destination de la Chine.
Enfin, les regards se tournent vers l’Amérique du Sud. L’absence de pluie depuis plusieurs mois et la faiblesse des réserves hydriques inquiètent de plus en plus, à l’heure où les semis doivent commencer. À ce jour, 2 % des surfaces sont semées à l’échelle nationale mais les modèles météorologiques restent au sec et incitent les fonds à racheter les positions vendeuses accumulées ces derniers mois sur le marché américain.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : tensions géopolitiques au Moyen-Orient ; rebond des prix du pétrole ; progression des semis dans l'hémisphère Nord (humide en Europe de l’Ouest, sec en Russie) ; avancée des récoltes de maïs dans l'hémisphère Nord (retard en France) ; semis de maïs et soja en Amérique latine (sec en Argentine et au Brésil) ; conditions de culture en Australie ; rythme des appels d’offres internationaux, faiblesse des achats chinois de céréales ; activité de trituration en Europe et aux États-Unis ; compétitivité des céréales et oléagineux européens.
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