« Le marché des grains est entré en effervescence »
Les tensions extrêmes au Proche-Orient et des risques climatiques, notamment la sécheresse en Russie, ont entraîné une brusque hausse des cours des céréales sur les marchés mondiaux, poussant le blé à son plus haut niveau depuis l’été.
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La sécheresse freine les semis de céréales en Russie. Dans l’hémisphère Sud, le temps trop sec conduit à revoir les estimations de production de blé, en Australie et en Argentine. Tout cela avec en toile de fond les évènements au Proche-Orient. Tous ces éléments font grimper les prix des grains.
« Le marché des grains est entré en effervescence », résume Sébastien Poncelet, analyste spécialiste des céréales chez Argus Media. Le mercredi, le 2 octobre 2024, le blé s’échangeait à plus de 230 euros la tonne sur l’échéance de décembre d’Euronext, la plus rapprochée, une première depuis plus de deux mois sur le marché européen.
Des stocks américains de maïs moins élevés que prévu
À la Bourse de Chicago, le sursaut de mardi a propulsé le blé au-delà de 6 dollars le boisseau (environ 27 kg) pour la première fois depuis la mi-juin. Le prix du maïs grimpait aussi, au plus haut depuis la fin de juin.
Il « est aidé par le blé, mais pour l’essentiel, les achats sont liés au rapport » du ministère américain de l’Agriculture (USDA) sur les stocks, explique Jack Scolville, de Price Futures Group. Ce rapport trimestriel a fait état de réserves américaines de maïs moindres que prévu, même si elles restent en hausse de 29 % par rapport à l’an dernier.
Les tensions au Proche-Orient pèsent sur les cours du pétrole
Les observateurs s’accordent sur les causes principales de cette brusque hausse des cours des céréales : un cocktail de risques climatiques, de l’Australie à la Russie, et une montée des tensions au Proche-Orient.
« L’attaque par missiles de l’Iran sur Israël a ravivé les craintes d’embrasement du Moyen-Orient, faisant monter les cours du pétrole », souligne Sébastien Poncelet. Cela a toujours un impact sur les échanges de matières premières agricoles.
La Russie s’inquiète de la sécheresse
Mais surtout, « c’est la déclaration de l’état d’urgence pour cause de sécheresse dans la région de Voronej, cinquième région céréalière de la Russie, qui inquiète », a-t-il ajouté. Cette mesure, annoncée mardi, permet aux agriculteurs de faire jouer leur assurance et d’être éligibles à des aides publiques, dans une région clé de la culture du blé et de la betterave.
En Russie, « les semis hivernaux se font au rythme le plus lent qu’on ait vu depuis des années du fait de conditions extrêmement sèches. Certains agriculteurs sèment dans la poussière, d’autres attendent la pluie et pour certains (comme dans la vallée de la Volga), la fenêtre s’est déjà refermée », a déclaré sur le réseau X Andrey Sizov, directeur général du cabinet SovEcon, spécialiste des marchés de la mer Noire.
« On parle beaucoup de cette région parce qu’on y sème très tôt, car l’hiver y arrive plus rapidement que dans les grandes plaines du Sud, souligne Sébastien Poncelet. Mais dans le Sud, première région céréalière de la Russie, on a actuellement des tempêtes de poussière tellement il fait sec. »
« Rien n’est joué, a-t-il temporisé, mais il y a actuellement une vraie préoccupation pour les semis en Russie », premier exportateur mondial de blé. L’inquiétude est aussi nourrie par des baisses d’estimation de production de blé dans l’hémisphère Sud, en Australie et en Argentine, notamment pour cause de temps trop sec.
Le fait que la sécheresse perdure dans les grandes régions de production et que les prix du blé russe commencent à se raffermir « confirme la thèse selon laquelle l’offre de grains et d’oléagineux (tournesol, colza) en mer Noire et mer Baltique va être beaucoup plus tendue que ces deux ou trois dernières années », estime Michael Zuzolo, analyste chez Global Commodity Analytics and Consulting.
Grève des dockers sur les ports américains
L’ensemble de ces facteurs, ajoute-t-il, a pour le moment « neutralisé le scénario négatif lié à la grève » des dockers, qui ont commencé à débrayer mardi dans les grands ports de la côte est et du sud des États-Unis.
Mais « si la grève dure, les denrées les plus périssables vont être les premières à voir leurs prix baisser. Plus cela se prolongera, plus il sera difficile aux cours des matières premières de continuer à monter, à moins que la sécheresse ne continue dans certaines régions de production majeures », explique Michael Zuzolo.
Sur les marchés, la hausse des cours est aussi liée aux mouvements des fonds d’investissement, qui rachètent leurs positions sur les marchés des matières premières, et en particulier celui du blé, indique Damien Vercambre, du cabinet Inter-Courtage.
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