Les cours des céréales et des oléagineux se replient
La lourdeur des stocks de report de l’ancienne campagne, confirmée par l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) cette semaine, refait surface et pèse sur les marchés agricoles, aussi bien en céréales qu’en oléagineux.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Les regards se tournent de plus en plus vers la nouvelle campagne, sur laquelle les productions de blé et de colza ont déjà été revues à la baisse chez bon nombre d’exportateurs. Si les volumes de production rassurent en maïs et soja, de nombreuses incertitudes persistent sur les récoltes sud-américaines et la période de risque dans l’hémisphère Nord est encore longue et pourrait animer les cours cet été.
La lourdeur de la campagne de 2023-2024 ressurgit
Le marché du blé a été marqué la semaine dernière par le retour aux achats de grands pays importateurs. Au début de la semaine, l’Égypte a effectué un deuxième achat en une semaine de 400 000 tonnes de blé pour des livraisons en août. Si les acheteurs ont profité de la baisse des prix cette dernière semaine, c’est aussi que le rapport mensuel de l’USDA (ministère américain de l’Agriculture) publié ce mercredi était très attendu par les opérateurs. Finalement, ce dernier est ressorti neutre par rapport aux attentes.
Les analystes américains ont diminué les prévisions de production européennes (–1,5 million de tonnes), russes (–5 millions de tonnes) et ukrainiennes (–1,5 million de tonnes) qui atteignent respectivement 130,5 millions de tonnes, 83 millions de tonnes et 19,5 millions de tonnes. En revanche, ces coupes de production ont été contrebalancées dans le rapport par l’augmentation surprise des stocks de la fin de la campagne de 2023-2024 au niveau mondial. Dans l’attente de nouvelles informations, c’est la lourdeur de la campagne actuelle qui permet au marché de se détendre. Le blé rendu Rouen base juillet a perdu plus de 10 €/t cette semaine et s’échange ce vendredi à 233 €/t.
La géopolitique mondiale vient aussi apporter son lot d’incertitudes, synonyme de volatilité sur les marchés. La Turquie a annoncé vendredi dernier mettre en place une taxe à l’importation jusqu’au mois d’octobre sur le blé afin de protéger son marché intérieur. Dans le même temps, le retour aux achats de l’Inde qui avait été évoqué il y a quelques semaines n’est toujours pas d’actualité dans les annonces du gouvernement. Sans activité de l’Inde et de la Turquie dans les prochains mois, la demande mondiale de blé pourrait être réduite.
Les bilans mondiaux se confirment
Le marché du maïs corrige dans le sillage de l’ensemble du complexe céréalier depuis le début du mois de juin. Les prix du maïs se sont repliés de 8 €/t cette semaine, s’affichant désormais autour de 195 €/t en base juillet rendu Bordeaux. Cette semaine a été marquée par la publication du rapport mensuel de l’USDA. L’office américain est resté très conservateur sur les bilans mondiaux.
Les estimations de production en Amérique du Sud ont été reconduites. Malgré le développement de la maladie du spiroplasme sur les maïs argentins, le volume de production est toujours attendu à 53 millions de tonnes, loin du chiffre de la Bourse de Buenos Aires à 46,5 millions de tonnes. La situation est similaire au Brésil, où l’écart reste important entre l’estimation de l’USDA de 122 millions de tonnes et le chiffre de la Conab (Compagnie nationale d'approvisionnement du Brésil), rehaussé cette semaine mais toujours à 114,1 millions de tonnes. Toute réduction des potentiels de production en Amérique du Sud apportera de la compétitivité à l’origine américaine.
Les ventes à l’exportation de maïs américain restent dynamiques à l’approche de la fin de campagne, une nouvelle fois au-dessus d’un million de tonnes cette semaine. Si l’USDA a laissé son chiffre à l'exportation inchangé aux États-Unis, les regards se tournent de plus en plus vers les potentiels de production de maïs américain. Les premières notations rassurent les opérateurs, avec 74 % des surfaces en bonnes ou excellentes conditions, contre 61 % l’an passé à cette date.
La période de risque climatique restera sous surveillance, à l’heure où des températures plus élevées sont attendues dès la semaine prochaine dans la zone de production américaine. Les potentiels de production seront également à suivre en Europe. Les semis se terminent en France et de nouvelles pluies sont attendues dans les prochaines semaines.
Une production européenne à risque
À l’instar des autres cultures européennes, les perspectives de production de colza en Europe continuent d’inquiéter les opérateurs. Si les conditions de ces derniers jours, sèches et chaudes, sont rassurantes, les colzas européens ont souffert des pluies continues des derniers mois. Les estimations de rendements sont donc très hétérogènes selon les régions de production et certaines parcelles sont exposées à une forte pression maladie après le pluvieux mois de mai. D’ailleurs, le dernier bilan de l’USDA a confirmé la tension du bilan de la graine de colza en Europe, abaissant de 1,5 million de tonnes sur un an la production du Vieux Continent à 18,75 millions de tonnes.
Cette tension de la production européenne de colza entraîne une augmentation du besoin d’importation. Celui-ci devrait atteindre 6,3 millions de tonnes en 2024-2025 selon l’USDA, contre 5,5 millions de tonnes sur la campagne précédente, et pourrait même être de nouveau révisé à la hausse. Pour autant, les risques sont partagés, l’Australie voit aussi son chiffre perdre un million de tonnes à 5,5 millions de tonnes, après des semis difficilement réalisés dans le sec.
Dans ce contexte, l’activité de trituration reste particulièrement dynamique dans le monde. Les besoins en graines sont croissants et un rationnement de la graine de colza sera peut-être nécessaire dans les mois à venir. En Europe, l’industrie pourrait ainsi se tourner vers le tournesol et le soja pour répondre à la demande en huile végétale. Dans cet environnement incertain de demande croissante, rationnement et production en baisse, la graine de colza tente de se stabiliser autour des 470 €/t Fob Moselle.
L’incertitude plane toujours sur la production brésilienne de soja
Le prix des tourteaux de soja délivré Montoir a légèrement regagné en fermeté en revenant sur le seuil des 450 €/t sur le spot, après une hausse de 5 €/t sur la semaine. Dans un premier temps, les cours sont soutenus par le repli de la parité euro-dollar vers les 1,07, après une phase de consolidation le mois dernier dans la zone 1,08-1,09. Cette correction intervient en raison de la résilience de l’économie américaine et en particulier de son marché de l’emploi, mais aussi après les doutes levés sur l’économie européenne faisant suite aux résultats des législatives.
Dans le même temps, quelques nouveaux jours de grèves sur les ports argentins ont une fois de plus alimenté la volatilité, le pays représentant plus d’un tiers du commerce mondial de tourteaux de soja. Plus au nord, si les récoltes sont terminées à 96 % au Brésil, les pertes de rendement subies dans le Rio Grande do Sul, à la suite des récentes inondations, sont encore à quantifier. L’organisme local de lau Conab a revu son chiffre en baisse de 300 000 tonnes, à 147,3 millions de tonnes, quand l’USDA se montre beaucoup plus conservateur à 153 millions de tonnes.
Face à cela, la hausse des surfaces et le début du cycle de développement des sojas américains rassurent, limitant pour le moment le potentiel de rebond. D’ailleurs, l’USDA n’a procédé qu’à très peu d’ajustements sur son bilan domestique, réduisant seulement quelque peu sa trituration ancienne campagne, confirmant pour l’instant la lourdeur du soja américain. La prudence reste cependant de mise, la période de risque climatique dans l’hémisphère Nord étant encore longue jusqu’aux récoltes.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : conditions de culture dans l'hémisphère Nord ; taxes à l’importation turques sur le blé et mesures tarifaires brésiliennes sur le soja ; températures élevées à surveiller en Russie ; évolution des semis de maïs en Europe et aux États-Unis ; retour aux achats de l’Inde ; évolution des prix du pétrole et de l’euro par rapport au dollar.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :