Le marché mondial des céréales est bousculé
Les marchés des matières premières agricoles ont été chahutés en cette fin de semaine par de nouvelles mesures gouvernementales à l’import ou à l’export.
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Entre les taxes turques sur le blé et celles sur le soja brésilien, les cours ont diminué après la hausse des dernières semaines. Dans le même temps, les principaux importateurs mondiaux profitent de ce repli pour revenir aux achats, à l’image de l’Algérie, l’Égypte et la Tunisie cette semaine.
Blé : retour aux achats des pays importateurs
La semaine a été marquée par le retour aux achats de grands pays importateurs. Le premier a été l’Algérie, qui via l’OAIC a acheté plus de 800 000 tonnes (t) de blé majoritairement de provenances roumaine et ukrainienne. Ensuite ce fut au tour du GASC égyptien d’émettre un appel d’offres. Les acheteurs étatiques de l’Égypte se sont finalement procuré 470 000 t de blé. Il faut noter que deux bateaux français ont réussi à se faire une place dans le carnet de commandes du pays pour 281 $/t CAF. Enfin la Tunisie a publié hier, jeudi 6 juin 2024, un appel d’offres pour une livraison au mois de juillet de 50 000 t de blé.
Il faut toutefois noter que la Russie a eu du mal à se positionner sur ces appels d’offres nord-africains. Les conditions de culture du pays sont toujours inquiétantes et les analystes locaux continuent d’abaisser leurs estimations de productions qui se rapprochent des 80 Mt. Les pluies ne sont toujours pas suffisantes dans le bassin de production des blés d’hiver, à l’heure où les températures sont proches de 30 °C. Du côté des blés de printemps, c’est la pluie qui touche la Sibérie qui vient endommager l’état des cultures.
Les notations continuent de faire parler d’elles en France aussi, où FranceAgriMer juge les blés d’hiver à 64 % en bon à excellent état soit un point de plus que la semaine passée mais toujours en retrait par rapport aux 95 % de l’année dernière.
Enfin du côté politique, la Turquie a annoncé qu’elle mettrait en place une taxe à l’importation sur le blé entre le 21 juin et le 15 octobre 2024, afin de protéger les producteurs locaux. Malgré les fondamentaux tendus, les stocks de report sont toujours annoncés très lourds et le blé en rendu Rouen perd donc -7,5 €/t sur la semaine à 243,5 €/t.
Orges : besoin de nouvelles affaires
Le manque de demande continue de peser sur le marché des orges en France. Si le marché a profité de la hausse du complexe céréalier, la prime portuaire continue de chuter pour tenter de dynamiser les affaires sur la nouvelle campagne. L’orge fourragère en rendu Rouen base juillet se replie de -5 €/t cette semaine à 209 €/t. Il faut dire que la Chine manque aux achats. Cette dernière représentait 70 % des exportations françaises d’orge ces deux dernières années.
D’autant plus que l’Australie pourrait venir concurrencer les potentiels bateaux français. Le ministère de l’Agriculture australien a publié ses premières estimations de production pour la récolte 2024-2025. Malgré les conditions climatiques de ces derniers mois qui avaient entraîné un déficit hydrique important, la nouvelle récolte est annoncée en hausse de +0,7 million de tonnes (Mt) sur un an à 11,5 Mt.
Au Canada, les semis ont rattrapé leur retard avec 92 % des surfaces emblavées au Saskatchewan, bassin concentrant plus de 40 % de la production domestique. Cette accélération rassure les opérateurs locaux, d’autant que le taux d’humidité des sols s’améliore.
Enfin du côté européen, l’état des cultures continue de se dégrader comme c’est le cas en France où 63 % des orges d’hiver sont en bonnes ou excellentes conditions, contre 64 % une semaine plus tôt selon FranceAgriMer. Du côté de l’orge de printemps, 74 % sont en bon à excellent état, un point de plus que la semaine passée mais en retrait par rapport aux 89 % de l’an passé. Le bilan d’orge brassicole est tout de même annoncé confortable, notamment grâce au gain de surface et au repli de la demande.
Colza : hausse de production du canola en Australie
La graine de colza Fob Moselle a perdu du terrain cette semaine, passant sous le seuil psychologique des 475 €/t, annulant une partie de sa hausse du mois dernier. Tout d’abord, le complexe oléagineux a été pénalisé par le fort repli des cours de l’or noir en début de semaine, suite à l’annonce de l’OPEP + d’un possible réapprovisionnement du marché à compter d’octobre. Ce repli a entraîné dans son sillage les huiles végétales. Ces dernières ont toutes cédé du terrain, mais l’huile de colza évolue toujours en tête, proche des 1 000 €/t.
Dans le même temps, la récolte européenne 2024 de colza en Europe reste incertaine, d’autant plus après les dernières semaines pluvieuses en Europe de l’Ouest. Dans ce contexte, les besoins en importation sont annoncés proches des records pour la nouvelle campagne, ce qui a permis aux cours de la graine d’approcher les 500 €/t ces dernières semaines.
Pour autant, les dernières estimations concernant les productions canadiennes et australiennes ont finalement rassuré les opérateurs locaux. Le ministère australien de l’Agriculture a annoncé que la production de canola du pays pourrait atteindre les 5,39 Mt contre 5,68 Mt en 2023, soit un niveau correct suite au déficit hydrique qui avait touché le pays au début des semis.
Du côté du Canada, les semis ont rattrapé une partie de leur retard et l’humidité des sols est pour le moment bénéfique aux cultures de canola. Mais tout accident climatique pourrait diminuer les potentiels de production du pays et réduire encore le disponible exportable du pays déjà en baisse.
Soja : nouvelles mesures fiscales envisagées au Brésil
Après une semaine et demie de chute de près de -30 €/t, le tourteau de soja délivré Montoir a légèrement rebondi ce jeudi de 7 €/t à 445 €/t. Il faut dire que les cours du complexe soja ont trouvé du soutien dans les annonces du gouvernement brésilien. Ce dernier envisage une nouvelle mesure fiscale sur les exportations des produits agricoles qui semble pénalisante pour la compétitivité de l’origine brésilienne sur le marché mondial. Le soja américain pourrait alors profiter de cette mesure et voir sa demande se dynamiser. Les stocks de report du pays sont importants et devraient permettre aux États-Unis de prendre en charge une partie de la baisse potentielle des exportations brésiliennes.
Dans le même temps, les inquiétudes sont toujours présentes en Amérique du Nord et du Sud. Si les semis américains sont presque terminés et que les notations des cultures sont rassurantes pour les producteurs, la période de risques climatiques est encore longue et sera source de volatilité. Les récoltes de l’Amérique latine sont de leur côté bien avancées, ce qui permet aux triturateurs argentins de faire tourner leurs usines à bon rythme. Ainsi les fondamentaux restent confortables sur le complexe soja, mais toute mesure restrictive sur les exportations sud-américaines pourrait venir bousculer l’équilibre du marché.
À suivre : Conditions de culture en hémisphère Nord//Taxes à l’importation turques sur le blé et mesures tarifaires brésiliennes sur le soja/Températures élevées à surveiller en Russie/Évolution des semis de maïs en Europe et aux États-Unis/Résultats de l’appel d’offres tunisiens/Évolution des prix du pétrole
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