Les aléas climatiques soutiennent les cours du blé et du maïs
Les inquiétudes concernant les conditions de culture dans l’hémisphère Nord encouragent la fermeté des prix des céréales. En parallèle, les cours des oléagineux restent soutenus, tirés par la volatilité sur le marché des tourteaux.
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Les risques climatiques sont sous les projecteurs et prennent la place d’éléments directeurs des marchés agricoles. Les conditions de culture sont en effet scrutées par les opérateurs, qui ont tendance à rester prudents en cette période de semis dans l’hémisphère Nord. Du côté des oléagineux, les cours sont soutenus par le bon rythme de trituration alimentant l’offre mondiale en tourteaux. En revanche, les grèves en Argentine ont amené de la volatilité sur les cours de ces derniers.
Les précipitations en Russie rassurent à court terme
Les inquiétudes quant à la production de blé russe ont permis aux cours du blé de la nouvelle récolte de retrouver de la fermeté la semaine passée. Mais l’annonce de pluies modérées dans le sud de la Russie, principal bassin de production du pays, a permis de rassurer en partie les opérateurs.
Si les marchés se détendent, il faut tout de même noter que les pluies ne sont pour le moment pas suffisantes pour améliorer significativement les conditions de culture russes. Leur pérennité sera ainsi décisive pour que le pays atteigne les 90 millions de tonnes de production attendues jusqu’à présent. Ce niveau reste toutefois envisageable au vu de la baisse des températures attendue dans la région, réduisant l’évapotranspiration des blés. Ainsi, le blé rendu Rouen affiche une baisse de –4 €/t à 221 €/t en prix de la nouvelle récolte par rapport à la semaine passée.
Du côté de la demande, l’Algérie a lancé un nouvel appel d’offres cette semaine pour acheter du blé meunier livraison en juillet. Pour le moment, les résultats sont encore inconnus, mais les blés français pourraient avoir du mal à se positionner face aux origines mer Noire bien plus compétitives. Et ce, malgré l’annonce d’une baisse de 4 millions de tonnes des exportations de blé ukrainien, à 14 millions de tonnes, selon le ministère de l’agriculture local, soit un niveau plus bas depuis dix ans. Cette diminution s’explique en partie par une baisse des surfaces semées sur la récolte à venir.
Enfin, entre les fortes précipitations qui traversent la France et la vague de froid qui a touché l’est du pays la semaine passée, la part des blés français en bon à excellent état a été reconduite à 63 %, selon l’organisme FranceAgriMer, contre 93 % un an plus tôt.
Des semis sous surveillance en hémisphère Nord
Après être rapidement remonté sur des niveaux de prix abandonnés depuis la fin d'octobre dernier, le cours du maïs rendu Bordeaux corrige en revenant à 190 €/t, après avoir cédé –7 €/t sur la semaine. Les exportations ukrainiennes de maïs atteignent 3,8 millions de tonnes en avril, soit un record depuis le début du conflit. Malgré des tensions toujours vives dans le secteur, les chargements en direction de l’Europe se tarissent peu à peu.
Ainsi, le manque de maïs à l’importation en Europe se fait ressentir, accentuant l’attention des opérateurs sur les perspectives de production en Amérique latine. D’ailleurs, d’importantes précipitations dans le sud du Brésil perturbent localement la fin de la récolte du maïs safra. Dans le même temps, la Bourse de Buenos Aires coupe de 3 millions de tonnes supplémentaires la production argentine à hauteur de 46,5 millions de tonnes. Malgré cette incertitude engendrée par la pression pathogène du spiroplasme, les ventes à l'exportation restent pour le moment soutenues, pénalisant actuellement celles du maïs américain.
Aux États-Unis, les semis progressent. 27 % des surfaces ont été emblavées à ce jour, ce qui leur permet d’afficher une avance sur le rythme moyen avant un retour important des précipitations sur la Corn Belt. Du côté de la France, les semis sont ralentis, n’ayant été réalisés que sur 45 % des surfaces, soit un retard de 9 points par rapport à l’an passé.
L’approvisionnement européen en graine de colza est menacé
Le marché des huiles végétales diverge en Europe. D’un côté, la reprise de production de palme en Malaisie au cours du mois de mars et le ralentissement des importations chinoises font pression sur les prix. Ainsi, l’huile de palme CIF Rotterdam cède 36 €/t au cours de la semaine pour atteindre 920 €/t. La prochaine publication du MPOB du 10 mai sera à surveiller afin de confirmer ou non la reprise saisonnière de la production des palmeraies en Malaisie.
De l’autre, l’huile de colza Fob Rotterdam se stabilise à 980 €/t. En trois mois, cette dernière a gagné 155 €/t soutenant les marges des industriels et donc la dynamique de trituration. Selon les chiffres de la Fediol, près de 1,7 million de tonnes de graines ont été transformées au cours du mois de mars. Ce volume mensuel est supérieur à celui nécessaire pour atteindre l’objectif annuel de trituration de 26,3 millions de tonnes en Europe. C’est donc en raison de cette demande soutenue et des menaces qui planent sur les approvisionnements en matière première que la hausse continue.
La graine de colza Fob Moselle gagne au cours de la semaine 24 €/t pour atteindre son niveau le plus haut depuis septembre 2023, à 466 €/t. Les perspectives de production de colza au sein de l’Union européenne pourraient passer sous les 19 millions de tonnes au regard des conditions météorologiques en Europe de l’Ouest, accentuant encore un peu plus sa dépendance aux importations. L’Ukraine fait presque office d’exception chez les principaux pays producteurs au regard des conditions favorables depuis les semis. L'attention se tourne également vers le Canada où les travaux d’emblavements sont pour le moment ralentis par les précipitations.
Des grèves en Argentine amènent de la volatilité sur le marché des tourteaux
Les tourteaux de soja ont connu une forte volatilité cette semaine en raison des grèves en Argentine qui ont amené de l’incertitude et donc de la volatilité sur le marché des tourteaux. Le spot délivré Montoir est resté stable à 435 €/t au début de la semaine, puis a connu une hausse de 13 €/t jeudi, à 448 €/t, avant de terminer la semaine à 442 €/t ce vendredi.
L’Union des travailleurs argentins, et en particulier les unités de trituration et de chargement, a finalement trouvé un compromis avec le gouvernement de Javier Milei quant à leurs revalorisations de salaires, ce qui a permis de détendre un peu les cours. Outre l’instabilité entraînée par les réformes politiques en Argentine, les tourteaux subissent également les aléas climatiques qui affectent l’Amérique latine. Le Rio Grande do Sul est en effet touché par de fortes précipitations qui inquiètent les opérateurs. Le deuxième État producteur de soja brésilien pourrait ainsi voir sa récolte dégradée par ces pluies incessantes.
Le bilan mondial reste toutefois confortable, ce qui contient toute envolée des cours. Aux États-Unis, la bonne rentabilité du soja lui permet de se voir attribuer davantage de surface que l’an passé. Il faudra toutefois surveiller l’évolution des semis dans les semaines à venir. Au 28 avril, 18 % des surfaces américaines avaient été emblavées, contre 8 % la semaine précédente et au-dessus de la moyenne quinquennale fixée à 10 %.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : conditions de culture en Europe de l’Ouest, dans le sud de la Russie et au Brésil ; évolution de la production de maïs en Argentine ; évolution des stocks et de la production d’huile de palme ; niveaux de trituration élevés aux États-Unis et en Europe ; productions argentine et brésilienne de soja ; début des semis américains sous surveillance ; grèves et réformes politiques en Argentine ; rapports : Statcan, le 7 mai; USDA et MPOB, le 10 mai; Conab, le 14 mai.
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