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Marché des grains : montée des prix en réponse au regain de tension en mer Noire

Les tensions en mer Noire et l'avancée des récoltes tirent les prix des céréales et oléagineux à la hausse.

Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.

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La géopolitique a fait son grand retour sur le devant de la scène cette semaine. Les tensions autour du corridor maritime ukrainien ont tiré les prix vers le haut, reléguant les fondamentaux et l’avancée des récoltes à l’arrière-plan, au moins temporairement.

Retour des tensions autour des flux en mer Noire

La géopolitique de la mer Noire a de nouveau été au cœur des préoccupations des marchés agricoles cette semaine. En effet, le début de la semaine a été marqué par l’annonce de la Russie de ne pas renouveler sa participation à l’accord sur le corridor maritime en partance du port ukrainien d’Odessa. À l’issue de cette annonce, l’Ukraine a communiqué vouloir malgré tout continuer ses exportations via cette voie. En réponse, la Russie a bombardé des infrastructures de la région d’Odessa et menacé d’attaques tous les bateaux se rendant dans les ports ukrainiens. L’Ukraine a réagi en menaçant d’attaquer aussi les bateaux russes.

Ces tensions apportent beaucoup de confusion aux marchés, reléguant les fondamentaux au second plan. Sur le papier, l’Ukraine possède des voies d’exportations alternatives pour compenser l’arrêt du corridor. Elle peut théoriquement exporter jusqu’à 4 millions de tonnes par mois de biens agricoles en utilisant les capacités actuelles de ses ports du Danube, ainsi que le transit via les pays frontaliers de l’est de l’Union européenne. Il apparaît peu probable que la Russie s’attaque aux bateaux transitant par le Danube et qu’à l’inverse, l’Ukraine s’en prenne aux navires marchands se rendant en Russie. Néanmoins, les tensions restent vives et une nouvelle aggravation du conflit ne peut pas être écartée.

Les prix du blé grimpent

Les prix du blé ont réagi à ces vives tensions géopolitiques. Le blé meunier rendu Rouen gagne près de 29 €/t, à 252,5 €/t (base : juillet) tandis que le blé rendu La Pallice suit la même tendance. Les blés russes en revanche restent stables, avec un prix Fob Novorossiysk (11,5 % de protéines) à 227,5 $/t, contre 284 $/t pour le blé français Fob Rouen. Les stocks restent importants en Russie.

Du côté des récoltes, les chantiers se poursuivent en France avec des résultats mitigés, mais qui restent néanmoins corrects par rapport aux voisins européens. Ce sont maintenant les pluies qui inquiètent au Royaume-Uni et en Scandinavie car elles pourraient retarder les chantiers de récolte et dégrader la qualité. La récolte européenne ne devrait pas être aussi élevée que prévu finalement. Au Canada, la situation des blés de printemps reste difficile à cause du manque de pluie, tout comme au Kazakhstan. À la mi-journée, les prix du blé sur Euronext cédaient déjà 8 €/t sur l’échéance de septembre. La volatilité est donc de mise, entre risque géopolitique d’un côté, et fondamentaux plus baissiers de l’autre (malgré diverses craintes sur les productions).

Les prix du maïs montent aussi

Les prix des maïs français ont également réagi à la hausse face aux tensions autour du corridor maritime ukrainien. Le maïs Fob Bordeaux gagne 20 €/t, à 241 €/t (base : juillet) tandis que le Fob Rhin gagne 16 €/t, pour atteindre le même montant. L’Ukraine est un important pays exportateur de maïs. La remise en cause du corridor pourrait voir davantage de volumes allouer vers les pays du bassin méditerranéen et vers l’Europe, au détriment de l’Asie. Il s’avère que les besoins d’importation de l’UE pourraient rester élevés lors de la prochaine campagne.

Les conditions de croissance des maïs européens n’ont pas été particulièrement bonnes jusque-là, entre manque de pluie et fortes chaleurs. La France a tout de même bénéficié jusqu’à présent de conditions un peu plus clémentes qu’ailleurs. FranceAgriMer considérait qu’au 17 juillet, 82 % des parcelles de maïs étaient en bon à excellent état, contre 75 % l’an dernier. Dans le même temps, la situation des maïs reste fragile aux USA, avec seulement 57 % des parcelles considérées comme étant en bon à excellent état (contre 64 % l’an dernier à la même date).

Le colza rebondit fortement

Les tensions en Mer Noire, ainsi que l’arrêt du corridor maritime perturbent aussi le marché des oléagineux. Le corridor maritime était surtout utilisé pour l’exportation d’huile de tournesol et sa fermeture a entraîné un rebond des prix de toutes les huiles sur la semaine. C’est l’huile de colza qui voit son prix progresser le plus en Europe. Elle grimpe de 130 €/t en une semaine, à 1 110 €/t à Rotterdam, un niveau qui n’avait pas été atteint depuis décembre.

Le colza voit son prix augmenter de 34 €/t entre le 12 et le 20 juillet, et monte presque à 500 €/t en rendu Rouen, et 506 €/t en Fob Moselle. L’avancée des récoltes en Europe et des rendements finalement décevants expliquent aussi cette forte hausse des prix. De nombreuses régions en France, en Allemagne et en Pologne ont connu des moissons décevantes. Après un bon début de cycle et un potentiel qui était prometteur en fin de floraison, le début d’été très chaud et sec semble avoir limité la productivité dans les champs de colza. Toutefois, la récolte n’est pas catastrophique et devrait s’approcher des moyennes ordinaires.

Par ailleurs, les conditions de culture du colza ont continué de se dégrader dans les prairies de l’ouest canadien, où le temps chaud et sec accélère le développement des cultures et affecte les rendements potentiels. Dans le Saskatchewan, la part des champs en conditions bonnes à excellentes ne représente plus que 48 % des surfaces, contre 60 % en moyenne, et 68 % l’an dernier à la même date. Les rendements et la production au Canada devraient donc s’afficher en dessous de la campagne précédente. Néanmoins, le spectre de l’année 2021, affectée par un fort déficit hydrique mais surtout par des températures extrêmes, semble s’éloigner.

Les prix du colza sur Euronext diminuaient toutefois en milieu de journée, le vendredi 21 juillet, en raison de prises de profit, de nombreux opérateurs débouclant leurs positions longues. La hausse des prix sur la semaine n’était pas totalement effacée pour autant.

Hausse du tourteau de soja

Les prévisions annoncent un déficit pluviométrique et des températures supérieures à la moyenne dans le Midwest américain sur les deux prochaines semaines. Ceci, associé aux pluies anecdotiques ayant arrosé la majeure partie du Midwest et de la région des grands lacs ces derniers jours, a fait monter les prix du soja à Chicago (+28 $/t sur l’échéance sur novembre 2023). Cela a entraîné le prix du tourteau de soja à la hausse à Chicago, mais aussi sur le marché européen. Le tourteau à Montoir se renchérit ainsi de 16 €/t en une semaine, à 491 €/t.

Les conditions de culture restent à suivre de près, les sojas américains étant particulièrement affectés par le stress hydrique cette année. Les conditions de culture s’étaient néanmoins améliorées durant la première quinzaine de juillet avec un retour des pluies et une normalisation des températures. La part des champs en état bon à excellent était de 55 % des surfaces au 16 juillet, contre 51 % la semaine précédente. Cela restait en net recul par rapport à l’an dernier (61 % des champs étaient en état bon à excellent à la mi-juillet 2022).

À suivre : récoltes en cours, météo en Amérique du Nord, en Europe et en mer Noire (céréales, colza, soja), exportations de l’Ukraine et de la Russie, production d’huile de palme en Asie du Sud-Est, conjoncture économique mondiale (croissance, inflation), prix du pétrole, parité euro/dollar.

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