Marché des grains Les prix des céréales et des oléagineux continuent de baisser
Tallage, cabinet d’études spécialisé dans les marchés des céréales, oléagineux et protéagineux, nous livre son analyse hebdomadaire.
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Les prix des grains ont tous baissé durant la semaine du 24 avril 2023. La demande en berne et les stocks élevés continuent de peser sur les cotations malgré les incertitudes sur les capacités d’exportation de l’Ukraine. Les prix des blés russes montrent plus de résistance, et sont maintenant plus chers que les blés français.
Les prix des blés européens chutent de nouveau, les prix US baissent aussi
Les prix des blés français sont encore en nette baisse cette semaine. Le blé rendu Rouen cède 11 €/t, à 230 €/t (base : juillet). Le blé rendu La Pallice baisse d’une ampleur identique, à 231 €/t. Sur la scène internationale, c’est la chute libre pour le blé US qui perd 25 $/t, à 358 $/t Fob pour le HRW (Hard Red Winter). À l’exportation, le blé français abandonne 11 $/t, à 267 $/t Fob Rouen.
En Europe de l’Est, la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie maintiennent pour le moment leur décision unilatérale d’interdire les importations de céréales ukrainiennes, tandis qu’aucune solution satisfaisante n’a pour le moment été trouvée afin de permettre le seul transit vers les autres pays de l’Union européenne (UE) ou les pays tiers.
Pour le moment, seule la Roumanie s’est mise d’accord avec la Commission européenne (CE) qui interdit les exportations ukrainiennes de céréales vers ce pays jusqu’au 5 juin 2023. En retour, la Roumanie devrait toucher une aide financière de la part de l’Europe. Cette décision semble avant tout politique, la CE voulant garder la main sur les décisions prises par les États membres.
Dans le même temps, la Russie continue de semer le doute sur sa volonté de renouveler ou non le corridor maritime ukrainien le 18 mai prochain. De prime abord haussières, ces différentes nouvelles n’ont pas empêché les prix européens de baisser. La demande mondiale reste timide tandis que la Russie et l’Australie continuent d’y répondre majoritairement.
Les indices macro-économiques ne sont pas au beau fixe avec notamment des résultats de croissance décevants au premier trimestre de 2023 aux États-Unis (seulement 1,2 % contre 2,2 % au dernier trimestre de 2022). Du côté de l'offre, les conditions de croissance des blés sont toujours bonnes en Europe (notamment en France) et en Russie. Aux États-Unis, le retour de quelques pluies sur les plaines de blé d’hiver a rassuré les marchés. Les semis de blé de printemps sont en revanche toujours en retard (3 % semés aux États-Unis contre 12 % habituellement), mais ils pourraient accélérer avec le retour de conditions plus sèches et plus douces. L’Espagne et l’Afrique du Nord continuent en revanche d’accuser le coup d’une sécheresse exceptionnelle.
Les blés russes perdent en compétitivité
Le prix des blés russes a moins diminué que celui des autres origines. Ils n’ont perdu que 4 $/t, à 266 $/t Fob (blé à 11,5 % de protéines). Ils sont maintenant un peu plus chers que les blés français. Il semble donc que les exportateurs russes essaient de respecter les directives du gouvernement visant à ne pas trop faire baisser les prix pour les agriculteurs.
Ce phénomène pourrait limiter les exportations russes sur la fin de campagne (mai et juin), avec un ralentissement déjà visible d’après certains analystes locaux. Il n’en demeure pas moins que les exportations du pays sont toujours prévues à un niveau très élevé. Il n’est pas sûr que ces restrictions implicites du gouvernement russe soient tenables tant les stocks sont importants dans le pays, mais elles pourraient redynamiser les exportations de l’Union européenne.
Les prix du maïs baissent également, surtout en Amérique du Sud
Le prix du maïs Fob Bordeaux a perdu 12 €/t sur la semaine, à 240 €/t (base : juillet) et se rapproche du maïs Fob Rhin qui a perdu 7 €/t, à 235 €/t. C’est la chute libre pour le maïs brésilien qui a perdu 17 $/t en une semaine, à 232 $/t (et même contre 290 $/t au 14 avril). Le prix du maïs argentin a suivi la même tendance que son homologue brésilien.
Le prix du maïs US, quant à lui, résiste un peu plus et ne perd que 2,5 $/t sur la semaine, à 269 $/t. Il faut voir dans la chute des prix brésiliens les bonnes perspectives de la récolte safrinha qui débutera l’été prochain et qui contrebalance la récolte désastreuse en Argentine. La prime sud-américaine baisse aussi sur des considérations saisonnières comme cela est très souvent le cas à cette époque de l’année. La demande mondiale qui reste faible est un autre élément baissier.
La Chine a notamment annulé des achats de blé US et pourrait se reporter sur les maïs brésiliens de la nouvelle récolte à venir cet été. En Europe, il faudra surveiller les effets des interdictions d’importations de maïs ukrainiens vers les pays voisins. Effectivement, si les exportations ukrainiennes ont généré d’importants stocks de blé dans l’est de l’Union européenne, cela est moins le cas pour le maïs avec seulement la Pologne qui est confrontée à ce problème.
Du côté des semis, ils ont commencé aux États-Unis (14 % à la fin d'avril contre 11 % de moyenne). Ils devraient bien avancer dans les jours à venir grâce à un temps plutôt sec. Les levées pourraient néanmoins être retardées à cause des températures fraîches annoncées. Dans l’Union européenne, les semis de maïs ont peiné à avancer jusqu’à présent à cause des pluies en Europe centrale et du Sud-Est. Les précipitations devraient s’atténuer mais la situation est à surveiller.
Recul des cours du colza
Cette semaine, les prix du colza sur la nouvelle campagne ont fortement régressé. À Rouen, les cours ont diminué de 28 €/t sur la semaine et les prix Fob Moselle de 36 €/t. En effet, la nouvelle campagne devrait débuter dans un environnement excédentaire en colza. D’un côté, la bonne récolte de 2022 et les importations records sur la campagne en cours devraient engendrer d’importants stocks de report sur la nouvelle campagne. D’un autre côté, la production européenne pour la récolte de 2023 devrait également être très bonne, avec 20 millions de tonnes attendues. Les conditions climatiques restent favorables aux cultures.
Par ailleurs, cette semaine, les cours de la graine ont également été entraînés à la baisse par les prix du pétrole et des huiles. Malgré la réduction des quotas de production de pétrole à partir de mai, par les pays de l’Opep +, les prix du pétrole ont diminué. En effet, les craintes de récession sont toujours bien présentes sur les marchés.
Cela amène aussi une baisse des prix de l’huile de colza (–20 $/t à Rotterdam cette semaine), sous la pression de l’huile de palme également. À Rotterdam, cette dernière enregistre une baisse de 55 $/t sur la semaine. En effet, alors que les exportations malaisiennes sont déjà faibles sur avril, les disponibilités exportables sur le marché mondial devraient encore augmenter à partir du mois de mai. L’Indonésie a annoncé abaisser son seuil de ventes intérieures obligatoires à 300 000 tonnes par mois (contre 450 000 tonnes auparavant) ce qui va laisser plus de volumes disponibles pour les exportateurs. Les prix de l’huile de palme baissent aussi car elle n’est pas attractive face à l’huile de soja.
Ainsi pour le moment, seules les incertitudes liées aux exportations depuis l’Ukraine pourraient venir limiter cette tendance baissière. Alors que la continuité du corridor maritime reste suspendue aux annonces russes, les exportations terrestres pourraient elles aussi ralentir. En effet, la Commission européenne proposerait d’interdire jusqu’à la fin de 2023, les importations de quelques produits agricoles (dont le colza, le tournesol et l’huile de tournesol) vers les pays voisins de l’Ukraine (Pologne, Roumanie, Bulgarie, Slovaquie et Hongrie) afin de protéger leur marché intérieur. Si cette décision était validée, elle limiterait surtout les exportations de colza et tournesol ukrainien sur la nouvelle campagne (les colzas récoltés en 2022 ayant déjà été exportés en quasi-totalité), et cela serait de nature à faire monter les prix de la récolte de 2023 pour tout le complexe oléagineux.
Le tourteau de soja se replie encore
Cette semaine encore, les cours mondiaux du tourteau de soja ont poursuivi leur baisse. Les bonnes perspectives de semis de soja ont notamment pesé sur le prix du tourteau aux États-Unis. Le prix CBoT a ainsi perdu 26 $/t sur le rapproché pour s’afficher à 472 $/t. En effet, les semis progressent rapidement dans le pays. Au 23 avril, près de 9 % des surfaces étaient déjà ensemencées contre une moyenne quinquennale de 4 %. Les conditions météorologiques s’annoncent pour le moment favorables aux cultures. Des précipitations sont annoncées dans les grandes plaines au sud du pays, de quoi réduire le stress hydrique dans cette région. Les conditions s’améliorent également dans la corn-soy-belt, avec l’interruption de la vague de froid, ce qui devrait permettre d’accélérer les travaux de semis.
Ailleurs dans le monde, les perspectives d’offres en soja sont aussi très encourageantes. Au Canada, les intentions de semis pourraient augmenter d’environ 4,5 % sur un an. Les surfaces en Afrique du Sud pourraient bondir de 18 % par rapport à la campagne précédente. Par ailleurs, la production brésilienne est toujours attendue à un niveau record, dépassant les 151 millions de tonnes, de quoi doper la trituration, d’autant plus que les marges de trituration y sont bonnes. Cela devrait assurer une offre abondante en tourteaux de soja qui permettrait d’approvisionner le marché mondial et compenser aussi le manque de marchandises argentines.
Parallèlement, en Chine, la demande du secteur animal peine à se ressaisir. Le prix du porc poursuit sa baisse et la faible rentabilité des élevages porcins chinois limite la consommation en tourteaux de soja. De plus, la concurrence est forte avec les autres matières, particulièrement avec le tourteau de colza. À Montoir-de-Bretagne, le cours a suivi la baisse généralisée des autres cotations, reculant de 28 €/t sur le rapproché pour s’afficher à 490 €/t. Dans l’Union européenne, le tourteau de soja doit aussi faire face à la forte concurrence des céréales et des autres tourteaux. À cela s’ajoute, une demande de la part des filières avicoles et porcines qui reste limitée par la baisse des cheptels.
À suivre : corridor maritime en Ukraine, restrictions d’importations dans l’est de l’Union européenne, prix du pétrole, situation économique mondiale, climat en Amérique du Nord (semis de blé de printemps, de maïs, de soja et de canola), en Europe (toutes cultures), évolution de la politique des biocarburants de l’Allemagne, conditions de croissance du maïs au Brésil.
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