Méthanisation : il faut sauver la cogénération
La baisse importante de la production d’électricité issue de la cogénération ces dernières années pousse la filière à chercher des perspectives d’évolution et ainsi trouver un second souffle.
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« On observe une évolution très forte de la filière de la méthanisation vers l’injection avec de moins en moins d’installations en cogénération », alerte Jean-Marc Onno, vice-président de l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF), lors d’une conférence au salon Bio360 Expo de Nantes, le 25 janvier 2024.
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La cogénération en perte de vitesse
Absence de coefficients adaptés, dégressivité des prix, inflation… La conséquence générale de l’évolution des contrats en cogénération est très simple. « Les sites qui se lancent actuellement sont confrontés à une baisse des prix allant de 35 % à 40 % par rapport aux tarifs en vigueur en 2016 », explique Jean-Marc Onno.
D’un point de vue économique, les méthaniseurs en cogénération ne sont plus viables et l’approche des quinze ans d’exploitation de certains sites ajoute un manque de visibilité sur l’avenir. « Je souhaite continuer mon activité mais que vaut mon site, quelle évolution j’ai à ma disposition et quelle contractualisation je peux avoir demain ? », témoigne le vice-président de l’AAMF.
Le développement de la cogénération se retrouve ainsi en perte de vitesse avec de moins en moins de projets dans la file d’attente des demandes de raccordement. Si les acteurs de la filière cherchent de nouvelles perspectives, ils sont également dans l’attente de mesures de soutien.
Davantage de mesures de soutien
L’arrêté du 6 octobre 2023 constitue un premier pas dans la mise en place de mesures de soutien à la filière. D’un côté, il apporte certains points positifs comme la simplification des procédures d’enregistrement ou l’intégration dans le tarif d’achat du biogaz issu des fosses d’effluents d’élevage.
En revanche, il ajoute aussi des contraintes pour les producteurs de cogénération tels que proratisation du nombre d’heures de fonctionnement de l’installation ou la suppression de l’annexe permettant de faire de la double valorisation cogénération et injection.
Cette première réponse reste toutefois insuffisante pour la filière qui souhaite :
- « Que les textes prévus en 2022 pour soutenir la filière soient enfin publiés ;
- Que le coefficient L, effectif pour l’injection, le soit également pour la cogénération, ce qui permettrait d’augmenter d’environ 12 % les tarifs ;
- Que les aides, et notamment celles de l’Ademe, puissent être autorisées pour les projets en cogénération ;
- Qu’il n’y ait pas de pénalité pour les agriculteurs souhaitant sortir de leur contrat en cogénération pour passer à un contrat en injection », détaille Luc Budin, délégué général du Club biogaz au sein de l’Association technique énergie environnement (ATEE).
Ces demandes, adressées au ministère de l’Agriculture et de la Transition énergétique, ont pour le moment obtenu des réponses partielles. Deux textes de soutien d’urgence ont été publiés récemment pour les contrats de type BG16 qui bénéficient d’une revalorisation ponctuelle des tarifs pour compenser l’inflation.
Vers une saisonnalité des tarifs de l’électricité
« On croit en la cogénération », souligne Jean-Marc Onno. C’est pourquoi les différents acteurs de la filière (AAMF, France Gaz Renouvelable, CER France…) travaillent de concert avec les instances publiques afin de trouver des solutions et de « sauver cette filière ». Ce travail doit déboucher sur la mise en place d’aides d’urgence et la création d’un nouveau contrat. Un contrat « BG24 » qui revaloriserait les prix de l’électricité payés au producteur par l’intégration des dispositifs existants en injection et qui s’appliquerait de manière rétroactive à l’ensemble des contrats avec un simple avenant.
En outre, le modèle économique de la cogénération, qui repose sur un tarif unique à l’année, doit évoluer vers des schémas beaucoup plus simples qui intégreraient la notion de saisonnalité, selon la filière. « En prenant par exemple le prix de base du photovoltaïque à 0,14 € rehaussé du prix lié à la valorisation des effluents d’élevage (6 ou 7 centimes d'euro) et en lui ajoutant 0,12 à 0,14 € supplémentaire, durant les six mois de l’année où il y a un besoin de chaleur et d’électricité, ceci permettrait un lissage du prix sur l’année aux alentours de 0,25 €, explique Jean-Marc Onno. La réponse serait alors beaucoup plus réaliste par rapport aux besoins des réseaux et des exploitations. » Un modèle qui semble être non seulement viable économiquement mais apporte également une réponse énergétique et environnementale.
Passer de la cogénération à l’injection
En complément de la production d’électricité, certains producteurs n’hésitent pas à valoriser la chaleur produite par la méthanisation. Un moyen de baisser les coûts de production et d’améliorer la rentabilité de l’installation tout en optimisant les synergies entre élevage et méthanisation. Une autre perspective envisagée par les producteurs en cogénération est le passage à l’injection de biométhane dans le réseau. Si pour certains producteurs, le raccordement au réseau de gaz n’est pas possible; pour d’autres, ce sont des freins réglementaires qui ne permettent pas de basculer vers l’injection de biométhane en tarif aidé.
Pour pallier notamment les obstacles de la résiliation anticipée ou du critère de nouveauté de l’arrêté tarifaire de biométhane (1), d’autres dispositifs d’aide émergent (CPB, BPA, loi Tiruert). « Quand on est aujourd’hui producteur de biogaz en cogénération, ces éléments sont à prendre en compte, en particulier si la situation des fins de contrats anticipés se débloque », indique Stéphanie Gandet, avocate chez Green Law Avocats.
Certains contrats offrent la possibilité de racheter le biogaz à un prix différent du tarif d’achat aidé, sur des durées plus ou moins longues et s’adapter ainsi aux besoins des agriculteurs pour donner une seconde vie à des méthaniseurs en cogénération. Pour Jean-Marc Onno, il est néanmoins important de sécuriser les producteurs car ces nouveaux contrats, à l’instar des CPB, sont des contrats de droit privé qui ne bénéficient pas de garantie de la part de l’État.
(1) Pour bénéficier d’un tarif aidé en biométhane, le contrat est soumis au respect de l’arrêté tarifaire du 10 juin 2023 qui comporte un critère de nouveauté des éléments principaux de l’installation.
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