« Le point de départ, c’est le prix »
Il y a dix ans, des éleveurs bovins isérois ont bâti un cahier des charges permettant de justifier un prix au-dessus du marché auprès des bouchers, GMS et collectivités.
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Pour un mangeur de viande bovine, savoir que l’animal a été élevé dans le pré d’à côté et abattu à moins d’une heure de route vaut mieux qu’un label. Alors l’association Éleveurs de saveurs iséroises met un point d’honneur à proposer à chaque client la bête née et élevée au plus proche de chez lui. Toutes sont tuées à Grenoble, emmenées par leur éleveur. Cette origine 100 % locale n’est pas la seule promesse. « Nous valorisons notre viande entre 0,35 et 0,80 €/kg de plus qu’en circuit standard parce que nous apportons des garanties », souligne Jean-Baptiste Villeton, éleveur de charolaises et de porcs à Chélieu. Président de l’association, il a participé à sa création.
Faire évoluer ses pratiques
En 2013, à la demande de bouchers voulant s’approvisionner localement, six éleveurs investis dans les syndicats de race limousine et charolaise ont travaillé avec la chambre d’agriculture sur une grille tarifaire, un cahier des charges et un schéma logistique. « Nous avons calculé le prix que nous voulions obtenir, et bâti un cahier des charges qui le justifie », retrace Clément Guillaud, éleveur de limousines et de volailles. Au moins sept mois de pâturage, 120 jours d’engraissement au minimum avec une ration sèche constituée d’aliments « nobles » sans OGM, diagnostic Boviwell du bien-être animal, certification HVE3 (1)... Loin de se contenter de formaliser l’existant, « ce cahier des charges nous a fait modifier nos pratiques, témoigne Jean-Baptiste Villeton. Des éleveurs ont dû renoncer, notamment de grosses structures qui voulaient garder une conduite simplifiée avec de l’ensilage. »
17 exploitations
Les 17 exploitations adhérentes ont en moyenne de 50 à 60 mères et un autre atelier : noix, porc, volaille, céréales… Nathalie Grosjean, qui gère en prestation le volet administratif et logistique – qui occupe un bon mi-temps, enchaîne : « Pour s’engager dans ce type de démarche, il faut aimer le travail collectif et s’intéresser à la commercialisation. Les éleveurs s’impliquent dans la recherche de débouchés, le transport vers l’abattoir, le lien avec les clients… Pour démarcher un nouveau client, un éleveur est systématiquement présent. Cela prend plus de temps que de vendre à un négociant ! »
Adapter constamment les débouchés
L’association n’hésite pas à refuser un marché trop peu rémunérateur. Mais elle se met en quatre pour satisfaire sa clientèle, qui s’est diversifiée en dix ans. Grâce à la volonté du département de relocaliser l’alimentation des collégiens, les cantines représentent désormais le premier débouché (51 bêtes sur les 123 écoulées en 2023), devant les GMS et boucheries traditionnelles. « L’abattoir de Grenoble, avec sa salle de découpe, nous permet de répondre à toutes les demandes de découpe et packaging : carcasses, pièces entières sous vide, quartiers, steaks hachés surgelés, bourguignon…, détaille Nathalie Grosjean. C’est précieux car de moins en moins de bouchers -en boucherie traditionnelle ou GMS- travaillent les carcasses entières. »
L’équilibre matière est un casse-tête car la demande a explosé pour les avants et steaks hachés. « Pour compenser la faible marge sur ces morceaux qui doivent rester abordables, il faut bien valoriser le reste, résume Jean-Baptiste Villeton. On a commencé à fournir des restaurants d’altitude, qui demandent des pièces nobles et ont une activité en phase avec celle des collèges. Mais nos débouchés sont remis en question en permanence. »
Bérengère Lafeuille
(1) Haute valeur environnementale de niveau 3.
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