Circuits courts Des produits laitiers pour une clientèle locale
Dans une vallée où il n’y avait que des producteurs de fromages de chèvre et de brebis, Kevin et Jonathan Astrou ont misé sur les vaches.
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Après trois kilomètres de piste en terre au milieu des châtaigniers, la vallée de la Lamanère s’élargit et la Fromagerie Mouly Benc apparaît, installée sur des terrasses au-dessus de la rivière. « Peu de clients viennent jusqu’ici. Pour commercialiser nos produits laitiers, nous avons misé dès le début sur les circuits courts, mais pas à la ferme », souligne Jonathan Astrou.
Jonathan et son frère Kevin se sont installés en 2012 dans ce mas isolé à Serralongue, dans les Pyrénées-Orientales, en entraînant leurs parents dans l’aventure. « Nous aimons ce coin de montagne, nous y venions souvent enfants », raconte Kevin, qui s’est lancé le premier dans un BPREA (1), avec le projet de s’installer. Son frère Jonathan s’y est intéressé à son tour. En 2009, ils ont trouvé ce vieux mas avec quelques hectares de prairies, des parcours et des bois. Pour l’acheter, leurs parents ont vendu leur maison au village. « Notre père, Jean-Claude, rêvait de devenir berger quand il était jeune. Il n’a pas hésité à laisser son activité de peintre en bâtiment et il envisage de développer ici une activité forestière », explique Jonathan.
Des problèmes juridiques ont retardé la vente. Elle n’a été signée que fin 2011. Ensuite, tout s’est enchaîné rapidement. « Durant ces deux ans, nous avons eu le temps de fignoler notre projet et de nous former à la transformation. Nous savions où nous allions », affirme Kevin. Avec l’aide de leur famille, les deux frères ont débroussaillé, clôturé les prairies et les parcours boisés, rénové le mas, puis construit la fromagerie et la stabulation, sans compter leurs heures de travail. Il a aussi fallu réaliser un forage pour avoir de l’eau et refaire la piste. « En tout, nous avons investi 200 000 €, financés par 80 000 € de subventions et des prêts jeune agriculteur », précise Jonathan.
En avril 2012, les frères ont créé le Gaec. En avril 2013, ils ont commencé à traire les six premières vaches et à transformer, puis à vendre sur les marchés. Le troupeau s’est agrandi progressivement, au fur et à mesure que Kevin et Jonathan trouvaient de nouvelles prairies en fermage, ou à vendre. La production a ainsi atteint 50 000 litres en 2015 et 60 000 litres en 2016.
Vente sur trois marchés
Les débouchés ont suivi sans problème. Aujourd’hui, trois marchés hebdomadaires locaux, très fréquentés durant toute l’année, assurent 95 % des ventes. « Il n’y avait que des fromagers en chèvre ou en brebis, raconte Jonathan. En arrivant avec des fromages de vache de qualité, nous avons fait vite notre place. » Les 5 % restants sont vendus à des épiceries, à des restaurateurs et à la boutique de producteurs Ma Coop à Céret.
Les jeunes éleveurs ont étoffé leur gamme pour répondre à la demande, ce qui a contribué au développement des ventes. Après la tomme, les fromages lactiques et le lait cru, ils ont lancé la fabrication de yaourts. « À la construction, nous avions prévu une salle, pécise Kevin. Nous l’avons équipée de deux pasteurisateurs et d’une étuve. » Désormais, ils produisent 800 à 1 000 yaourts par semaine. La gamme compte aussi des faisselles, de la brousse et une pâte molle. « Il en faut pour tous les goûts. Nous avons ainsi augmenté le panier moyen, qui est de 7 à 8 euros. ».
Pour caler leurs tarifs, les frères ont pris en compte leurs coûts, élevés dans cette zone de montagne sèche. Leurs prix, inférieurs à ceux des fromages de chèvre ou de brebis vendus sur les mêmes marchés, restent accessibles, tout en permettant de dégager une marge. « En 2013 et 2014, nous avons tout réinvesti dans l’exploitation et vécu grâce à nos deux dotations jeune agriculteur de 24 000 €. Depuis 2015, nous arrivons à prélever chacun 1 500 € par mois », précise Kevin.
Il leur reste à trouver comment alléger le travail très intensif. « Cet été, nous avons embauché à mi-temps notre mère, Marie, pour nous aider à la fromagerie. Nous sommes passés en monotraite pour supprimer l’astreinte du soir et avoir le temps de faire les foins. » En monotraite, la production de lait a baissé. Mais avec plus de prairies, les frères pourraient élever quelques vaches en plus, pour compenser. « Nous y réfléchissons. Nous voulons trouver un meilleur équilibre pour dégager du temps pour la vie de famille », affirment-ils.
Frédérique Ehrhard(1) Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole.
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