Circuits courts Quitter la ville pour faire des fromages
Emma Bonnet est revenue sur l’exploitation familiale. Pour élever sa fille à la campagne et transformer le lait de chèvre produit par ses parents.
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La route serpente vers le marais poitevin. Une chèvre de bois fichée dans l’herbe du bas-côté indique une halte pour les randonneurs et les cyclistes sur la route des fromages de chèvre. En contrebas, le Gaec des Roches abrite des chèvres saanen et des vaches limousines. Le cœur de l’activité tourne autour du lait de chèvre. L’arrivée d’Emma aux côtés de ses parents, Françoise et François Bonnet, en 2011, a renforcé cet état de fait. Avec son installation sont venus quelques droits supplémentaires en vaches allaitantes. Et, surtout, une fromagerie, posée au fond de la cour de ferme. Puis, un magasin et une remorque vitrine pour parcourir les marchés à une trentaine de kilomètres à la ronde.
Emma Bonnet a d’abord obtenu une licence d’anglais et travaillé dans différentes entreprises, où elle gagnait sa vie plus que correctement. « Mais je me suis rendu compte que je n’évoluerais pas. Et je ne sais pas élever un enfant en ville. Ma fille était encore petite, j’ai décidé d’aller faire du fromage », lance-t-elle. La jeune femme a utilisé les droits à la formation qu’elle avait accumulés pour faire un BPREA (1), a refusé le CDI que lui proposait son employeur et a rejoint ses parents à Saint-Hilaire-la-Palud, en Deux-Sèvres. « Je voulais aller au bout du produit, faire du fromage et le vendre, pour voir des gens », ajoute-t-elle.
L’investissement dans la fromagerie s’est chiffré à 120 000 €. Équipée d’un système de refroidissement du lait, d’un séchoir et d’un hâloir, elle s’étend sur 100 m², auxquels s’ajoutent 20 m² de magasin. « La première année, c’était trop grand, confie-t-elle. Mais très vite, tout l’espace a été occupé. » D’autres équipements ont été achetés après coup, comme un lave-batterie de 4 500 €, qui divise par cinq la consommation d’eau nécessaire au lavage des moules et ustensiles. « Il a été très vite amorti, parce qu’il permet de gagner du temps », dit-elle.
Emma transforme aujourd’hui 60 000 litres sur les 220 000 que produit l’exploitation. Une bûche de chèvre nécessite 2 litres de lait, une « pigouille » 1,2 l, un Mothais 1,5 l. Au total, la productrice propose sept fromages différents, dont trois sont nature ou cendrés, plus du chèvre frais aux aromates. Cette année, elle se lance dans la tomme de chèvre, un fromage à pâte pressée : « Il faut toujours proposer de nouveaux produits, étendre la gamme. Ça suscite la curiosité des clients. Plus il y a de formes de fromages, plus je vends. »
À l’initiative d’un nouveau marché
L’exploitation fait travailler neuf personnes : les trois associés, cinq salariés en CDI, pour qui les horaires varient en fonction des emplois qu’ils occupent par ailleurs, et une apprentie. Emma passe l’essentiel de son temps dans la fromagerie, mais elle est aussi présente sur les marchés, réalise les ventes à la ferme et livre des restaurateurs, des comités d’entreprise à Niort et à La Rochelle, et une ou deux grandes surfaces, avec lesquelles elle traite en direct.
Le magasin à la ferme, ouvert seulement deux fois par semaine, en fin de journée, représente 20 % des ventes. Emma a même été à l’initiative du nouveau marché dans sa commune. Seule, au départ, à ouvrir son étal les dimanches matin, elle a attiré autour d’elle une dizaine d’autres producteurs. Et si Saint-Hilaire-la-Palud ne compte que 1 600 habitants, ce petit marché connaît un véritable succès. C’est ici qu’elle réalise ses meilleures ventes.
Les cultures de l’exploitation sont déjà en bio, les chèvres vont y passer à leur tour cette année. Leur alimentation est basée sur l’affouragement en vert, certes bio, mais le cahier des charges exige aussi que les animaux passent du temps en extérieur. Cependant, la disposition du parcellaire se prête mal au pâturage et Emma craint les parasites, auxquelles les chèvres sont très sensibles. Avec le bio, elle sait qu’elle pourra conquérir de nouveaux clients. Pas tant pour ses ventes à la ferme ou sur les marchés, qui ont déjà leurs fidèles et inconditionnels, mais auprès des comités d’entreprise ou des magasins bio. Quant au lait livré à la laiterie, il devrait être payé 200 € de plus pour 1 000 l.
Myriam Guillemaud(1) Brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole.
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