Circuits courts Du porc en dépit des obstacles
Les procédures judiciaires n’ont pas détourné la famille Bigot du porc. Une activité de transformation et de vente est lancée avec l’installation de Laura.
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En Saône-et-Loire, un département où le porc a quasiment disparu, la famille Bigot s’accroche à cette production, mise en place en 1956. Les obstacles n’ont pourtant pas manqué. Le projet de construction d’un bâtiment d’engraissement de 1 200 places, bien qu’à 1 000 mètres du village de Saint-Gervais-en-Vallière, a suscité une opposition virulente en 2004.
« Nous avons passé les sept années suivantes au tribunal », résume Pierre Bigot, associé depuis l’an passé avec sa fille, Laura, au sein de l’EARL Agriporc. Evelyne, son épouse, est salariée de la société. Le dossier est monté jusqu’au Conseil d’État. Les autorisations d’exploiter accordées ont été retirées. Un permis de construire a été cassé, car la hauteur finale des arbres qui allaient être plantés autour de la porcherie n’avait pas été indiquée.
100 000 € de frais de procédures
« Cette affaire nous a pourri la vie, déplore l’éleveur. Elle aurait pu faire sombrer deux exploitations : la nôtre et celle de mon frère, avec lequel nous gérons l’atelier porcin au sein de l’EARL Lactoporc. Heureusement, nous avions de très bonnes relations avec les habitants de notre village (450 personnes). » Les agriculteurs ont finalement gagné. Mais à quel prix ! L’affaire leur a coûté 100 000 € : 35 000 € en frais d’avocat et le solde pour deux enquêtes publiques. Aujourd’hui, cette trésorerie manque, alors que les prix du porc, basés sur le cadran breton, sont bas. Les 3 000 porcs charcutiers engraissés chaque année sont vendus à un groupement de producteurs à un poids de 90 kg de carcasse et à un prix basé sur les cours du cadran breton + 20 centimes d’euro/kg de carcasse, soit un montant qui oscille ces dernières années entre 1,37 et 1,75 €/kg (en 2017).
Trois cochons par semaine
Pour autant, ce long procès n’a pas découragé Laura, 25 ans. Au contraire. « Outre la passion, ouvrir début mars notre magasin à la ferme prouve que nous sommes encore là », avance la jeune femme. Celle-ci s’installe avec un projet de transformation et de vente directe de trois cochons par semaine. Les porcs lourds engraissés sur paille sans OGM ni antibiotique seront abattus à Beaune (distant de 16 km) et découpés sur place. Dans la continuité d’une agriculture raisonnée pratiquée par ses parents, Laura proposera des produits sans colorant ni conservateur chimique : « Comme dans une charcuterie, les clients pourront aussi bien acheter deux côtelettes, trois saucissons, qu’une longe ou une demi-carcasse. Des colis de 5 kg, à la composition un peu différente l’été et l’hiver, seront proposés. »
Implanté au cœur du petit hameau de Chaublanc, tout près de la maison familiale, le magasin sera ouvert du mercredi au vendredi, de 17 h à 19 h, ainsi que le samedi matin, de 8 h à 12 h. Des circuits de livraison seront mis en place dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres. Les commandes seront prises par mail ou téléphone. La mauvaise qualité de la connexion ne permet pas pour l’instant de travailler à partir d’un site internet. Les cantines scolaires via la plate-forme Agrilocal seront également démarchées.
La démarche de financement participatif va contribuer à lancer le réseau commercial (lire l’encadré). « Elle nous a fait connaître des journalistes locaux qui sont prêts à annoncer l’ouverture du magasin. Une association de consommateurs de Beaune est venue nous voir. Beaucoup de gens nous ont demandé à plusieurs reprises quand nous allions ouvrir. Nous sommes attendus. Ça donne envie d’y croire », témoigne Laura.
Une solide formation
Intéressée par la production porcine depuis toute petite, Laura s’est passionnée pour la transformation au fil des stages effectués dans le cadre de ses formations : Bac S, BTSA Productions animales par apprentissage et certificat de spécialisation produits fermiers par apprentissage. Elle prépare son projet d’installation depuis juin 2016. « Je voulais prendre mon temps pour étudier le laboratoire, faire des devis, comparer les prix des fournisseurs. Les expériences accumulées les années précédentes ont été précieuses. Elles m’éviteront certaines erreurs. » Méthodique et lucide, Laura a mis tous les atouts de son côté.
Anne BréhierPour accéder à l'ensembles nos offres :