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La chronique de Bernard Peignot Priorité à la défense de la cause animale

La défense de la cause animale est un débat de société qui occupe depuis quelques années les prétoires.

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L’histoire

Une association dénonçant l’exploitation intensive des animaux ainsi que les méthodes de production industrielle de viande et d’œufs, s’était introduite dans la porcherie exploitée par Julien, sans son autorisation, pour y tourner un film. Quelques jours plus tard, elle l'avait mis en ligne sur son site et sur les réseaux sociaux. 

Le contentieux

Julien avait assigné l’association devant le juge des référés afin d’obtenir la saisie du film, l’interdiction de son utilisation et une provision à valoir sur la réparation de son préjudice. Selon l’article 809 du code de procédure civile, le président du tribunal de grande instance, même en présence d’une contestation sérieuse, peut prendre en référé les mesures qui s’imposent pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Julien avait-il subi un tel trouble ? Assurément, car en s’introduisant, en filmant et en diffusant ses images, l’association avait porté une atteinte grave au droit de propriété de Julien. Un droit qui est protégé par la Convention européenne des droits de l’homme. Aussi, le juge des référés devait-il ordonner la saisie du film.

"L'association s'était introduite dans la porcherie sans l'autorisation de l'éleveur pour y tourner un film"

Mais l’association avait sorti la grosse artillerie, tirée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Entre deux droits protégés, le juge national doit toujours procéder à une mise en balance des intérêts en présence afin de rechercher un équilibre entre les droits en concours et, le cas échéant, privilégier la solution la plus protectrice de l’intérêt légitime.

Bien plus, les restrictions à la liberté d’expression doivent répondre à un besoin social impérieux, en particulier lorsqu’elles concernent un sujet d’intérêt général, tel que la protection des animaux. Pour l’association, son droit à la liberté d’expression devait être protégé. Aussi la demande de Julien devait-elle être écartée selon elle.

Cette thèse n’avait pas convaincu le juge. Il avait accueilli la demande de Julien en affirmant que la liberté d’expression ne peut, à l’évidence, être opposée au droit de propriété de l’exploitant. Et il n’avait pas à rechercher un équilibre entre le droit de propriété et le droit d’informer, ni à vérifier le caractère proportionné des moyens utilisés pour l’information du public, dès lors que l’association avait pénétré dans les locaux de Julien sans y être autorisée.

Mais cette motivation a été censurée par la Cour suprême. Il appartenait au juge des référés d’opérer un contrôle de proportionnalité entre la sauvegarde du droit de propriété de Julien et la protection du droit à la liberté d’expression de l’association.

L’épilogue

La censure prononcée par la Cour de cassation semble cautionner une mesure bien discutable. Julien pourra demander réparation à l’association devant le tribunal judiciaire. La jurisprudence nationale n’hésite pas à sanctionner les associations qui prétendent défendre la cause animale tout en bafouant ouvertement les droits de propriété et de protection de la vie privée des exploitants.

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