La chronique de Bernard Peignot L’unanimité concernait tous les associés
En société, certaines décisions nécessitent l’accord de tous les associés et pas seulement les présents et représentés.
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L’histoire
Estelle était associée du groupement foncier agricole Le bel Epi. En raison de difficultés financières rencontrées par le GFA, une ordonnance du juge civil avait désigné un administrateur avec pour mission de gérer et d’administrer le groupement. Le 24 juillet 2018, l’assemblée générale du GFA avait adopté des résolutions portant sur l’approbation des comptes des deux derniers exercices, sur le quitus donné au gérant et à l’administrateur, et sur l’affectation des résultats.
Le contentieux
Estelle, qui n’avait pas apprécié les conditions dans lesquelles les résolutions avaient été adoptées, avait assigné le GFA, représenté par son administrateur, en annulation de l’assemblée.
La question posée aux juges était de savoir comment apprécier la clause des statuts qui précisait que « toutes décisions qui excèdent les pouvoirs de gestion sont prises à l’unanimité des voix attachées aux parts créées par la société, chaque part donnant droit à une voix ».
Comme Estelle avait visé l’article 1852 du code civil, il peut être utile d’en rappeler les termes : « Les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés ». Et la jurisprudence admet qu’est nulle une décision du gérant contraire aux statuts qui n’a pas été autorisée à l’unanimité des associés.
Mais comment apprécier la notion d’unanimité telle qu’elle est prévue par la clause des statuts ?
Devait-on admettre, comme le soutenait l’administrateur du GFA, que l’unanimité des associés nécessaire à la prise des décisions excédant les pouvoirs du gérant désigne les associés présents ou représentés lors de l’assemblée générale ? Ou bien fallait-il considérer que l’unanimité des associés prévue dans les statuts visait la totalité des associés de la société ?
« L’assemblée générale avait adopté des résolutions portant sur l’approbation des comptes »
Les juges avaient tranché en faveur de cette dernière interprétation. La clause des statuts, stipulant que toutes décisions excédant les pouvoirs de gestion sont prises à l’unanimité des voix attachées aux parts créées par la société, imposait l’unanimité des voix attachées à ces parts et non l’unanimité des voix des seuls associés présents à l’assemblée générale.
Aussi, ayant constaté que les résolutions approuvées par l’assemblée générale n’avaient pas été prises à l’unanimité des voix de l’ensemble des associés, les juges avaient annulé l’assemblée générale.
Et le pourvoi en cassation du GFA, représenté par son administrateur, a été rejeté. L’article 1852 du code civil, qui vise l’unanimité des associés pour le vote des décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants, ne restreint pas l’unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société.
L’épilogue
À notre connaissance, c’est la première fois que la Cour de cassation définit la notion d’unanimité des associés. La solution repose sur la conception selon laquelle l’unanimité exigée par la loi est l’expression d’un consentement individuel des associés, pris en leur qualité d’associés, et non un mode particulier de scrutin lors des décisions collectives. Mais la solution n’est-elle pas trop rigoureuse, dans la mesure où elle peut conduire à des situations de blocages lorsque les associés sont nombreux ?
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