Un acompte loin du compte
Le paiement d’un acompte de fermage ne permet pas d’éviter la résiliation du bail lorsque plusieurs échéances restent impayées.
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L’histoire
Adèle avait pris à bail des parcelles appartenant à Philippe, situées au cœur de l’Aubrac. Elle y faisait paître son cheptel de bovins destinés à l’embouche. Depuis quelques années, en raison de la chute des cours de la viande, Adèle avait du mal à s’acquitter des échéances de fermage. Philippe, qui souhaitait résilier le bail pour reconvertir les parcelles, avait alors saisi l’occasion pour adresser à Adèle, le 11 août 2016, une mise en demeure de payer quatre échéances de fermage des années 2015 et 2016. La trésorerie de l’exploitation étant au plus bas, Adèle n’avait pu l’honorer.
Le contentieux
Philippe avait alors saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail. Il s’était fondé sur l’article L. 411-31 du code rural, qui permet au bailleur de demander la résiliation du bail s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. En principe, deux mises en demeure sont donc nécessaires pour entraîner cette résiliation. Mais l’avocat de Philippe avait invoqué une jurisprudence qui avait admis, lorsque plusieurs échéances étaient réclamées en même temps, qu’elles pouvaient l’être au sein d’une même mise en demeure. Aussi, pour le bailleur, la résiliation du bail devait être encourue. La mise en demeure du 11 août 2016 visait quatre échéances de fermage des années 2015 et 2016. C’était largement suffisant selon lui et il n’était pas nécessaire d’attendre trois mois supplémentaires pour adresser à Adèle une seconde mise en demeure.
Mais cette dernière n’entendait pas subir la sanction sans réagir. D’une part, elle avait trouvé sur le site de LegiFrance un arrêt, certes ancien, qui avait sanctionné une cour d’appel pour avoir admis la résiliation du bail sans avoir constaté que deux mises en demeure avaient bien été adressées au preneur. Aussi, pour Adèle, la signification par Philippe d’une seule mise en demeure était insuffisante. De plus, quelques semaines après que Philippe eût saisi le tribunal, elle avait versé un acompte substantiel du montant dû.
Ni le tribunal ni la cour d’appel n’avaient fait preuve de mansuétude pour Adèle. Les deux défauts de paiement du fermage, exposant le preneur à une résiliation du bail, pouvaient, selon eux, être constitués par le défaut de paiement d’au moins deux échéances réclamées dans une seule mise en demeure régulière en la forme. D’autre part, ils avaient également considéré que le paiement de l’acompte n’était intervenu que postérieurement à l’introduction de l’instance. La défaillance d’Adèle était caractérisée pour les juges et la résiliation du bail encourue. Une solution confirmée ensuite par la Cour de cassation.
L’épilogue
La sanction est particulièrement lourde pour Adèle, qui devra quitter la ferme et céder son cheptel. Pourquoi n’a-t-elle pas sollicité l’ouverture d’une procédure de règlement amiable, afin de bénéficier de la suspension des poursuites visée à l’article L. 351- 5 du code rural ? L’histoire ne le dit pas… Il s’agit pourtant d’une démarche de nature à permettre à l’exploitation qui rencontre des difficultés passagères de se redresser.
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