Seul ou en société, il faut choisir
Il incombe au bailleur, lors de la délivrance du congé dont il est l’auteur, d’avoir défini le mode d’exploitation des terres et d’en informer loyalement le preneur évincé.
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L’histoire
L’imprécision concernant les conditions de la reprise par le bailleur peut conduire à de sérieuses déconvenues. Laure en a fait la triste expérience. Propriétaire d’une exploitation en polyculture-élevage, elle l’avait donnée à bail à Christophe. Son petit-fils, Olivier, lui ayant fait part de son souhait d’exercer le métier d’agriculteur, Laure avait alors donné congé à Christophe aux fins de reprise en vue de l’installer sur la ferme. Ce dernier, qui ne pouvait accepter d’être ainsi évincé, avait contesté le congé.
Le contentieux
Le fermier avait fait valoir qu’Olivier ne remplissait pas toutes les conditions de la reprise exigées par l’article L. 411-59 du code rural. Laure, la bailleresse, avait entretenu le flou sur le mode d’exploitation et les modalités de détention par Olivier du matériel nécessaire à la mise en valeur des parcelles reprises. Elle avait indiqué aux juges que son petit-fils utiliserait les équipements de la SCEA familiale, dans laquelle il était associé. Mais en cours de procédure, elle s’était ravisée et avait déclaré qu’il acquerrait le matériel dans le cadre de sa structure individuelle. Une telle imprécision sur la forme individuelle ou sociétaire dans laquelle la reprise devait être exercée, était de nature, selon Christophe, à l’induire en erreur. L’avocat de ce dernier avait d’ailleurs invoqué une jurisprudence qui précise que, lorsque le bien objet de la reprise est destiné à être exploité par mise à disposition à une société, le congé doit, à peine de nullité, mentionner cette circonstance.
Pour Laure, l’argumentation de Christophe n’était pas recevable. Il n’y avait aucune équivoque sur le projet d’exploitation personnelle d’Olivier, qui disposait de la compétence professionnelle et des moyens financiers pour acquérir les machines nécessaires.
Les juges avaient donné raison à la propriétaire et écarté la contestation du congé. Laure avait évoqué, dans un premier temps, l’utilisation du matériel de la société familiale exploitant d’autres terres, avant d’opter pour un projet d’achat indépendant, mais rien ne permettait d’affirmer qu’Olivier n’exploiterait pas personnellement comme il s’y était engagé dans le congé.
La Cour de cassation a accueilli le pourvoi de Christophe. Puisqu’elle avait constaté qu’Olivier avait, au départ, envisagé d’utiliser le matériel d’une société dont il était l’associé exploitant, et que Laure avait modifié, au cours de l’instance, la présentation du régime de la reprise, la cour d’appel aurait dû en tirer les conséquences en annulant le congé trop imprécis sur les modalités de la reprise.
L’épilogue
Il appartiendra à la cour de renvoi de vérifier l’adéquation entre les mentions du congé et le mode de mise en valeur (individuel ou sociétaire) des biens repris. L’éviction du preneur est une opération grave de nature à le priver de son outil de travail. Aussi, est-il légitime que le bailleur l’informe de manière loyale quant au mode d’exploitation envisagé, afin qu’il puisse réagir en pleine connaissance de cause.
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