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Indivision : qu’importe le tout pourvu qu’on ait les deux tiers

La demande de résiliation d’un bail rural ne nécessite pas l’accord de toute l’indivision, à condition qu’elle soit portée par un ou plusieurs membres titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis.

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L’histoire. La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions a simplifié la gestion des biens indivis. Si la conclusion d’un bail rural nécessite toujours l’accord de tous les membres de l’indivision, la demande de résiliation peut être formée par ceux détenant au moins deux tiers des droits indivis. L’histoire illustre ce principe. Des propriétaires avaient donné à bail à Martial un ensemble de parcelles d’herbage dans le Cotentin. Quelques années plus tard, ces indivisaires l’avaient assigné devant le tribunal paritaire des baux ruraux en résiliation du bail. Ils lui reprochaient de ne pas avoir réglé plusieurs fois le fermage.

LE CONTENTIEUX. Martial entendait bien poursuivre son bail. Devant le tribunal, il avait porté la discussion sur le terrain de la procédure. La saisine du tribunal était irrégulière selon lui. Sur les six indivisaires qui avaient formé la demande de résiliation, deux étaient décédés et deux autres étaient des majeurs protégés qui avaient agi sans être régulièrement représentés par leur tuteur. Les deux derniers indivisaires, vivants et capables, ne pouvaient, à eux seuls, poursuivre la résiliation du bail.

Loin de s’avouer vaincus, les indivisaires avaient invoqué l’article 121 du code de procédure civile. Celui-ci précise que « dans les cas où elle est susceptible d’être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Pour eux, il n’y avait alors aucun doute sur la régularité de la procédure. Les ayants droit des indivisaires décédés étaient intervenus en cours de procédure et, dans le même temps, le tuteur des indivisaires protégés s’était également associé à la demande. Séduit par leur argumentaire, le tribunal avait écarté l’exception de nullité soulevée par Martial. La cour d’appel avait ensuite confirmé la solution. Les ayants droit des défunts et le représentant des majeurs protégés étaient intervenus à l’instance, et s’étaient donc associés à la demande de résiliation valablement formée par une partie des membres de l’indivision. Aussi, la demande de résiliation était soutenue par tous les indivisaires au jour où le juge avait statué.

Mais cette solution était-elle justifiée au regard de la règle de majorité des deux tiers posée par l’article 815-3 du code civil ? La Cour de cassation a répondu par la négative en relevant une double erreur commise par les juges du fond. Ils ne pouvaient tenir compte de l’assignation délivrée au nom des indivisaires décédés, qui ne pouvait être couverte en cours d’instance. Ils n’avaient pas non plus constaté que le représentant des indivisaires protégés et les deux indivisaires capables étaient titulaires d’au moins deux tiers des droits indivis. La censure s’est imposée.

L’éPILOGUE. La cour de renvoi devra apprécier si les propriétaires indivis, capables ou représentés par leur tuteur, détiennent ensemble les deux tiers des droits indivis, exigés par l’article 815-3 du code civil. S’ils ont des droits égaux, la demande formée par quatre d’entre eux sera recevable. Le bail pourra alors être résilié si les raisons invoquées par Martial ne sont pas sérieuses et légitimes.

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