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Quand l’huissier se transforme en enquêteur

Si l’huissier ne peut remettre son acte en mains propres, il pourra le remettre au domicile du destinataire. Il doit néanmoins vérifier au préalable que ce dernier demeure bien à l’adresse indiquée.

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L’histoire. Étienne avait donné à bail à Félix un petit domaine agricole dans le département du Gers. Ce dernier y élevait des canards gras avec passion depuis près de vingt ans. Mais depuis une altercation entre les parties, Étienne voulait vendre l’exploitation à son voisin qui souhaitait s’agrandir. Respectant le droit de préemption, il avait notifié une offre de vente à son fermier. Félix l’avait acceptée sous réserve de l’obtention d’un prêt destiné à financer l’achat. Le prêt n’ayant pas été accordé, Étienne avait réitéré son intention de vendre à de nouvelles conditions, signifiées par un acte d’huissier de justice au domicile de Félix. En son absence, un avis de passage avait été glissé dans sa boîte aux lettres. Félix ne s’étant pas manifesté par la suite, la vente avait été régularisée trois mois plus tard chez un notaire au profit du voisin d’Étienne.

LE CONTENTIEUX. Ayant eu connaissance de la vente, Félix avait demandé au tribunal paritaire des baux ruraux d’en prononcer la nullité pour méconnaissance de son droit de préemption. Certes, Félix avait été absent le jour du passage de l’huissier de justice et avait tardé à se présenter à l’étude pour se faire remettre la copie de l’acte, mais il pensait tenir un bon argument pour se rattraper. L’article 656 du code de procédure civile précise que si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l’acte et s’il résulte des vérifications faites par l’huissier de justice que le destinataire demeure bien à l’adresse indiquée, la signification est faite à domicile.

Sur la base de cette règle, Félix avait invoqué une jurisprudence précisant que l’huissier doit mentionner sur l’acte qu’il a procédé à ces vérifications à travers des investigations concrètes, une simple formule de style étant inopérante à cet égard. Or le document délivré à notre éleveur de canards se bornait à faire état de son absence momentanée du domicile. Il ne constatait aucune diligence préalable de l’huissier pour lui remettre l’acte en personne.

Étienne avait expliqué que l’absence de Félix suffisait à justifier que la signification ne fût pas faite à personne, mais à son domicile.

Les juges lui ont donné raison. L’huissier de justice avait mentionné l’absence momentanée de Félix dans l’acte notifiant les conditions de la vente et avait procédé à la vérification de la réalité de son domicile en interrogeant le voisinage. Aussi avait-il pu signifier l’acte au domicile de Félix, en lui laissant un avis de passage et en lui adressant une copie de l’acte par lettre. L’original étant à sa disposition à l’étude. La signification était bien valable et avait fait courir le délai de deux mois ouvert à Félix pour exercer son droit de préemption.

L’ÉPILOGUE. Le droit de préemption est une prérogative accordée au preneur en place. Il lui permet d’acquérir le fonds qu’il exploite lorsque le propriétaire décide de l’aliéner. Encore faut-il que le preneur respecte le formalisme et le délai qui sont prévus par le statut du fermage. Faute d’avoir tenu compte de la signification faite à son domicile, Félix pourra poursuivre son bail, mais avec la menace d’un congé délivré par son nouveau bailleur.

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