Quand le bailleur voulait le beurre et l’argent du beurre
Le bailleur ne peut exiger la prise en compte des travaux d’amélioration du fermier dans le loyer du bail renouvelé.
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L’HISTOIRE. Jean avait consenti à Jacques un bail sur un domaine constitué d’un corps de ferme et d’un ensemble de parcelles d’herbage. Comme les bâtiments étaient vétustes, Jacques avait obtenu l’accord de Jean pour y réaliser, à ses frais, des travaux de modernisation et de mise aux normes. Améliorer le confort n’était pas un luxe !
Mais à l’heure du renouvellement du bail, Jean et Jacques n’avaient pas réussi à s’entendre sur la fixation du loyer. Le propriétaire avait proposé de l’augmenter pour tenir compte des améliorations réalisées sur le bâtiment de la ferme. Jean avait refusé. C’est lui qui avait financé les travaux. À ce titre, il avait demandé le paiement d’une indemnité au prétexte des améliorations qu’il avait apportées.
LE CONTENTIEUX. En l’absence d’accord entre les parties, il appartenait au tribunal de fixer le prix et de statuer sur les conditions du nouveau bail. La tâche était d’autant plus difficile pour les juges que chacune des parties invoquait des arguments convaincants.
Jean avançait l’article L. 411-50 du code rural. Celui-ci précise que le bail renouvelé constitue un nouveau contrat distinct du bail précédent. Il s’appuyait également sur une jurisprudence de la Cour de cassation rendue en matière de bail commercial, mais parfaitement transposable dans le cadre d’un bail rural. Les magistrats avaient jugé que le bail renouvelé étant un nouveau contrat, le bailleur pouvait, lors du renouvellement, solliciter la prise en compte des modifications intervenues dans les biens loués pour fixer le nouveau loyer.
Par ailleurs, Jean avait fait valoir qu’il était devenu propriétaire des améliorations effectuées par son fermier au jour du renouvellement. Elles devaient alors être prises en compte, selon lui, à cette même date, pour la détermination du montant du fermage.
Jacques ne pouvait accepter cette prétention. Elle était contraire, selon lui, au statut du fermage. Celui-ci dispose que l’indemnisation des améliorations doit être appréciée en fin de bail. Elles ne sauraient être prises en considération pour la fixation du prix du bail renouvelé.
Alors, en présence de ces deux thèses inconciliables, que décider ? Le tribunal avait donné raison à Jacques, mais sa décision avait été infirmée par la cour d’appel. Elle avait ordonné une expertise afin de proposer une valeur locative en tenant compte des améliorations. Pour Jacques, la solution retenue était inique. Il a décidé de porter le débat devant la Cour de cassation, qui lui a donné raison. Elle a cassé l’arrêt d’appel tout en affirmant, haut et fort, que « les améliorations apportées au fonds loué ne peuvent être indemnisées qu’à la fin de la relation contractuelle ».
L’ÉPILOGUE. Devant la cour de renvoi, Jacques ne pourra pas obtenir l’indemnisation des améliorations réalisées au cours du bail. Il devra attendre la fin de la relation contractuelle et, par voie de conséquence, la fin de la période d’amortissement. Au moins n’aura-t-il pas à supporter une majoration du fermage du fait de ces améliorations. Comment aurait-il pu être pénalisé pour avoir réalisé, à ses frais, des travaux de modernisation ?
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