La convention d’occupation n’était pas précaire
Une convention d’occupation précaire ne peut échapper au statut du fermage que si les parties ont intégré, dans leurs prévisions, un projet concret de changement de destination des parcelles.
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L’HISTOIRE. La commune de Saint-Martin avait acquis plusieurs parcelles agricoles, en vue de réaliser un lotissement à caractère social. Dans l’attente de la mise en œuvre du projet, elle avait mis les parcelles à la disposition de Matthieu, qui les exploitait dans le cadre de conventions d’occupation précaire, d’une durée d’un an, renouvelées chaque année.
En 2010, le conseil municipal avait obtenu du préfet la validation de la nouvelle carte communale transformant les parcelles en terrain constructible. La dernière convention étant venue à échéance, la commune avait démarré les travaux et mis Matthieu en demeure de quitter les parcelles.
LE CONTENTIEUX. Matthieu n’avait pas l’intention d’abandonner les terres. Il a alors saisi tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance d’un bail rural. Devant les juges, il a invoqué l’article L. 411-1 du code rural disposant que toute mise à disposition à titre onéreux d’un immeuble à usage agricole en vue de l’exploiter pour y exercer une activité agricole relève du statut du fermage, lequel est d’ordre public. Or, Matthieu exploitait les parcelles mises à sa disposition par la commune dans le cadre de conventions d’occupation précaire renouvelées annuellement pendant huit ans. Ce renouvellement, jamais remis en cause pendant cette période, devait lui permettre de revendiquer la protection du statut du fermage. Mais la commune a rappelé que ces conventions avaient été passées en application de l’article L. 411-2 3° du code rural. Celui-ci précise que le statut du fermage n’est pas applicable aux conventions d’occupation précaire tendant à l’exploitation temporaire d’un bien dont la destination agricole doit être changée. En l’espèce, les conventions mentionnaient expressément le caractère précaire de la mise à disposition, compte tenu du projet de lotissement envisagé par le conseil municipal. Matthieu ne pouvait donc pas ignorer que la commune avait, dès la conclusion de la première convention, l’intention de changer la destination des parcelles.
Les juges ont suivi ce raisonnement. La commune avait bien acquis les terrains agricoles en vue de la réalisation d’un lotissement. Leur destination avait ensuite effectivement changé à la suite de l’approbation par le préfet de la carte communale.
La Cour suprême a censuré la cour d’appel qui avait tranché en faveur de la commune. Les juges du fond auraient dû rechercher si les parties avaient intégré, dans leurs prévisions, un projet concret de changement de destination des parcelles de nature à justifier la renonciation par Matthieu aux dispositions du statut du fermage.
L’ÉPILOGUE. Devant la cour de renvoi, Matthieu pourra faire valoir qu’en cas de modification de la destination des parcelles, le statut du fermage ne peut être dérogé que lorsque ce changement a été clairement identifié dans la convention d’occupation précaire. Ce qui n’était pas le cas de celles consenties à Matthieu. Il pourra ainsi solliciter leur requalification en bail rural.
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