Le bail exécuté par les parties n’était pas nul
L’exception de nullité d’un acte juridique ne peut être soulevée que si celui-ci n’a pas encore été exécuté. Il n’importe pas que la nullité soit absolue ou relative.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
L’HISTOIRE. Pierre habitait depuis de nombreuses années un coquet appartement avec une vue imprenable sur les falaises d’Arromanches. Il le louait à une indivision familiale constituée entre Jean et ses frères et ne pensait pas le quitter avant longtemps.
Aussi Pierre avait-il été pour le moins surpris de recevoir un congé motivé par la vente de l’appartement. Quelques semaines plus tard, il avait été d’autant plus déconcerté de se voir adresser une assignation en validation de ce congé avec obligation de quitter les lieux dans les six mois. Pierre n’entendait pas se laisser faire. Pour lui, le congé était nul car le bail n’avait aucune existence.
LE CONTENTIEUX. Devant le tribunal, appelé à apprécier la validité du congé, il avait invoqué l’article 1108 du code civil (1) disposant que la validité d’une convention est subordonnée à la capacité des parties de contracter. Aussi, pour donner valablement son consentement à un contrat, il est nécessaire d’être une personne physique ou morale.
Or le bail de Pierre n’avait pas été signé par chaque frère, mais au nom de l’indivision, représentée par Jean, sans mandat spécial. Cette indivision, dépourvue de personnalité juridique, n’avait donc pu valablement conclure le bail.
Par conséquent, pour Pierre, le bail, qui n’avait aucune existence, était nul. Ce qui entraînait la nullité du congé. L’argument paraissait imparable. Pourtant, les propriétaires indivis avaient, pour leur défense, invoqué une jurisprudence de la Cour de cassation (2). Celle-ci précisait que l’exception de nullité n’est pas recevable à l’encontre d’un acte ayant déjà reçu exécution. En l’espèce, le bail conclu au nom de l’indivision avait bien été exécuté par Pierre, qui avait toujours réglé les loyers.
Les juges avaient été convaincus par Jean et ses frères. Ils avaient bien affirmé que le bail conclu au nom d’une indivision était effectivement nul. Mais l’exception de nullité soulevée par Pierre ne pouvait aboutir qu’à la condition que le bail n’ait pas encore été exécuté. Or il était trop tard. Pierre avait toujours ponctuellement réglé les loyers entre les mains de Jean, pour le compte de l’indivision.
À l’appui de son pourvoi, Pierre avait tenté de soutenir que le bail était entaché d’une nullité absolue, qui ne pouvait être couverte par des actes d’exécution intervenus par la suite. Mais c’était vain. Pour la juridiction suprême, il n’y a pas lieu de distinguer entre nullité relative et nullité absolue.
L’ÉPILOGUE. Pierre devra se soumettre aux conséquences du congé, validé par les juges, et envisager son déménagement. Le litige lui aura au moins appris, à ses dépens, que si elle est perpétuelle, l’exception de nullité ne peut pas toujours venir au secours de celui qui a laissé passer la prescription de l’action principale, du moins lorsque l’acte a été exécuté.
(1) Devenu l’article 1128 depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
(1) Devenu l’article 1128 depuis l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
(2) Cass.1re civ. 9 novembre 1999 n° 97-16454, Bull.civ. I, n° 298.
(2) Arrêt de la Cour de cassation du 9 novembre 1999, pourvoi n° 97-16454.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :