Le tribunal paritaire n’était pas compétent
Le tribunal paritaire des baux ruraux connaît exclusivement des contestations entre bailleurs et preneurs. Il n’est pas compétent pour statuer sur le litige opposant deux agriculteurs voisins se prétendant titulaires de droits de même nature sur les mêmes parcelles, en l’absence de mise en cause des propriétaires.
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L’HISTOIRE. À l’heure où les moyens de communication se développent à l’excès, il arrive que, dans un couple, l’information passe mal, notamment lorsque les tensions montent.
Cyril avait donné à bail à Romaric des bâtiments et des terres agricoles, qu’un arrêté du préfet l’avait autorisé à exploiter. Mais un mois plus tard, l’épouse de Cyril avait loué les mêmes biens à Edith. Elle les avait mis à la disposition du Gaec constitué entre son frère et elle, alors que l’autorisation d’exploiter leur avait été refusée.
Constatant que le Gaec avait commis des dégradations sur les parcelles prises à bail, Romaric l’avait assigné devant le tribunal de grande instance en paiement de dommages-intérêts.
LE CONTENTIEUX. Pour sa défense, le Gaec avait soulevé l’incompétence de ce tribunal au profit du tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR). Son avocat, qui connaissait le statut du fermage, avait rassuré le Gaec. Ce dernier avait le droit pour lui et il était préférable de plaider devant le tribunal paritaire, proche des exploitants. L’avocat avait invoqué l’article L. 491-1 du code rural selon lequel le TPBR est seul compétent pour connaître des contestations entre bailleurs et preneurs relatives à l’application des dispositions sur les baux ruraux. À la lecture de ce texte, seul le tribunal paritaire était compétent, puisque le litige portait sur le règlement d’un conflit entre deux preneurs successifs, ainsi que sur la conclusion régulière du bail de Romaric.
D’ailleurs, la Cour de cassation n’avait-elle pas jugé que le TPBR a une compétence générale pour connaître des contestations dont le bail rural est l’objet, la cause ou l’occasion ?
Le tribunal de grande instance avait été convaincu par l’argument. Il avait décliné sa compétence et renvoyé les parties à se pourvoir devant la juridiction des baux ruraux.
Mais pour la cour d’appel, saisie du contredit formé par Romaric, la compétence du tribunal paritaire ne pouvait être retenue que si le contentieux existait entre un bailleur et un preneur. Or, telle n’était pas la situation de l’espèce. Il s’agissait d’un litige entre deux personnes qui se prétendaient titulaires de droits de même nature sur les mêmes parcelles, mais dont le comportement de l’un était dénoncé comme source de préjudice pour l’autre. Les bailleurs n’étaient pas la cause de ce comportement.
Le tribunal de grande instance était donc bien compétent pour connaître du litige, ce que la Cour de cassation a confirmé en écartant le pourvoi du Gaec.
L’ÉPILOGUE. Ce n’est pas la fin de l’histoire. Romaric pourra désormais demander au tribunal de grande instance de se prononcer sur l’éventuel préjudice subi du fait du Gaec. Mais la question de la jouissance exclusive des parcelles ne pourra être réglée, cette fois, que par le tribunal paritaire des baux ruraux devant lequel les époux bailleurs devront être appelés pour répondre de la validité des baux. Affaire à suivre !
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