Trop généreux avec son voisin, il perdit son bail
La cession prohibée du bail rural à un tiers, même si elle ne porte que sur une partie des biens loués, justifie la résiliation du contrat.
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L’HISTOIRE
Louis avait voulu rendre service à son voisin. Il n’a récolté que des regrets. Jean lui avait donné à bail un domaine viticole d’une cinquantaine d’hectares, situé au cœur de la Drôme provençale et constitué de plusieurs parcelles groupées, à l’exception de l’une d’entre elles, placée à quelques kilomètres des bâtiments. Lorsque son voisin lui avait proposé de la mettre en valeur, Louis n’avait pas hésité à lui en laisser la libre disposition, dans le cadre de l’entraide. Mais Jean, qui avait eu connaissance de l’opération et ne l’avait pas appréciée, avait saisi l’occasion pour demander la résiliation du bail.
LE CONTENTIEUX
Il est vrai que la cession du bail est interdite, prohibée par l’article L. 411-35 du code rural. Une exception existe si elle est consentie avec l’agrément du bailleur au profit d’un descendant du preneur, de son conjoint ou du partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité. Aussi, toute cession, même partielle, du bail est sanctionnée par la résiliation du contrat. Les juges n’hésitent pas à la prononcer, car elle constitue une atteinte au principe du caractère personnel du bail rural.
Pour Jean, en mettant à la disposition d’un exploitant voisin une des parcelles comprises dans le bail pour y semer du blé et du colza, même si elle était éloignée des bâtiments d’exploitation, Louis avait bien réalisé une cession partielle du contrat. La résiliation du bail était encourue selon lui.
Devant les juges, Louis avait établi que l’opération avait été effectuée dans le cadre de l’entraide entre agriculteurs, sans aucune contrepartie onéreuse, et n’avait aucune conséquence sur la mise en valeur du domaine loué. Ce dernier était d’ailleurs très bien entretenu.
Le tribunal paritaire et, à son tour, la cour d’appel avaient écarté la demande de résiliation de Jean. En effet, le voisin utilisait sans contrepartie la parcelle en litige, qui représentait 10 % de la superficie du bail, ne revendiquait aucun droit sur elle et avait même reçu l’autorisation de Jean d’en user. Aussi, le manquement imputable à Louis n’était pas de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué et n’était pas suffisamment grave pour justifier la résiliation.
Mais cette motivation a été censurée par la Cour de cassation, saisie par Jean. Toute cession, même partielle, constitue à elle seule une cause de résiliation, selon elle, sans qu’il soit nécessaire de rechercher si elle est de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds loué. Aussi, les raisons invoquées par la cour d’appel, si raisonnables fussent-elles, n’étaient pas de nature à justifier l’infraction au statut du fermage qu’elle avait constatée.
L’ÉPILOGUE
La solution est sévère pour Louis, qui avait seulement voulu rendre service à son voisin. La cour de renvoi ne pourra proposer d’autre solution que la résiliation du bail. Pourtant, il ne faut pas perdre de vue que ce dernier est un contrat conclu à raison de la personne du preneur que le bailleur a choisi. On ne peut, par conséquent, lui en imposer un autre, même sur une petite partie du fonds loué.
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