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Celui qui cède l’herbe sur pied à son voisin n’est pas exploitant

La vente d’herbe emporte une présomption de bail rural exclusive de toute exploitation de la parcelle par le propriétaire bailleur. Dès lors, celui qui vend l’herbe sur pied n’a pas la qualité d’exploitant agricole. Il n’y a donc pas lieu de prendre en compte ses revenus pour le versement de l’allocation aux adultes handicapés.

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L’HISTOIRE. Malgré son handicap, Yves avait, courageusement et pendant de nombreuses années, poursuivi la mise en valeur de ses herbages, sur lesquels paissaient ses vaches salers. Il bénéficiait de l’allocation aux adultes handicapés de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale, mais au taux réduit, en raison de son revenu agricole supérieur au plafond fixé pour bénéficier d’un taux plein. Parvenu à l’âge de la retraite, Yves avait cessé son activité d’élevage et cédé l’herbe sur pied à son voisin. Il avait alors sollicité le versement de son allocation au taux plein. Mais la caisse de MSA avait refusé, en considérant qu’en cédant l’herbe à son voisin, Yves avait conservé son activité d’exploitant.

LE CONTENTIEUX. Yves avait saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d’un recours. Comment la MSA pouvait-elle le considérer comme chef d’exploitation agricole et exiger son assujettissement au régime social agricole ? Il avait en effet cessé son activité d’élevage et n’était plus physiquement capable de travailler. Et le fait qu’il se bornait à céder l’herbe de ses prairies à son voisin, pour en tirer un petit complément de retraite, ne lui donnait pas la qualité d’exploitant agricole au sens de l’article L. 722-4 du code rural.

Mais pour la caisse de MSA, Yves continuait bien d’exploiter ses herbages et restait donc chef d’exploitation. Aussi, l’appel des cotisations sociales afférentes à son activité, et la réduction de son allocation aux adultes handicapés du montant des revenus agricoles qu’il était censé percevoir, étaient justifiés.

Les juges ont rejeté le recours d’Yves. Ils se sont fondés sur le rapport du contrôleur de la caisse de MSA, produit aux débats, qui avait constaté que le voisin d’Yves mettait depuis plusieurs années ses bovins sur les herbages, moyennant une rémunération non facturée. Aussi, pour les juges, Yves avait bien conservé la gestion et la disposition des herbages et en tirait profit, sous une forme qui s’apparentait à la vente d’herbe. Il devait donc être assujetti au paiement des cotisations afférentes aux superficies exploitées, ce qui entraînait la prise en compte de son revenu agricole pour le versement de son allocation.

Mais c’était ignorer l’article L. 411-1 du code rural. Selon ce texte, la convention par laquelle un propriétaire de parcelles en nature d’herbage cède l’herbe à titre onéreux à un agriculteur chargé de la recueillir, est régie par le statut du fermage, de sorte que le cessionnaire est présumé exploitant, sauf preuve contraire.

Aussi, la cour d’appel a bien commis une erreur de droit, que les juges de cassation ont censurée. Ils ont rappelé que « la vente d’herbe emporte une présomption de bail rural, exclusive de toute exploitation par le propriétaire bailleur ».

L’ÉPILOGUE. Yves avait bien perdu sa qualité de chef d’exploitation. Tout au plus avait-il celle de bailleur. Mais cela restait sans incidence sur son droit à bénéficier de l’allocation aux adultes handicapés au taux plein, en l’absence de revenu agricole susceptible d’être pris en compte pour son versement.

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