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Le bailleur pouvait encorerésilier le bail

La prescription de l’action en résiliation du bail pour cession intervenue irrégulièrement ne peut commencer à courir qu’à compter de la cessation du manquement imputé au preneur.

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L’histoire

Maria exploitait des parcelles plantées en cerisiers, dans le cadre d’un bail à long terme que lui avait consenti Aurélien. Le poids des ans commençant à peser sur ses épaules, elle avait souhaité céder son bail à son fils et en avait informé Aurélien, qui avait refusé la cession de bail. Mais Maria n’en avait que faire. Elle avait pris sa retraite et son fils s’était tout de même retrouvé seul exploitant sur les terres.

En 2009, Aurélien avait saisi une première fois en résiliation du bail le tribunal paritaire des baux ruraux, qui avait déclaré la cession de bail illégale. Mais le jugement avait été infirmé par la cour d’appel, qui avait déclaré irrecevable la demande de résiliation d’Aurélien.

Le contentieux

Le 23 février 2015, Aurélien était retourné devant le tribunal afin de voir déclarer la cession illicite et prononcer la résiliation du bail. Maria avait alors soulevé une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action. Pour elle, Aurélien avait dépassé le délai pour agir. Il est vrai que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et en vertu de l’article 2224 du code civil, « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». Toutes les actions mobilières, au nombre desquelles figurent­ les actions d’origine contractuelle, sont donc soumises à la prescription quinquennale.

Il y avait là un débat juridique sur le point de départ de ce délai de cinq ans, que la cour d’appel avait tranché en accueillant l’irrecevabilité soulevée par Maria. Selon l’article 2243 du code civil, l’interruption de la prescription est « non avenue si le demandeur se désiste de sa demande […] ou si sa demande est définitivement rejetée ». La prescription quinquennale avait alors couru dès la première saisine du tribunal paritaire des baux ruraux, le 12 novembre 2009, de sorte que les demandes d’Aurélien, présentées le 23 février 2015, étaient prescrites pour ne pas avoir été formées avant le 13 novembre 2014, soit avant l’expiration du délai de cinq ans auquel avait donné ouverture la saisine initiale du tribunal paritaire. Mais Aurélien ne pouvait accepter cette solution, qui revenait à passer outre le manquement de Maria à une prohibition d’ordre public.

La Cour de cassation lui a donné raison. Elle a censuré les juges du fond au motif que s’agissant d’une infraction à une prohibition d’ordre public, la prescription ne peut commencer à courir qu’à compter de la cessation du manquement imputé au preneur, qui consistait à la cession du bail sans l’accord du propriétaire­.

L’épilogue

La solution est très favorable aux intérêts d’Aurélien, qui pourra, devant la cour de renvoi, faire valoir que l’irré­gularité n’ayant pas cessé, la prescription n’avait pas commencé à courir. Il pourra obtenir la résiliation du bail en raison du grave manquement de Maria. Mais celle-ci n’a-t-elle pas été imprudente en faisant valoir ses droits à la retraite et en cédant prématurément le bail à son fils ?

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