Même fourre-tout,le congé était valable
Le bailleur peut mentionner plusieurs motifs tant que le fermier n’est pas induit en erreur.
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L’histoire
La rédaction d’un congé rural est une tâche délicate. Même les huissiers les plus compétents peuvent s’en acquitter avec maladresse, réservant aux parties des surprises. Anne mettait en valeur de belles parcelles de cultures céréalières. Elles lui étaient louées dans le cadre d’un bail rural que Jean lui avait consenti de nombreuses années auparavant. Après plusieurs renouvellements, Anne était sur le point de faire valoir ses droits à une retraite bien méritée. Jean, qui le savait, avait confié à un huissier la rédaction et la signification du congé en vue de mettre fin au bail. Insatisfaite, Anne l’avait contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux.
Le contentieux
Anne avait invoqué l’article L. 411-47 du code rural, selon lequel « le bailleur qui entend s’opposer au renouvellement de la location doit notifier congé au preneur par acte extrajudiciaire », c’est-à-dire par acte d’huissier de justice. Le recours à ce professionnel doit, en principe, permettre de s’assurer que le congé donnera une information claire et précise au preneur. Aussi, l’acte ne peut être validé pour un autre motif que celui indiqué. Et si le congé en fait valoir plusieurs dans un seul et même document, il doit être dépourvu d’ambiguïté. Enfin, la nullité, pour non-respect des exigences de l’article L. 411-47, est soumise à la preuve que l’omission ou l’inexactitude ont été de nature à induire le preneur en erreur.
Or, pour Anne, le congé signifié à la demande de Jean avait été de nature à la tromper, tant il était mal rédigé. Son titre portait « Congé pour reprise », mais dans l’acte, il était indiqué qu’il était délivré en raison de son âge, ce qui n’avait rien à voir avec une reprise. L’ambiguïté justifiait, selon elle, l’annulation.
En réponse, Jean avait invoqué une jurisprudence selon laquelle le bailleur peut se prévaloir, dans un même acte, de plusieurs motifs, dès lors qu’il respecte les formalités propres à chacun. Pour lui, la nullité de l’un d’eux ne remet pas en cause les autres. Or ici, même si le titre du congé pouvait paraître erroné, la raison, relative à l’âge de la preneuse, était objective et n’était pas de nature à livrer une mauvaise information.
Les juges se sont prononcés en faveur de Jean. Seule la mention du titre faisait référence à une reprise, tandis que le corps de l’acte d’huissier développait le motif lié à l’âge. Et un congé, qui peut en mentionner plusieurs, est valable dès lors que l’un d’eux est justifié.
Ainsi, la double mention figurant dans le congé signifié à Anne n’était pas de nature à la tromper : ce dernier ne pouvait être annulé. À l’appui de son pourvoi, Anne avait tenté une ultime critique du congé considéré comme ambigu, mais elle a été rejetée, les juges ayant statué souverainement.
L’épilogue
Anne ne pouvait ignorer qu’elle avait atteint l’âge de quitter les parcelles prises à bail. Tout au plus pourra-t-elle bénéficier des dispositions législatives l’autorisant à demander au bailleur le report de plein droit de la date d’effet du congé. Celui-ci interviendra à la fin de l’année culturale, où elle pourra prétendre à une retraite à taux plein.
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