Deux époux,deux courriers
En cas de défaut de paiementde fermage et lorsque le baila été conclu au profit de deux époux copreneurs, le bailleurdoit adresser une miseen demeure à chacun.
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L’histoire
La solidarité matrimoniale au sein du couple ne constitue pas toujours une garantie pour le bailleur. Marc a pu s’en rendre compte. Il avait donné à bail à deux époux, Yves et Clotilde, des parcelles de terre en vue d’y exercer une activité d’élevage. Après des années florissantes, la crise de la viande avait affecté l’exploitation des preneurs. Ceux-ci avaient connu des difficultés de trésorerie, retardant le paiement des fermages. Aussi, Marc leur avait-il adressé successivement deux mises en demeure de payer le fermage de l’année 2017, dont la seconde avait abouti à un paiement partiel près de quatre mois plus tard.
Le contentieux
Loin de le satisfaire, Marc avait saisi le tribunal paritaire en résiliation du bail et en paiement du solde des fermages. Il estimait le droit pour lui, en s’appuyant sur l’article L. 411-31 du code rural. Ce texte dispose que le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage, ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Les défauts de paiement, dans les délais impartis par la loi, doivent être caractérisés avant la demande en justice. Au vu de ces éléments, la demande de Marc n’était-elle pas justifiée ? Il avait adressé à Yves et Clotilde une première lettre recommandée de mise en demeure portant sur le fermage de 2017. Elle était restée sans réponse. Cinq mois plus tard, il leur en avait envoyé une seconde, leur intimant de régler le fermage arriéré dans un délai de trois mois. Au vu de cette dernière, les preneurs avaient, quatre mois plus tard, fait procéder à un virement portant sur une partie du fermage. Pour Marc, la résiliation du bail s’imposait.
Mais l’avocat des preneurs avait invoqué un argument juridique pertinent. Chacun des époux copreneurs n’avait pas été destinataire d’une mise en demeure. Celle-ci avait été adressée à Yves et Clotilde, à deux reprises, par une seule lettre. Or, le principe de la solidarité entre époux ne saurait permettre de s’affranchir de l’obligation de délivrance des mises en demeure de manière individuelle à chacun d’entre eux.
Les juges avaient strictement appliqué l’article L. 411-31. Après la première mise en demeure, à laquelle les preneurs n’avaient pas répondu, ils ont considéré que le paiement partiel, quatre mois après le second courrier, caractérisait un manquement à leurs obligations. La résiliation du bail devait être encourue.
Mais Yves et Clotilde, qui n’acceptaient pas d’être ainsi sanctionnés, avaient saisi la Cour de cassation en invoquant l’absence de solidarité. Celle-ci a censuré les juges du fond. Pour elle, les mises en demeure avaient été adressées par une seule lettre, alors que chacun des époux copreneurs aurait dû en être destinataire individuellement.
L’épilogue
Devant la cour de renvoi, Yves et Clotilde pourront faire valoir le manque d’efficacité des mises en demeure dans la procédure de résiliation du bail. Pour autant, la solution retenue n’est-elle pas excessive ? En cas de coexploitation, les époux sont présumés s’être donné un mandat réciproque. Dès lors, les courriers envoyés en un seul exemplaire aux époux copreneurs ne devraient-ils pas être regardés comme suffisants ?
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