Mal fagoté, l’arbre ne méritait que d’être coupé
Face à des branches d’arbres un peu trop envahissantes, le voisin peut contraindre son propriétaire de les couper. Il ne peut, en revanche, lui imposer cet élagage forcé de manière anticipée.
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L’HISTOIRE. Les dispositions du code civil autorisant le propriétaire à contraindre son voisin à couper des branches surplombant son fonds sont à l’origine de nombreux conflits. Clotilde a eu l’occasion de le vérifier. Celle-ci habitait une villa entourée d’un grand jardin arboré et dont le platane, centenaire, lui apportait une ombre reposante lors des mois d’été. Mais Jean, propriétaire du pavillon voisin situé de l’autre côté du mur mitoyen, se plaignait de la végétation envahissante provenant des arbres, et particulièrement du platane planté sur le fonds de Clotilde. Aussi, un jour, celui-ci avait décidé de l’assigner en élagage devant le tribunal de grande instance.
LE CONTENTIEUX. Jean était convaincu de son bon droit. Il considérait avoir pour lui l’article 673 du code civil. Ce texte autorise le voisin à contraindre le propriétaire d’arbres, dont les branches surplombent son fonds, à les couper.
Pour renforcer, Jean avait fait état d’une jurisprudence qui avait reconnu que les dispositions du code civil n’avaient ni pour objet, ni pour effet de priver le propriétaire des arbres de son droit de propriété, mais seulement d’en restreindre l’exercice. Autrement dit, elles tendent à assurer des relations de bon voisinage en édictant des règles proportionnées à cet objectif d’intérêt général. Aussi, était-il fondé à obtenir du tribunal qu’il condamne Clotilde à couper toutes les branches de ses arbres qui dépassaient du mur mitoyen.
Pour celle-ci, cette assignation était sans objet. Elle avait fait constaté par un huissier de justice que le platane avait déjà été taillé quelques semaines auparavant. Le tribunal avait accueilli les doléances de Clotilde et débouté Jean de sa demande, pour le moins abusive.
Devant la cour d’appel, Jean ne s’était pas avoué vaincu et le débat avait pris une autre tournure. Les juges avaient affirmé qu’aucun dépassement, de quelque nature que ce soit, sur la propriété d’autrui n’était toléré. Aussi, convaincus par de nombreuses photographies que des branches, et plus particulièrement celles du platane, débordaient sur le fonds de Jean, les juges d’appel avaient condamné Clotilde. Elle devait, sous astreinte, « s’assurer que ni branches ni feuillages ne dépassent la limite séparative des propriétés ». La cour d’appel n’était-elle pas allée trop loin ? Ne devait-elle pas examiner la seule situation existante au jour où elle statuait, en vérifiant si Clotilde avait, ou non, rempli son obligation à cette date ? La Cour de cassation a préféré donner raison à cette dernière. Elle a censuré la cour d’appel en retenant « qu’il ne peut être présumé pour l’avenir de la méconnaissance par un propriétaire de son obligation légale d’élagage ».
L’ÉPILOGUE. Solution faite, le juge ne peut ajouter à l’article 673 du code civil une condition que ce texte ne contient pas.
En effet, avec cet article, le législateur n’a pas entendu astreindre le voisin à s’assurer qu’à l’avenir, ni branches, ni feuillages ne dépasseront la limite séparative des propriétés.
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